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16 avril 2012 1 16 /04 /avril /2012 07:55

drapeaux-de-l-otan-de-la-france-et-de-l-union-ue defense go

 

15-04-2012 Par Pascal Boniface - Directeur de l'IRIS

 

LE PLUS. L'industrie militaire est un atout majeur pour préserver l'indépendance d'un pays. C'est pourquoi la France doit réfléchir à sa stratégie de défense, selon Pascal Boniface, directeur de l’IRIS et auteur de "le Monde selon Sarkozy".

 

Les questions internationales n’envahissent pas la campagne électorale. Néanmoins, dans certains cercles, le débat sur le déclassement stratégique de la France a été lancé. Il se pose en effet dans un contexte général de la perte du monopole de la puissance par le monde occidental, qui vient s'ajouter à la fin de la rente de situation dont la France bénéficiait grâce à son positionnement singulier au cours de la Guerre Froide.

 

Comment, dans un monde dont les évolutions stratégiques ne sont pas naturellement favorables, conserver des marges de manœuvre ? On ne peut pas aborder le problème de notre déclassement stratégique par le seul biais du taux de dépenses militaires par rapport au PIB, comme cela est trop souvent fait. L'industrie de défense est un atout essentiel pour l'indépendance de la France.

 

Il ne faut pas méconnaître son utilité économique et stratégique. Elle doit néanmoins rester un moyen et non devenir une fin. On ne peut développer une analyse du rôle de la France dans le monde et de sa politique à partir du seul critère des dépenses militaires. Bien plus que la baisse des budgets, c'est une analyse erronée de nos intérêts et de notre situation, pire encore, une absence de réflexion stratégique globale qui pourrait conduire à notre déclassement.

 

Les risques du déclassement stratégique 

 

Doit-on réellement faire dépendre notre budget militaire de l'augmentation des budgets chinois, indiens ou américains comme le suggèrent certains ? Les Américains ont, après 2001, choisi une fuite en avant dans le tout militaire, faisant passer leur budget de 280 milliards de dollars à 700 aujourd'hui. Sont-ils pour autant plus en sécurité et la sécurité collective a-t-elle réellement progressé ? Non, bien au contraire.

 

Faut-il, dès lors, tenir compte de l'avertissement donné par l'ancien secrétaire à la Défense Robert Gates, dans son discours d'adieu prononcé à Bruxelles en juin 2011, demandant aux Européens d'augmenter leur budget de la défense parce que le Congrès américain serait fatigué de continuer à augmenter le financement du Pentagone ? Ceci n’avait aucune rationalité du point de vue de nos intérêts.

 

On nous dit qu'il faut combler les lacunes capacitaires révélées en Afghanistan et en Libye ? Mais n'est-il pas beaucoup plus urgent de réfléchir au bien-fondé de certaines opérations militaires extérieures, mises sur pied sans prendre en compte leur impact global sur le long terme ? Doit-on encore se lancer dans des interventions qui se transforment en guerre de contre-insurrection dont les puissances extérieures ne peuvent plus espérer sortir vainqueurs ?

 

Puisque l'on parle de déclassement stratégique ne faut-il pas réfléchir à ce qu'implique notre réintégration dans les commandements militaires intégrés de l'OTAN ? Certes sur le fond la réintégration en tant que telle n'a pas changé grand-chose à la situation préexistante. Nous étions déjà quasi intégrés. Mais contrairement à ce qui avait été avancé, elle n'a en rien aidé au développement d'une européanisation de la défense, toujours en panne.

 

Et surtout nous avons un comportement relativement passif par rapport au projet de double extension géographique et des missions de l'OTAN.

 

Le risque de transformer en Sainte Alliance, déjà dénoncé par Mitterrand en 1990, est plus actuel que jamais. Doit-on se laisser entrainer dans une organisation qui se transforme en bras armé de l’occident ?

 

Quelle voix particulière faisons-nous entendre ? Allons-nous, lors du sommet de Chicago de mai, rester sans réaction par rapport au projet de défense antimissile, dont le coût est exorbitant, dont l'utilité stratégique est contestable, qui constituerait une relance inutile de la course aux armements, qui est plus destiné à satisfaire les désirs du complexe militaro-industriel que les besoins de sécurité, et qui par ailleurs constitue un désaveu implicite de la politique de dissuasion ?

 

Le risque de déclassement est bien réel, mais il est plus lié à une absence de réflexion globale sur les évolutions stratégiques mondiales et le rôle de la France dans un contexte mutant. Ce n'est pas la répétition d'arguments repris en boucle dans les cercles otaniens qui peut nous aider à avoir cette vision.

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15 avril 2012 7 15 /04 /avril /2012 12:16

Strategic-Trends-2012.jpg

 

April 14, 2012 Center for Security Studies (CSS), ETH Zurich

 

Author(s): Myriam Dunn Cavelty, Jonas Grätz, An Jacobs, Prem Mahadevan, Daniel Möckli

Editor(s): Daniel Möckli

Series Editor(s): Andreas Wenger

Series: Strategic Trends

 

Strategic Trends 2012 is the third issue of the Strategic Trends series. It contains a brief overview as well as chapters on China's uncertain peaceful rise, the strategic weakening of debt-ridden Europe, the persistence of armed conflict in sub-Saharan Africa, the geopolitical significance of unconventional oil and gas resources, and the militarization of cyber security.

 

Download: English (PDF)

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14 avril 2012 6 14 /04 /avril /2012 21:30

Grenoble EM logo

 

Apr. 04, 2012 CLES - Comprendre Les Enjeux Stratégiques

 

À l’instar de la Grande-Bretagne qui vient d’annoncer l’expérimentation de bobbies privés, les États contemporains recourent de plus en plus massivement aux entreprises pour assurer des tâches traditionnellement considérées comme régaliennes.

 

Au cours de la dernière décennie, cette pratique s’est généralisée, y compris au sein des armées. Avec un ratio moyen d’un civil pour un militaire, les confl its irakien et afghan illustrent parfaitement l’omniprésence d’opérateurs privés dans la gestion des crises actuelles.

 

Télécharger la note  La privatisation des armées

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3 avril 2012 2 03 /04 /avril /2012 07:50

Mindef

 

02.04.2012 Le Monde.fr

 

Paulus Malus : Quels sont les grands défis stratégiques ?

 

Michel Foucher : La question porte sur les grands défis stratégiques pour la France qui ne sont pas nécessairement ceux d'autres puissances ou même de ses grands alliés. Par exemple, faut-il considérer que le défi iranien mérite d'être classé au premier rang des priorités, comme cela semble être le cas pour justifier un effort particulier en matière de défense antimissile en Europe ?

 

Cet exemple indique simplement la nécessité pour un Etat, et donc son prochain gouvernement, d'évaluer ses propres défis stratégiques. Au-delà des éléments classiques (prolifération, sortie des crises), la crise financière et économique qui a commencé en 2008 a manifesté le poids des marchés financiers sur les décisions politiques des Etats, même démocratiques. Il y a incontestablement un défi de souveraineté qui est posé aujourd'hui à un pays comme la France. Nous sommes dans une situation assez nouvelle où les facteurs extérieurs d'ordre économique pèsent sur la conduite des affaires et où les questions stratégiques, au sens propre, semblent aujourd'hui secondaires.

 

Valmy : Est-ce à la France d'être en première ligne dans l'affaire du nucléaire iranien, alors que Téhéran estime que ce sont les Etats-Unis qui sont leurs principaux interlocuteurs ? Qu'est-ce que la France a à gagner à demeurer en pole position des Etats hostiles à l'Iran ?

 

Michel Foucher : Je crois que la question est parfaitement justifiée. La politique d'Obama de la main tendue est certainement la bonne, même si elle n'a pas porté ses fruits. Entre Washington et Téhéran, il y a deux spécificités. D'une part, l'absence de relations diplomatiques directes depuis plus de trente ans alors qu'une partie éclairée de la société iranienne reste fascinée par les Etats-Unis. La force politique iranienne qui saurait renouer avec Washington l'emporterait durablement.

 

D'autre part, le programme nucléaire militaire iranien est jugé à Washington moins menaçant qu'à Jérusalem. Les lignes rouges ne sont pas exactement les mêmes. La France se situe actuellement plus près de la ligne israélienne que de la ligne américaine. L'un des défis stratégiques les plus graves est celui des risques de prolifération régionale (Turquie, Arabie saoudite). Ceci justifie la permanence d'un engagement diplomatique français et européen.

 

Mr. K : Pouvez-vous détailler la position de la France sur le bouclier antimissiles en Europe ?

 

Michel Foucher : Ce projet de DAMB a été discuté au sommet de l'OTAN à Lisbonne et Paris a marqué ses réserves par rapport à notre posture de dissuasion. La France semble intéressée par certains éléments de ce dispositif, notamment l'alerte avancée (radar), mais s'inquiète des coûts considérables des "effecteurs" (missiles antimissiles) et d'un système de commandement contrôle exclusivement américain. C'est un sujet qui fâche Moscou et qui crée une divergence avec notre partenaire allemand. Il sera abordé de nouveau lors du sommet de l'OTAN, à Chicago (21-22 mai 2012). Il appartiendra au président français élu de prendre position sur ce sujet.

 

Menard : Est-il dangereux pour la France, comme le préconise François Hollande, de baisser le budget de la défense alors que la plupart des pays l'ont augmenté ?

 

Michel Foucher : Je n'ai pas compris que le candidat socialiste avait cette intention.

Il a, au contraire, indiqué lors de son discours sur le sujet que le contexte international n'allait pas dans le sens d'un désarmement et qu'il convenait de préserver l'outil de défense, y compris dans sa dimension industrielle.

 

Il y a incontestablement un paradoxe européen, déjà souligné dans plusieurs articles du journal Le Monde, d'une tendance au désarmement structurel, alors que les acteurs émergents sont dans une période de fort investissement de défense, à la fois dans une logique de rattrapage (Russie, Chine) et dans une ambition de se doter des attributs de la souveraineté (Brésil, Inde).

 

Nicolas : Face à la montée du programme militaire chinois, de la progression du sentiment anti-OTAN en Russie ou même de la mise en place des programmes de défense indiens, ou encore brésiliens, la France, à l'image du Royaume-Uni, ne risque-t-elle pas de perdre sa place à l'international ?

 

Michel Foucher : Avant de répondre à la question centrale, il est important de bien apprécier ces différents programmes. La Russie n'a rien fait en matière de modernisation de ses forces armées dans les quinze dernières années et elle entre dans une période de rattrapage. L'OTAN n'est pas exactement perçue comme une menace mais comme une source de tension, en raison du programme DANB et de ses ambitions globales (Asie, Pacifique).

 

La Chine est également en période de rattrapage avec une ambition stratégique plus ciblée, qui est celle de la reconquête de sa maîtrise du Pacifique occidental. L'Inde répond à la course aux armements chinoise. Le Brésil n'a pas d'adversaire stratégique mais est dans une logique de montée en puissance (Atlantique sud).

 

Certains de ces Etats sont des démocraties et des partenaires industriels possibles pour la France. Il se peut que les Européens cultivent une vision pacifique de l'évolution des rapports internationaux qui les conduisent à un certain angélisme pacifique.

 

Au départ, pour de bonnes raisons, puisque la construction européenne se nourrit du refus de l'emploi de la force. Il y a donc un risque réel de rétrécissement stratégique. La réponse n'est probablement pas d'ordre militaire, mais dans notre capacité à mettre en place des dialogues stratégiques, qui introduiraient plus de transparence sur les intentions des uns et des autres. Il faut que notre diplomatie s'adapte à ce que j'appelle ce nouveau polycentrisme.

 

Alfred : Est-ce que, finalement, la France ne peut pas aller au-delà d'un certain cercle géographique (espace euroméditerranéen, de la Libye au Caucase) pour exprimer son influence et relever les défis stratégiques ?

 

Michel Foucher : C'est une excellente question. Et il serait souhaitable que la réponse ne soit pas dictée par les seules contraintes budgétaires. La France reste un acteur régional puissant et il est vrai que les premiers défis de stabilité de sécurité se localisent dans son voisinage. Disons entre trois et six heures de vol de Paris. Il y a là une concentration unique au monde de problèmes où tout se mêle : développement, démocratie, droits de l'homme, énergie, rapport entre les religions et l'Etat, fracture de niveau de vie, etc.

 

Donc, nous n'avons pas le choix de notre géographie. Mais certaines évolutions, au-delà de ces cercles de proximité, peuvent nous affecter tout autant. Je pense au Golfe persique, à l'Asie du Sud-Est, à la stratégie chinoise, et là, nous sommes absents sauf par la diplomatie. Le prochain livre blanc de la défense et de la sécurité nationale devra trancher sur ce point. Il conviendrait également de mobiliser le levier européen pour trouver, en quelque sorte, une allonge dans nos relations avec les grands acteurs plus lointains.

 

Quai : Ce que vous venez d'expliquer ne revient-il pas à une approche défensive de la sécurité et de la diplomatie ?

 

Michel Foucher : Elle pourrait être fondée sur une écoute et un accompagnement plutôt que sur la volonté d'exporter nos modèles. Là aussi, je pense que pour la France, il est indispensable de mobiliser le levier européen.

 

Orsay: Que pensez-vous du débat à gauche comme à droite entre les néoconservateurs (UMP et PS) et les gaullo-mitterrandiens (PS-UMP) ?

 

Michel Foucher : C'est un débat important, réel. La ligne suivie depuis au moins huit ans est une ligne que j'appellerai à la suite de Marcel Gauchet, une ligne de banalisation occidentale. Qui ne se limite pas à l'atlantisme et à la revendication d'appartenance à une famille. Les nouvelles générations, en France, restent très attirées par le modèle américain, et les militants du Parti socialiste ne me semblent pas y échapper.

 

Une posture néogaulliste aurait comme ingrédients : le réalisme dans l'analyse des rapports de forces et dans la définition de nos atouts et une capacité à produire des idées (dans les cercles internationaux, G8, G20, ONU, Unesco, etc.) qui intéressent les autres. La France est perçue dans toutes les enquêtes internationales comme un des rares pays ayant une influence positive sur les affaires du monde. Et dans cette mondialisation qui ne se limite pas au commerce, qui est l'occasion d'un échange intense de signes et de singularités culturelles, l'image de la France est très attractive.

 

Les corrélats associés en Chine au mot France et au mot Europe sont : beauté, culture, droit. Ceci fait l'objet d'enquête dans un programme européen sur les perceptions extérieures (Euro Broad Map).

 

Quentin : Quel rôle la France peut-elle encore espérer jouer dans la construction européenne ?

 

Michel Foucher : C'est une bonne question. La réponse n'est pas dans la définition d'un rôle, il s'agit d'être acteur. Là aussi, avec des idées, des initiatives pour essayer de sortir de ces crises accumulées où l'élément psychologique est tout à fait fondamental, ce qu'on appelle la confiance.

 

L'Union européenne reste la première économie du monde en valeur et le premier marché du monde, mais il y a un doute qui s'est de nouveau installé, faute sans doute de porter un nouveau projet politique, comme ce fut le cas après 1989-1991 avec l'élargissement et la réforme des institutions.

 

Les défis de la mondialisation économique favorisent les réactions en ordre dispersé. Chacun pour soi. Le déficit de discours publics et des politiques sur le sens du projet européen ne favorise pas le sentiment d'appartenance des Européens à une communauté géopolitique qui les dépasse.

 

Bertrand : Quelle peut être la position future de la France dans l'affaire syrienne ?

 

Michel Foucher : La France doit poursuivre ses efforts en utilisant tous les leviers possibles (sanctions, pressions, plus tard justice internationale, défections, etc.) tout en sachant que ce régime minoritaire dispose encore d'alliés à l'intérieur, notamment avec d'autres minorités et une partie de la population sunnite. Nous sommes dans une situation très différente de celle de la Libye. Je crois qu'un effort s'impose maintenant pour mieux connaître les rapports de force à l'intérieur de ce pays.

 

Diplomatie : La France a-t-elle renoncé à sa politique arabe, propre à de Gaulle et reconduite par Mitterrand et Chirac ? Croyez-vous au succès de Nicolas Sarkozy dans sa volonté de régler le conflit israélo-palestinien dans l'année qui suivrait sa réélection en mai ?

 

Michel Foucher : Nous avons, tant en Europe qu'aux Etats-Unis, peu de prises sur les décisions des gouvernements israéliens successifs. La question israélo-palestinienne a sans doute été, dans le passé, celle qui consommait le plus de temps dans l'agenda des ministres des affaires étrangères.

 

Seul un gouvernement américain dégagé d'obligations électorales, pourrait exercer les pressions pour un règlement, mais la divergence partielle d'intérêts entre Washington et Jérusalem est un sujet presque tabou aux Etats-Unis. Donc je suis devenu assez pessimiste sur notre capacité d'action, notre capacité à peser véritablement sur des éléments d'un règlement. Après avoir longtemps pensé que c'était accessible.

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3 avril 2012 2 03 /04 /avril /2012 07:45
Défense : les candidats à la présidentielle restent (presque) tous dans le rang

02/04/2012 Michel Cabirol – LaTribune.fr

 

Sur la place de la France dans le monde (OTAN, ONU, opérations extérieures) , les questions industrielles en passant par la dissuasion nucléaire, les cinq principaux compétiteurs font chacun entendre leur petite musique... Même si la défense reste un sujet largement consensuel à l'image de la dissuasion nucléaire que tous souhaitent conserver.

 

Les cahiers de la « Revue Défense Nationale » ont fait plancher dans l'édition du mois d'avril les cinq grands candidats à l'élection présidentielle - François Bayrou (Mouvement démocrate), François Hollande (PS), Marine Le Pen (FN), Jean-Luc Mélenchon (Parti de gauche) et Nicolas Sarkozy (UMP) - sur la politique en matière de défense qu'ils entendent mener s'ils étaient élus président. Des questions certes cruciales pour la France mais qui restent dans l'ombre des thèmes de campagne prioritaires (dette, emploi, consommation...). Revue de détails.

 

 

Un Livre blanc

 

S'il y a bien un consensus total en matière de défense entre les cinq grands candidats, c'est sur ce point. S'ils accèdent à la responsabilité de chef des armées, ils entendent lancer très vite les travaux pour la rédaction d'un Livre blanc pour remplacer celui présenté en juin 2008 par Nicolas Sarkozy. Pour François Bayrou, il faut actualiser le dernier Livre blanc « sans remettre en question le contrat opérationnel défini ». « Mais, contrairement à ce qui a été fait en 2008, il conviendra de procéder dans l'ordre et de manière cohérente, en précisant d'abord l'adaptation du cadre stratégique en votant ensuite une loi de programmation militaire, en la mettant en œuvre sans reniement et sans à-coups ». Nicolas Sarkozy souhaite également actualiser le Livre Blanc réalisé sous son quinquennat en raison des « bouleversements majeurs, qui ont un impact important sur la donne stratégique ». Un document doit être présenté au second semestre 2012.

 

En revanche, à gauche, les deux candidats ne veulent pas d'une simple réactualisation du Livre blanc mais d'un nouveau document définissant « les enjeux stratégiques » de la France, explique François Hollande, qui souhaite que soit entreprise « au plus tôt la rédaction d'un Livre blanc de la défense », suivie d'une Loi de programmation militaire avec deux objectifs : répondre aux menaces identifiées et dimensionner nos équipements aussi précisément que possible à ces enjeux ». La vision stratégique de Jean-Luc Mélenchon sera également « précisée dans un nouveau Livre blanc au terme d'un débat public et populaire ». Ce document « répondra aux deux questions déjà posées par Jaurès : comment porter au plus haut, pour la France, et pour le monde incertain dont elle est enveloppée, les chances de la paix ? Et si malgré son effort et sa volonté de paix, elle est attaquée, comment porter au plus haut les chances de salut, les moyens de la victoire ? ».

 

Enfin, Marine Le Pen, qui regrette le désarmement de la France alors que « le reste du monde réarme », n'appelle pas explicitement à la rédaction d'un Livre blanc. Mais elle souhaite « sauvegarder les objectifs de forces du Livre blanc de 2008 », un « seuil en dessous duquel la cohérence de l'ensemble serait menacée pour assurer les missions de protection, de prévention et de projection ». Elle préconise notamment une « refondation intellectuelle d'une véritable pensée stratégique ».

 

 

Le Budget

 

Confronté à une situation économique difficile en France, la défense n'échappera pas à de nouvelles économies comme le craignent les responsables militaires. La défense, variable d'ajustement ? Non, jurent en cœur François Bayrou, François Hollande et Nicolas Sarkozy. « Je n'accepterai pas que la défense soit considérée comme la variable d'ajustement (...). L'effort qui sera demandé à l'armée sera le même qui sera imposé aux administrations publiques de notre pays, à l'exception de l'Education nationale », explique le président du Mouvement démocrate. Un discours proche de celui de François Hollande : « la défense nationale ne sera pas une variable d'ajustement. Il y aura des efforts à faire, la situation de notre économie et de nos finances publiques nous y contraint. Il y va de notre indépendance même. La défense y contribuera dans les mêmes proportions que les autres missions de l'Etat ». Pour Nicolas Sarkozy, « l'effort d'une nation pour sa défense doit être à la hauteur de ses ambitions ». Aussi « san détour, je peux l'affirmer, notamment car je l'ai prouvé en maintenant les ressources du ministère de la Défense dans le budget triennal 2011-2013 en dépit des difficultés causées par les crises successives : je ne ferai jamais du budget de la défense nationale une variable d'ajustement ».

 

Pas question pour Jean-Luc Mélenchon d'augmenter ni de baisser le budget de la défense, car selon lui, « une France mise au service de la paix ne peut être privée des moyens de se défendre ». Il n'envisage pas sa « réduction » car « elle paralyserait nos capacités opérationnelles ». Il préconise également un « moratoire sur la diminution des effectifs ». Enfin, Marine Le Pen entend pour « redresser une situation critique et malgré les difficultés économiques actuelles », revenir « progressivement, sur cinq ans, à l'objectif réel et effectif de consacrer à la défense 2 % du PIB (hors pensions) au lieu de moins de 1,6 % aujourd'hui ». Selon elle, « ce chiffre raisonnable permettra de corriger le décalage actuel avec les objectifs de la programmation du Livre blanc ». Ce qui permettrait, selon elle, de lancer notamment « la construction d'un second porte-avions ».

 

 

La dissuasion nucléaire

 

Il existe un consensus entre les différents candidats malgré leurs différences, à l'exception de Jean-Luc Mélenchon, qui souhaite abandonner la composante nucléaire aérienne qu'il juge « obsolète ». Pas question d'abandonner l'arme nucléaire, un outil de puissance pour la France.

 

François Bayrou : « La France entend demeurer une puissance nucléaire crédible, libre et indépendante, avec ses deux composantes de forces (air et mer, ndlr) ».

 

François Hollande : « la dissuasion est indissociable de notre sécurité et de notre statut de grande puissance. (...) Nous conserverons les deux composantes aérienne et sous-marine ».

 

Marine Le Pen : « La dissuasion nucléaire demeure le fondement de notre stratégie de défense. (...) La composante océanique en est l'épine dorsale avec nos SNLE (sous-marins lanceurs d'engins, ndlr) équipés du missile M51. La composante aérienne doit être maintenue pour le moment (...). Naturellement nous exprimons farouchement contre le processus de mutualisation de nos capacités nucléaires avec l'Angleterre qui constitue une erreur historique majeure ».

 

Jean-Luc Mélenchon : « La dissuasion nucléaire demeure l'élément essentiel de notre stratégie de protection. (...) Quoi qu'il en soit, j'en allégerai le coût en supprimant la composante aérienne, aujourd'hui obsolète ».

 

Nicolas Sarkozy : «J'ai dans ce domaine une conviction profondément ancrée : il n'est pas question de remettre en cause notre dissuasion parce que je tiens à ce que la France participe à la préservation de la paix et qu'elle soit crédible et écoutée dans le monde ».

 

 

L'Industrie de défense

 

François Bayrou n'évoque pas ce qu'il entend mener en matière de politique industrielle de défense.

 

François Hollande souhaite en revanche « construire une politique industrielle de défense » : « Je veux une industrie de défense forte, cohérente et contrôlée. (...) Je n'entends donc déléguer à quiconque cette responsabilité de tracer l'avenir de ces grands groupes industriels de défense et certainement pas à des intérêts privés ou financiers à qui le gouvernement sortant s'est trop souvent plié. (...) Les coopérations industrielles avec des partenaires européens seront encouragées, car elles sont gages de succès futurs ».

 

Marine Le Pen : « La défense emploie plus de 300.000 civils et militaires tandis que l'industrie de défense assure de son côté, directement ou indirectement, près de 150.000 emplois, de surcroît à fort contenu technologique. Un tel effort s'inscrira donc dans la planification stratégique de la ré-industrialisation qui est l'un des socles de notre projet économique. (...) Le développement des industries d'armement pourrait donc constituer un factreur essentiel de relance. Le sacrifice consenti de notre industrie des armes légères prouve l'absurdité de la politique de désindustrialisation. Non seulement nous ne produisons plus nos munitions mais celles que nous achetons sont de mauvaise qualité ».

 

Jean-Luc Mélenchon veut une « industrie de l'armement libérée de la finance ». « Garantir la souveraineté de la France suppose de disposer d'une industrie d'armement efficace. Nous l'avons aujourd'hui malgré les profondes restructurations qui, depuis les années 90, ont favorisé les logiques financières. Sur la base des structures existantes, je créerai un pôle public de l'armement. Il planifiera la production en fonction des besoins de la nouvelle stratégie.

L'Etat doit conserver ou acquérir une part importante dans les groupes impliqués. Les recours et participations donnant à des groupes liés à d'autres puissances, des pouvoirs de surveillance ou de contrôle sur nos décisions seront écartés. Dans cet esprit, je remettrai en cause l'accord franco-anglais de défense. Enfin, je réaliserai un audit au cas par cas des contrats de haute technologie. Très coûteux, ils répondent davantage aux intérêts financiers des industriels plutôt qu'à nos besoins ».

 

Nicolas Sarkozy : « L'excellence et le caractère de l'industrie française de défense sont précieux pour notre pays. Cette industrie, de l'aéronautique au terrestre en passant par le naval, l'espace, les missiles, les drones ou encore la dissuasion, est non seulement créatrice d'emploi et de richesse mais elle est également une garantie d'indépendance. (...) Je n'accepterai pas que les centaines de milliers de salariés soient les victimes d'un abandon qui consisterait à rester les bras ballants face à une concurrence déloyale. (...) Les marchés publics de l'Union européenne ne peuvent pas être ouverts à tous, si les autres pays appliquent une forme de protectionnisme plus ou moins revendiqué. Aux Etats-Unis, un « Buy American act » qui date de 1933 fait obligation de n'utiliser que des produits fabriqués aux Etats-Unis dans les marchés publics de fournitures et de constructions de l'Etat fédéral. L'Union européenne doit faire preuve de beaucoup moins de naïveté, surtout dans un domaine aussi sensible que la défense. Elle doit fermement conditionner l'accès à nos marchés publics à la réciprocité de la part des autres pays. Mon action ira dans ce sens et refusera le fatalisme d'une application dogmatique et naïve de la concurrence. Si l'Union européenne ne prend pas des mesures dans ce sens dans un délai de douze mois, la France prendra un Buy European Act pour ses propres marchés publics ».

 

 

L'OTAN

 

Pour le futur président, le premier grand rendez-vous international et diplomatique sera le sommet de l'OTAN, qui se tiendra en mai à Chicago. Que disent les candidats après le retour de la France dans le commandement militaire intégré, retour qui avait déclenché en 2009 une vague de critiques.

 

François Bayrou : « On sait que je n'ai pas approuvé le retour de notre pays dans le commandement militaire intégré, dont je considérais et considère toujours qu'il enlevait à la France une part symbolique, et donc essentielle, de son originale indépendance. Mais en la matière je l'avais dit explicitement à l'époque, les aller- retour à chaque alternance sont impossibles, sauf à porter atteinte à la crédibilité internationale de notre pays ».

 

François Hollande : « Je considère que notre engagement dans l'Alliance atlantique est aussi une garantie de notre sécurité et un instrument pour la gestion des crises de dimensions militaires aujourd'hui. Fallait-il pourtant revenir dans le commandement militaire intégré dans l'organisation ? Je considère que la France n'en a pas retiré de bénéfice probant. Il faudra donc évaluer cette décision ».

 

Marine Le Pen : « Nous nous engageons à institutionnaliser le partenariat stratégique et industriel avec la Russie, qui est la condition de la masse continentale européenne et d'une géopolitique européenne forte fondée sur un axe franco-germanique-russe ; l'inverse d'une Europe de la défense purement chimérique et d'ores et déjà mort-née du fait de notre retour dans l'OTAN ».

 

Jean-Luc Mélenchon : « L'OTAN n'est rien d'autre que le bras armé de l'intérêt des Etats-Unis. Sa mue en alliance globale doit être stoppée nette. La France doit s'engager à développer la sécurité collective dans le seul cadre de l'ONU. (...) Si j'y représente la France (au sommet OTAN, le 20 et 21 mai à Chicago, ndlr), j'annoncerai sa sortie du commandement militaire intégré, préalable à son retrait de l'Alliance ».

 

Nicolas Sarkozy : « Depuis la réintégration de la France dans la structure de commandement militaire intégré de l'OTAN en avril 2009, notre pays a renforcé son influence au sein de la famille occidentale et pèse davantage qu'avant dans les choix stratégiques de l'Alliance ».

 

 

L'Europe de la défense

 

L'Europe de la défense ? Une belle idée défendue par la plupart des hommes politiques français... qui restent isolés en Europe. Car la plupart des autres pays de l'Union européenne, y compris l'Allemagne, n'en veulent pas, ou sont ent tout cas très méfiants vis-à-vis de la France. Du coup, Paris a été contraint ces dernières années de mener une politique plutôt opportuniste, au cas par cas, à l'image de l'axe franco-britannique. Une réalité qui n'empêche pas encore aujourd'hui les candidats à vouloir relancer l'Europe de la défense. Peut-être pour mieux diluer l'effort de défense de la France.

 

François Bayrou : « La construction de la défense européenne est une ardente obligation. J'y donnerai mes soins en utilisant au mieux les nouveaux outils institutionnels communautaires, pour faire naître la voix européenne forte et crédible dont l'équilibre du monde a besoin. Ainsi serait consolidée notre base industrielle de défense, tant européenne que nationale ».

 

François Hollande : « L'Europe de la défense est notre horizon et notre ambition. L'alternance politique en France devra être l'occasion d'une vigoureuse relance de la construction européenne. Elle pourra reposer sur la définition des contours d'une vision commune et d'une mise en cohérence de nos politiques. Je favoriserai les convergences avec tous nos partenaires européens. Je donnerai une nouvelle dynamique aux instances que nous avons contribué à créer au sein de l'Union : le comité politique, l'Etat-majopr de l'UE, le centre de situation, l'Agence européenne de défense. J'œuvrerai pour consolider la base technologique et industrielle de l'Europe ».

 

Marine Le Pen : Pour une « Europe forte », la candidate du Front national mise sur « un axe franco-germano-russe ».

 

Jean-Luc Mélenchon : « La politique de défense que je propose est altermondialiste : elle encourage l'émergence d'un monde multipolaire, libéré de toute forme d'hégémonisme. (...) J'affirmerai une option préférentielle pour l'action avec les pays émergents. La condition initiale de cette politique est la récupération de notre souveraineté militaire. (...) L'Europe de la défense n'a jamais été pensée en dehors du cadre strictement atlantiste réaffirmé dans le Traité de Lisbonne.

 

Nicolas Sarkozy : « Qu'il s'agisse de l'OTN ou de l'Europe, je considère qu'il faut poursuivre et renforcer les actions entreprises ».

 

 

L'Afghanistan

 

Le retrait domine. Que ce soit François Bayrou, François Hollande et Jean-Luc Mélenchon. Marine Le Pen n'en parle pas. Enfin Nicolas Sarkozy, qui n'évoque pas le sujet, avait annoncé fin janvier un retrait total des troupes françaises fin 2013.

 

François Bayrou : Au sommet de Chicago « j'y rappelerai que la France respectera solidement ses engagements vis-a-vis de ses alliés, notamment en Afghanistan. J'écarterai le retrait précipité, en quelques semaines, autant que le maintien de troupes sur le terrain, toute action suspendue ».

 

François Hollande : « En 2012, nous conduirons le retrait de nos troupes combattantes d'Afghanistan ».

 

Marine Le Pen ne s'exprime pas sur l'Afghanistan. De façon générale, elle estime que la France doit disposer « à la fois une force de projection suffisamment nombreuses pour répondre au défi des Opex (opérations extérieures, ndlr) et une force de défense territoriale dimensionnée ».

 

Jean-Luc Mélenchon : S'il est élu, il décrétera au sommet OTAN de Chicago « le rapatriement complet de nos soldats d'Afghanistan ». D'une façon plus générale, le candidat du Parti de gauche estime que « les interventions en Afghanistan ou ne Libye ont montré les limites de l'organisation et des moyens de nos armées. Il est inacceptable d'envoyer en opération des soldats sous-équipés, de dépendre d'autres puissances pour le transport de troupes, le ravitaillement en vol ou l'observation. (...) En tout état de cause, l'acquisition d'une capacité de projection autonome d'une brigade interarmes est un objectif raisonnable. Il suppose d'augmenter les capacités en termes de renseignement et de soutien. Mais aussi de décider des moyens nécessaires de la projection, tant aériens que maritimes ».

 

Nicolas Sarkozy : « La France doit être capable de se défendre et de mener des opérations en dehors de son territoire national. De ce point de vue, le Livre blanc, la LPM (Loi de programmation militaire, ndlr) et sa mise en œuvre me permettent d'affirmer que la France est effectivement capable de tenir cet objectif ».

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23 mars 2012 5 23 /03 /mars /2012 21:42

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23.03.2012 par Guillaume Belan (FOB)

 

Charles Maisonneuve, ancien élève officier de réserve de l’École de Cavalerie a été journaliste spécialisé sur les problématiques de défense. Il est aujourd’hui directeur de la communication de Renault Truck Défense. Il vient de publier son quatrième ouvrage, “Les combats de la Cavalerie blindée”, aux éditions Economica (120 pages, 19 euros).

 

Comment l’idée de ce livre vous est-elle venue?

 

J’ai remarqué, comme beaucoup d’autres acteurs de la défense, que la diversité des modes d’action de la cavalerie française était trop souvent méconnue. Avec ce livre j’ai donc voulu montrer la plus-value opérationnelle de l’emploi d’unités blindées très mobiles, puissamment armées et leurs actions sur les théâtres d’opérations récents.

 

Vous avez choisi un mode de rédaction particulier…

 

Oui, j’ai choisi de traiter le sujet sous forme de témoignages directs de jeunes officiers, lieutenants ou capitaines pour avoir des retours d’expériences très précis. Cela m’a permis d’avoir accès à un grand nombre de comptes-rendus de fin de missions peu connus du grand public. Mais surtout, comme ce livre est à destination du grand public, j’ai voulu utiliser la technique de l’interview pour faire découvrir d’une manière « vivante » les combats que mènent chaque jour les cavaliers sur les théâtres d’opérations.

 

Qu’il s’agisse d’action de maintien de foule par des blindés en Côte d’Ivoire, ou d’engagement haute intensité de chars Sagaie au Tchad, ce livre nous révèle beaucoup d’opérations méconnues. Comment expliquer ce silence?

 

Au moment d’une action, et en raison des conséquences politiques possibles, la communication du ministère est toujours assez frileuse. Le ministère de la défense préfère bien souvent le silence au tapage. La deuxième raison tient au système médiatique : dès qu’une crise est passée, les médias ne reviennent pas dessus. Une information en chassant une autre. Qui s’intéresse aujourd’hui aux actions de combat autour de l’aéroport de N’Djamena en 2008. Or, l’action, menée par le 1e REC, aurait pu très mal tourner. Des avions Transall évacuant des ressortissants ont été visés par des tirs de RPG, si les troupes françaises avaient été submergées, la défense de l’aéroport aurait pu nous échapper avec les conséquences que vous pouvez imaginer. Ce livre démontre que grâce aux compétences tactiques de quelques unités blindées, la sauvegarde des ressortissants a été assurée. Mais ce fait a été passé sous silence. La France ne voulait pas donner l’impression qu’elle agissait au profit d’Idriss Déby, alors que dans le même temps elle mettait en place l’EUFOR avec ses partenaires européens.

 

Ces 10 dernières années, la cavalerie française a été sollicitée sur de nombreux théâtres. Quel bilan tirez-vous de ces engagements ?

 

En 10 ans, la cavalerie a fait preuve d’une grande adaptation. Aujourd’hui les différentes unités sont capables de servir sur des engins très différents, du très lourd, comme le Leclerc, au plus léger, comme le VBL, en passant par les VLRA, les VAB ou encore les AMX 10RC. Une palette de moyens très importante qui permet de faire face à la diversité des engagements : de la haute intensité en Afghanistan à la dissuasion tactique au Liban avec le Leclerc, en passant par le contrôle de foule en Côte d’Ivoire. Ce dernier cas est d’ailleurs complètement atypique de l’emploi des blindés, utilisés cette fois là dans une configuration de maintien de l’ordre.

 

Le théâtre afghan est aussi un bon exemple de cette adaptation. Sur certains engagements, les chars ont servi à leurrer les talibans sur l’intention du commandement, ce qui est une manœuvre de déception très novatrice. Elle révèle la capacité d’imagination des cavaliers, une aptitude rendue possible grâce à nos écoles d’armes, garantes de l’excellence opérationnelle au travers de l’instruction tactique. Ces écoles, comme celle de Saumur pour la cavalerie, ont su faire évoluer très vite la doctrine, notamment l’évolution des pelotons de chars, en format dit « 3 +3 ». Aujourd’hui tous les régiments sont sur ce même format, avec une composante « investigation » et une composante « feu ». Ce qui facilite l’adaptation des équipages à tous types de chars.

 

En cette période d’incertitude budgétaire, où les armées seront mises une fois encore à contribution dans l’effort national de rationalisation, quels sont les dangers pour la cavalerie ?

 

Le premier est la non revalorisation du char Leclerc. Si ce programme n’est pas lancé, le parc est menacé et pourrait tomber de 250 à une centaine d’engins. Le second est le risque de report sans fin du programme EBRC (prévu pour entrer en service en 2019) et qui doit remplacer deux parcs aussi essentiels : les ERC-90 et les AMX10RC. Cette composante médiane est aujourd’hui la plus employée en opération. Le troisième enjeu est la revalorisation ou le remplacement des VBL. Il s’agit de la composante investigation et renseignement de la cavalerie (2e hussards, escadron d’éclairage…) qui utilise 800 des 1600 VBL en service.

 

Vous abordez un autre point dans votre livre, celui de l’emploi des munitions de gros calibres…

 

C’est exact. Aujourd’hui la tendance est au développement de moyens calibres, notamment le 40 mm télescopé. Mais les derniers engagements montrent qu’il est important de conserver des gros calibres. Des obus très puissants offrent un effet direct et immédiat sur la situation tactique, en brisant la volonté de l’adversaire. Par ailleurs, en Afghanistan, les « compound » résistent très bien au moyen calibre et en tir direct, le 105 paraît être la solution la plus efficace. Le 40 mm est séduisant d’un point de vue technique, mais le danger serait d’oublier trop vite l’intérêt des calibres plus lourds.

 

A la lecture de votre livre, on apprend qu’un programme d’obus à uranium appauvri a été lancé en 2009 pour le char Leclerc. Ce dernier n’étant plus utilisé en opération, le programme a-t-il toujours un intérêt ?

 

Votre question est légitime, le char de bataille étant moins employé que les autres blindés en service (10RC et ERC90). Mais il faut faire attention à l’évolution de la menace. Une étude, menée par Artem, révèle qu’il y a quantité de programmes lancés sur la conception nouveaux chars, ou sur des revalorisations comme celle du T72. La presque totalité de ces programmes sont réalisés en dehors du « monde occidental ».  Il y a donc un risque réel d’être confronté à des blindés lourds technologiquement très performants. Or la crédibilité de l’emploi de l’armée de terre repose en partie sur le char de bataille même si d’autres moyens, comme l’artillerie ou les hélicoptères Tigres, apportent des capacités complémentaires. Mais si le char Leclerc doit rester crédible, c’est-à-dire capable de vaincre en duel n’importe quel adversaire, il lui faut des munitions crédibles. Ces dernières années, avec une grande sagesse, l’armée de terre a préparé des munitions très élaborées : l’obus canister, une munition anti personnelle à courte portée (une chevrotine de 120 mm) et surtout la munition OFL 2, avec une flèche en uranium appauvri, qui offre une capacité de perforation plus importante que les flèches de tungstènes. Très peu de pays au monde en disposent. Même si c’est politiquement très sensible, du fait de l’utilisation de ce matériau, la flèche en uranium appauvri offre une vraie plus-value opérationnelle.

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23 mars 2012 5 23 /03 /mars /2012 21:24

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Le général Jean-Paul Perruche

 

23/03/2012 Jean Guisnel Le Point.fr

 

L'ancien directeur général de l'état-major de l'UE estime que les Européens doivent reprendre en main la responsabilité de leur défense.

 

Ancien directeur général de l'état-major de l'Union européenne, le général de corps d'armée (2S) Jean-Paul Perruche vient de diriger l'ouvrage collectif L'Europe de la défense post-Lisbonne, illusion ou défi, édité par l'Irsem. Il nous a paru pertinent de solliciter son point de vue sur cette idée qui semble tomber en déshérence, tout en continuant de susciter les passions. Interview.

 

Le Point.fr : Vous écrivez que "seule l'Europe de la défense peut élever l'ambition et les capacités militaires de l'Union européenne à un niveau supérieur à la somme des capacités nationales de ses États-membres". Mais qui possède vraiment une ambition pour la défense européenne ?

 

Jean-Paul Perruche : Aujourd'hui, la défense européenne est assurée par l'Otan et de façon subsidiaire par l'Europe de la défense. L'Europe de la défense désigne les capacités d'action autonome des Européens, celles qu'ils développent dans l'Union européenne (UE) dans le cadre de la politique de sécurité et de défense commune (PSDC). Or, le niveau d'ambition de l'Europe de la défense a été limité par les traités de Nice puis de Lisbonne à des opérations militaires mineures en raison de l'existence de l'Otan dont la crédibilité repose à 75 % sur les États-Unis qui en assurent le leadership. Mais au moment où ces derniers annoncent que le centre de gravité de leurs intérêts de sécurité se situe désormais dans la région Asie-Pacifique, les Européens doivent se préparer à assumer de nouveau la responsabilité de leur défense et à porter leur "part du fardeau". La plupart des membres de l'UE ont une ambition pour la défense européenne, mais cette ambition diffère selon les pays. Certains la conçoivent totalement intégrée dans l'Otan, d'autres comme la France, mais aussi la Pologne, la Belgique, la Suède, certains en Allemagne... estiment que l'UE doit disposer d'un bras armé en complément de ses autres instruments d'action extérieure. En fait l'UE offre un meilleur potentiel pour le renforcement des capacités européennes parce qu'elle est une organisation globale alors que l'Otan ne traite que de défense et de sécurité. Elle est aussi le lieu où les Européens développent des intérêts communs économiques et politiques, y compris par l'intégration communautaire. Elle est donc pour moi l'organisation à privilégier pour les défendre, ce qui ne retire rien de l'intérêt de l'Otan.

 

L'Europe vit dans la paix entre ses membres. Aucune menace militaire crédible ne les vise. D'ailleurs, 1 % seulement des Européens considèrent que la défense est un problème important pour leur pays. L'idée même de défense européenne a-t-elle un sens dans ces conditions ?

 

Ce n'est pas le moindre mérite de la construction européenne que d'avoir établi une paix durable entre les pays européens depuis 60 ans. Mais la paix en Europe ne signifie pas la paix pour l'Europe. Dans toutes les autres parties du monde, les dépenses de défense continuent d'augmenter à un rythme élevé (+ 51 % en moyenne dans le monde entre 1996 et 2010, mais seulement 6 % en Europe) ; même si aucune menace militaire sérieuse n'est perceptible aujourd'hui, le déséquilibre capacitaire lui-même est générateur de risques pour le futur. Or la plupart des pays européens ne disposent plus des capacités nécessaires pour assurer seuls leur défense. C'est pourquoi ils doivent la concevoir dans un cadre européen et transatlantique. Il conviendrait de mieux informer les citoyens des risques qui les entourent et du rôle des opérations extérieures dans la préservation de leurs intérêts.

 

En matière de défense européenne, la question centrale n'est-elle pas celle de l'Otan ? La vérité n'est-elle pas que sur les 27 membres de l'Union, une écrasante majorité compte d'abord sur l'Otan et le puissant cousin américain ?

 

Oui, la garantie de sécurité offerte par les Américains aux Européens, qui était un impératif face à la menace soviétique, est devenue un confort après la fin de la guerre froide. La délégation de leur défense aux États-Unis en échange d'un certain alignement en politique étrangère est devenue progressivement un "deal" accepté par la plupart des pays européens membres de l'Otan. Cela a créé chez eux une culture de dépendance qui explique leur démotivation et leur désinvestissement en matière de défense. Deux facteurs militent cependant pour que cela change : d'abord, les États-Unis sont en train de remettre en cause les termes du contrat et demandent aux Européens de faire plus pour leur défense et de développer leurs capacités. Ensuite, les membres de l'UE devront défendre eux-mêmes les intérêts communs qu'ils y créent.

 

Au Royaume-Uni, en Allemagne, vraisemblablement en France dans l'avenir, les budgets militaires sont en baisse, tandis que les coûts des personnels, des matériels et des opérations croissent inexorablement. Les grands États ne seront-ils pas contraints d'accélérer la mutualisation de leurs moyens ?

 

C'est inévitable, le traité de Lancaster House de 2010 entre la France et le Royaume-Uni en est une bonne illustration. Il s'agit des deux pays européens les plus puissants militairement ; or l'intervention de Libye en 2011 a révélé que l'un sans l'autre, ces deux pays n'auraient pu conduire ces opérations. Pourtant, il s'agissait d'une opération de moyenne intensité, sans intervention au sol contre un adversaire faible. Avec la perspective de réduction de leurs budgets de défense sur fond de crise économique, on peut penser que cette mutualisation franco-britannique doit non seulement être poursuivie à un rythme soutenu, mais qu'il faudra rapidement y associer d'autres pays afin d'atteindre la masse critique en matière de capacités. N'oublions pas que la somme des budgets des 27 équivaut... encore à celui des pays d'Asie.

 

La défense paraît être le dernier rempart des politiques nationales et l'Europe n'a pas fait d'avancée significative dans ce domaine depuis des années. La défense européenne est-elle un voeu pieux, une idée sans avenir ?

 

Les nations européennes ne seront plus jamais ce qu'elles ont été dans les siècles passés. L'érosion de leur puissance relative est inexorable au XXIe siècle. La question est donc de savoir si elles accepteront un partage de leur souveraineté au niveau européen, ce qui ouvrira la voie à une véritable défense européenne ou si elles préféreront mener aussi longtemps que possible le combat retardateur de leur déclin national et de leur dépendance. Il est à craindre que la seule alternative pour elles soit entre partage et abandon de souveraineté.

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22 mars 2012 4 22 /03 /mars /2012 20:59

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22.03.2012 par Thomas Goisque

 

Le 14 mars dernier, le cinéaste et écrivain Pierre Schoendoerffer est mort à l’âge de 83 ans. Pour des générations de Français, il est l’auteur inoubliable de « La 317e Section » et du « Crabe-Tambour ».

 

Par deux fois pour le Figaro-Magazine, j’ai eu la chance de sillonner avec lui les pistes de l’ancienne Indochine. « Nous roulions sur les routes cabossées du Vietnam du Nord, dans les environs de Sapa, près de la frontière chinoise. La Haute-Région. Le Tonkin. « Le plus beau pays de la terre ». Avec le photographe Thomas Goisque, nous caressions un rêve : convaincre le cinéaste et écrivain de revenir à Dien Bien Phu… »

 

Extrait du bel hommage de mon ami Jean-Christophe Buisson

Le Figaro du 15 mars 2012

 

Merci et à Dieu, Pierre, nous sommes tous orphelins.

 

Accéder directement au reportage

 

www.thomasgoisque-photo.com

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21 mars 2012 3 21 /03 /mars /2012 08:20

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20/03/2012 Jean Guisnel Le Point.fr

 

Un groupe de militaires propose la création d'une garde nationale, composée de cadres d'active et de réservistes.

 

Depuis plusieurs mois, le groupe Janus réfléchit en toute discrétion à l'avenir des forces armées françaises. Il part du postulat, partagé par la plupart des cadres de l'institution militaire, selon lequel le nouveau quinquennat présidentiel sera marqué par une réduction significative du format des armées. Ce qui ne lui pose pas de problème majeur, dès lors que Janus évoque "l'adaptation nécessaire et envisageable de l'outil militaire".

 

Ce groupe est composé de militaires en activité ou non de toutes les armées, renforcé par des chercheurs, et réfléchit en dehors de toute orientation hiérarchique et de tout parti politique. Ceci se comprend d'ailleurs à travers ses propositions, dont celle emblématique de leur projet, portant sur la création d'une garde nationale. Cette mesure est particulièrement en prise avec l'actualité, puisque la mise en place du plan Vigipirate écarlate va contraindre les armées à déployer de nouveaux effectifs dans les villes françaises. Le groupe Janus a pris contact avec nous, et nous connaissons plusieurs de ses membres. Il nous a paru utile de publier le texte qu'il nous a remis. Seuls les intertitres sont de la rédaction.

 

 

Voici la tribune du groupe JANUS

 

 

Dans un contexte de renouvellement politique, de refonte du Livre blanc de la défense, de crise économique, mais aussi de réformes et de transformation de l'outil militaire, il peut sembler utile pour tous de prendre part au débat citoyen et d'apporter un avis. En tout état de cause, 15 ans après le début de la professionnalisation des armées, il apparaît nécessaire de prendre en compte les aspirations de la jeunesse à l'effort collectif et à la solidarité, tout en travaillant sur les cohérences géographique et organique du système de défense.

 

Cette professionnalisation, globalement réussie, a réellement initialisé l'interarmisation du commandement et du soutien, la rationalisation des circuits de commandement et logistique. L'armée s'est modernisée en tenant compte des besoins nouveaux dans le renseignement, le spatial, les appuis robotisés tout en développant les aptitudes préexistantes indispensables.

 

Trois armées réduites

 

Les axes de réflexion de Janus visent à prendre en compte la baisse inéluctable des budgets avec en cible une armée française à l'effectif inférieur à 180 000 personnes renforcée d'une garde nationale (GN) de 75 000 hommes. Les armées devront donc amplifier les réformes en cours pour mettre en oeuvre ce grand projet.

La marine nationale pourrait voir une partie de ses missions passer à la GN tout en réfléchissant aux coûts représentés par 4 SNLE. L'armée de l'air serait limitée à 6 plateformes aériennes (en dehors de l'outre-mer) et verrait, comme la marine, une partie de ses missions passer à la garde nationale. Une réflexion sur la composante nucléaire aérienne peut être envisagée. Les gains en effectifs peuvent s'évaluer à 10 000 hommes.

 

L'armée de terre appuyée et soutenue par une force d'appui et une brigade logistique de 7 500 hommes chacune reste articulée autour de huit brigades interarmes et d'une brigade de forces spéciales (5 500 hommes pour chaque brigade en maintenant la capacité infanterie). 70 000 hommes constitueront le socle opérationnel de cette force terrestre. Un effectif de 100 000 hommes pour l'armée de terre semble être une cible raisonnable compte tenu du contexte. Le personnel détaché dans des administrations sera strictement contraint.

 

Un projet de garde nationale

 

À côté des trois armées, une garde nationale interarmée de 75 000 hommes relevant de l'état-major des armées pourrait monter en puissance.

Les objectifs de cette création sont multiples et visent à répondre à la demande des jeunes Français volontaires pour des actions au profit de la collectivité, à valoriser ce volontariat, à compenser les pertes en effectifs des armées, à avoir une organisation et les forces effectives pour de nouvelles missions comme la protection civile (catastrophes naturelles, accident nucléaire, etc.), les actions humanitaires de tous types, l'assistance aux forces de sécurité en cas d'événements importants, la mission Vigipirate mais aussi la présence dans les banlieues, la formation des jeunes et la participation à la chaîne de reconversion. Éventuellement, cette force pourra être considérée comme un vivier de forces disponibles pour des opérations militaires.

 

La GN devrait monter progressivement à un effectif de 75 000 hommes et femmes se répartissant en personnels issus des armées (15 000 personnes) et gardes nationaux. Les gardes nationaux, non d'active, auront un statut de civils faisant des périodes entre 30 et 100 jours par an rémunérés au taux de leur grade. Ils pourront bénéficier de certains avantages fiscaux, de stages et d'emplois "réservés", mais aussi de possibilités d'intégration rapide au sein des forces d'actives. Dans tous les cas, cette activité pourra être considérée comme un emploi même temporaire et sera un outil supplémentaire de lutte contre le chômage, des jeunes particulièrement. Une loi organique devra accompagner cette création.

 

Un corps autonome

 

La garde nationale sera un corps autonome avec un uniforme distinct des trois autres armées. L'ossature d'active (15 à 20 % du personnel) viendra indistinctement des trois armées et sera issue des cadres militaires mutés, de civils travaillant pour la défense, de personnel affecté à leur demande mais aussi de militaires d'active préparant un stage ou une reconversion. Les bases de défense actuelles appartiendront à la garde nationale et soutiendront les trois autres armées. Toutes les spécialités seront ouvertes aux gardes nationaux (pilote d'hélicoptère, permis mer, permis de conduire, brevet de parachutisme, qualification montagne, cursus officiers, sous-officiers et officiers mariniers, spécialistes, etc.). Une partie de la formation se tiendra dans les écoles actuellement existantes (terre, air et mer).

 

Divisions territoriales

 

La garde nationale sera organisée en divisions territoriales de 10 000 hommes pour le nord-est, le sud-est, le nord-ouest et le sud-ouest du pays. L'Ile-de-France sera dotée de 20 000 hommes et les Dom-Tom de 15 000 hommes. La brigade franco-allemande pourra être intégrée à cet ensemble. Les divisions territoriales seront commandées par des officiers généraux issus des trois armées à l'instar du système de commandement outre-mer. Le commandement de la GN sera tournant entre les trois armées.

 

Les missions de la GN pourraient être en première approche :

- la participation aux actions de défense,

- la protection civile (catastrophes naturelles, pollution maritime, accident aérien et nucléaire, etc.),

- l'action humanitaire,

- l'aide aux forces de sécurité (Vigipirate, événements attirants des foules, etc.),

- les gardes-côtes et le renforcement de la SNSM,

- la protection dans et à l'extérieur des ports et aéroports civils et militaires,

- le soutien aux forces avec les bases de défense,

- l'aide à la reconversion et à l'entrée dans le monde du travail (un régiment du service civique dans chaque division).

 

Enfin ce projet structurant devra mettre en place de vraies conditions de sous-traitance ou d'externalisation des missions qui pourront aller de la formation au soutien, du gardiennage à la logistique même en opération, de l'appui au renseignement à l'accompagnement en mission extérieure.

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19 mars 2012 1 19 /03 /mars /2012 17:35

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19.03.2012 Par Olivier Saunier *, lieutenant-colonel - École de Guerre- LeMonde.fr

 

L'aviation militaire joue un rôle croissant dans la défense et la promotion des intérêts de puissance de la France. Le 19 mars 2011, elle intervenait pour sauver des populations menacées de mort en Libye ! Au-delà de cette intervention, l'action de l'aviation militaire garantit au quotidien la sécurité et la défense des Français, et s'inscrit tant dans le cadre de la politique étrangère nationale qu'au bénéfice de la compétitivité économique de notre pays.

 

RESOLUTION DE CRISE

 

De l'acheminement de l'aide humanitaire d'urgence en Haïti ou au Japon à l'établissement d'une "No Fly Zone" en Libye, en passant par la coopération technique et le soutien à l'exportation, l'action de l'aviation militaire participe de la politique étrangère de la France.

 

La mise en œuvre de cette stratégie d'influence par les airs pouvant aller jusqu'à la coercition, couramment appelée "diplomatie aérienne", a été mise en lumière de façon particulièrement démonstrative en Libye. Après une escalade des sanctions décidées par le Conseil de Sécurité contre le clan Kadhafi (gel des avoirs financiers, embargo sur les armes, mandat d'arrêt international, ultimatum...), c'est une opération aérienne qui permet le 19 mars de stopper les colonnes de Kadhafi devant Benghazi. Puis, c'est par l'application de la zone d'exclusion aérienne et les frappes contre les objectifs terrestres que le conflit Libyen a pu in fine être résolu. C'est bien grâce à des choix techniques et budgétaires éclairés et à des personnels formés, entrainés et déterminés que de tels résultats ont pu être atteints.

 

Ce n'est pas la première fois que l'arme aérienne apporte une contribution directe à la résolution de conflit. Déjà lors du conflit au Kosovo en 1999, l'aviation militaire avait joué un rôle déterminant en contraignant les forces de Milosevic à cesser ses actions à l'encontre de la population albanaise du Kosovo. Intégrée dans un dispositif interarmées, l'arme aérienne constitue donc un véritable outil de résolution de crise.

 

SECURITE DES FRANCAIS: DEFENSE DES INTERETS VITAUX NATIONAUX

 

L'aviation militaire est indispensable pour garantir la sécurité de nos concitoyens comme les intérêts vitaux de la nation.

 

Ainsi elle met en œuvre un dispositif permanent de défense aérienne qui protège l'espace aérien français. En particulier, elle surveille les trafics aériens, suit l'activité satellitaire, mène des missions de police du ciel et assure une assistance aux avions en difficulté.

 

L'aviation militaire participe par ailleurs à l'action interministérielle visant à circonscrire les risques et menaces contre notre territoire et notre population. Elle met en œuvre des dispositifs de protection particuliers pour des évènements spéciaux (sommets du G20, sommets européens, lancement de fusées Ariane...), participe à la lutte contre les feux de forêt, et contribue à la lutte contre le terrorisme et le narcotrafic tant sur notre territoire que sur ses approches.

 

L'arme aérienne contribue également à la mise en œuvre de notre dissuasion nucléaire. La crédibilité de la dissuasion repose en effet sur la certitude - pour l'agresseur - d'être durement frappé en riposte. Ainsi, en parfaite complémentarité avec les moyens océaniques et embarqués de la Marine, la flotte de Rafale, Mirage 2000 et d'avions ravitailleurs de l'Armée de l'air offre, par sa souplesse d'emploi, une capacité de réponse adaptée qui permet, selon les besoins, effet de surprise ou démonstration progressive de notre volonté.

 

FER DE LANCE DE L'INDUSTRIE AEROSPATIALE

 

L'aviation militaire est aussi le fer de lance de l'industrie aérospatiale, fleuron de l'industrie nationale. Elle permet de défricher et de valider les technologies de pointe qui propulsent l'ensemble des filières aéronautiques et spatiales française et européenne aux premiers rangs de la compétition internationale.

 

Ainsi, ces tous derniers mois, MBDA a conclu un contrat de 1milliard d'euro pour la vente de 500 missiles air-air avec l'Inde en janvier. Dassault aviation est entré en négociation exclusive avec l'Inde pour la vente de 126 chasseurs Rafale. Eurocopter détient 52% des parts de marché des hélicoptères civils au monde. Airbus est repassé devant Boeing avec 1400 commandes en 2011. Dans le domaine spatial, Arianespace occupe le rang de première société de lancement de satellite, avec près de 50% des satellites commerciaux en orbite dans le monde entier.

 

Ces excellentes performances du secteur aéronautique et spatial amènent des retombées extrêmement positives pour notre industrie, et plus largement pour l'économie française. D'une part les investissements en recherche et technologie amènent des innovations qui profitent en retour à l'ensemble des secteurs de l'industrie (automobile, électronique, construction navale...). D'autre part, la filière génère quelques 115 000 emplois directs en France. Enfin, l'autonomie industrielle acquise dans des domaines technologiques sensibles permet non seulement l'indépendance de notre outil de défense mais aussi d'assoir la position de la France sur la scène internationale.

 

Un an après l'opération aérienne déclenchée par la France pour stopper les colonnes de Kadhafi devant Benghazi, l'aviation militaire reste au cœur de la sécurité des Français, de la défense de nos intérêts nationaux et de la promotion de nos valeurs. Forte du caractère stratégique de ses missions, et compte tenu des enjeux industriels qui lui sont liés, l'aviation militaire est un atout clef pour que notre pays puisse, comme le 19 mars 2011, être présent aux rendez-vous de l'histoire.

 

* Olivier Saunier, lieutenant-colonel, Ecole de Guerre, 19ème Promotion, Pilote de Chasse sur Mirage 2000D, diplômé de l'Ecole de l'Air & Sciences Po

 

 


Pour lire d'autres analyses, rendez-vous sur le site de l'Ecole de guerre.

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18 mars 2012 7 18 /03 /mars /2012 10:25

Harkis-soldats-abandonnes--XO-Editions-.jpg

 

18.03.2012 par P. CHAPLEAU Lignes de Défense

 

Il y a quelques jours, le colonel Sastre, conseiller communication du gouverneur militaire de Paris, a été invité par le Fonds pour la mémoire des Harkis à une soirée à l'occasion de la sortie du livre" Harkis soldats abandonnés" (XO Editions).

 

En le feuilletant, il a remarqué que sa préface avait été rédigée par Pierre Schoendoerffer, dont il venait d'apprendre la mort la veille. Il a demandé au directeur des éditions XO dans quelles circonstances avait été rédigée la préface : il lui a répondu que Pierre Schoendoerffer avait tenu à le faire de son lit d'hôpital, malgré la maladie.

 

"C'est donc probabalement là le dernier texte écrit par le grand reporter-cinéaste-romancier qui vient de nous quitter. XO m'a autorisé à reproduire ce texte que vous trouverez scannés en pièce jointe, ainsi que la jacquette de ce beau livre de témoignage", précise le colonel Sastre. Ci-dessous donc la préface de Pierre Scoendoerffer (cliquer dessus pour l'agrandir):

 

Les-dernieres-lignes-de-Pierre-Schoendoerffer.jpg

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17 mars 2012 6 17 /03 /mars /2012 09:05

Europe Flag

 

16.03.12 Point de vue  LEMONDE

 

par Louis Gautier, professeur de science politique à Lyon-III, président du groupe Orion (Fondation Jean-Jaurès)

 

Pendant des siècles, l'Europe et l'Amérique ont imposé à la planète tout à la fois leur domination et leurs conflits. Ce processus historique touche à son terme. Faut-il le déplorer ? Cela n'aurait aucun sens. Ce qui pose problème, ce n'est pas le basculement dans la mondialisation, mais l'effritement des conditions dans lesquelles l'Occident espérait pouvoir encore guider ce processus. Or, sous l'effet de la crise économique et des ruptures géopolitiques récentes, la suprématie de l'Occident se trouve mise à mal plus rapidement que prévu et avec elle ce projet.

 

Le monde composite qui se dégage n'est pas inéluctablement plus conflictuel. En revanche, il n'est pas spontanément coopératif. Alors que la mondialisation entre dans son adolescence, le système international risque de se trouver à la fois privé de tuteurs et des mécanismes de réassurance collective adaptés à la globalisation des enjeux. Ce changement d'équation, manifesté par la spectaculaire croissance de certains budgets d'armement - notamment chinois, russe et indien -, ainsi que les turbulences qui s'amoncellent du Sahel au Moyen-Orient incitent à bien fixer les caps.

 

Or, durant cinq ans, les lunettes de ses préjugés sur le nez, Nicolas Sarkozy a effectué une "navigation internationale" à vue. Quelques succès diplomatiques ou militaires, comme l'adoption de la résolution 1973 sur la Libye ou l'opération en Côte d'Ivoire, ne constituent pas en effet une politique. Par ailleurs, l'idéologie ne fait jamais une stratégie. Qu'aura gagné en effet la France à réintégrer l'OTAN en compromettant le renforcement de la défense européenne ? Que restera-t-il de combats en Afghanistan inutilement prolongés ? L'acceptation en 2010 du bouclier antimissile ne conduit-elle pas à brider notre autonomie stratégique au détriment de la dissuasion ?

 

Depuis la guerre du Golfe en 1991, nous savons qu'aucun pays européen n'est en mesure d'accomplir seul à longue distance une intervention d'envergure. Depuis la Libye, nous savons que le Royaume-Uni et la France, même ensemble, sont incapables d'accomplir, sans d'autres concours, une opération de moyenne intensité à proximité de leurs territoires. La démonstration faite en Libye montre que la coopération franco-britannique, aussi utile soit-elle, ne sauvera pas la cause d'une défense européenne sinistrée.

 

Aucun grand projet de coopération militaire ou industrielle, aucune véritable avancée dans la mise en oeuvre de la politique de sécurité et de défense commune n'ont été enregistrés après 2008. Les divergences de vues sur la Libye, les missions disparates en Afghanistan, l'absence de position stabilisée sur la défense anti-missile, la tendance centrifuge manifestée par d'étroits projets de coopération bi ou trilatéraux sont autant de signes d'un affaiblissement inquiétant de l'esprit de défense européen. Si l'on ajoute à cela la poursuite du désarmement budgétaire de l'Europe engagé depuis vingt ans mais renforcé par la crise, il y a tout lieu d'être alarmé. Un seul constat : avec 1,6 million de soldats sous les drapeaux de l'Union, les Européens, faute de regroupement et de rationalisation, seraient bien incapables de déployer dans la durée une force combattante de 60 000 hommes pourtant actée dans les traités.

 

La défense européenne suscite désormais scepticisme et sarcasmes. Pourtant, même si l'Europe ne se trouve plus au coeur des grands enjeux stratégiques mondiaux, elle n'est pas à l'abri du danger. Le désengagement militaire américain de leur continent devrait inciter les Européens à assumer davantage les défis de sécurité, dans leur espace régional et à sa périphérie : au Proche-Orient, en Méditerranée et en Afrique.

 

A cet égard, les questions se posent désormais dans les mêmes termes à l'OTAN et à l'UE : quelle vision, quel concept, quels moyens militaires européens ? L'absence de réponses entrave aujourd'hui tout autant le bon fonctionnement de l'OTAN que l'affirmation de la politique de sécurité et de défense de l'UE, ce qui devrait conduire à relativiser les querelles institutionnelles entre ces deux organisations.

 

Il n'est pas possible de subordonner les choix que nous devons faire pour notre appareil militaire au progrès à venir de la défense européenne. Etant donné le sous-financement chronique de notre modèle d'armée et le poids des contraintes budgétaires futures, nous pouvons, comme au cours des deux dernières décennies, continuer à procéder à des réductions homothétiques des parcs de matériels. Cela conduit à une érosion des capacités, à des étalements de commandes avec pour conséquence le renchérissement des coûts unitaires des équipements. Cette méthode en apparence moins douloureuse aboutit à une armée d'échantillons qui n'a, en fait, de polyvalence que le nom. Nous devrions plutôt procéder à des arbitrages courageux, en acceptant certaines impasses là où de fortes redondances existent en Europe, afin de préserver l'essentiel pour nos armées mais aussi pour notre industrie :

 

- des composantes d'autonomie stratégique que nous sommes les seuls à détenir à pareil niveau. Cela implique une certaine "sanctuarisation" des crédits consacrés aux programmes nucléaires, spatiaux, à la détection et aux moyens d'interception ;

 

- des moyens de supériorité conventionnelle qui nous assurent une aptitude à "entrer en premier" dans les combats, moyens qui déterminent aussi le niveau de nos missions dans les coalitions. Cela suppose la détention d'armements de contrôle des milieux et de frappe dans la profondeur, tels les avions de combat, les drones, les missiles, les sous-marins d'attaque ;

 

- des capacités d'intervention projetables sous bref préavis pour une force de quelques milliers d'hommes dont la cohérence opérationnelle serait totale.

 

Enfin, il est primordial de conserver, à tous les niveaux, des structures de planification et de commandement stratégiques et opérationnelles qui nous permettent d'éclairer la décision politique et de pouvoir l'exécuter au besoin seul ou comme "nation cadre".

 

Ce qui va se jouer au cours du prochain quinquennat, c'est l'acceptation ou le refus du déclassement international de la France et partant, de l'Europe.

 

Louis Gautier est membre du conseil de surveillance du Groupe Le Monde. Dernier ouvrage paru : La Défense de la France après la guerre froide (PUF, 2009).

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12 mars 2012 1 12 /03 /mars /2012 08:40

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

11.03.2012 Propos recueillis par F de St V / Mars Attaque

 

L’Alliance Géostratégique remercie Bernard Fontaine, directeur de recherche émérite au CNRS et auteur d’un ouvrage sur les armes à énergie dirigée paru récemment chez L’Harmattan (commande ici en version papier ou numérique), d’avoir accepté de répondre à quelques questions.

Votre ouvrage traite des armes à énergie dirigée. Tout d’abord qu’est ce que c’est ?

On considère généralement qu’une arme est à énergie dirigée lorsque l’action de cette arme est produite par un faisceau d’ondes électromagnétiques qui se propage à la vitesse de la lumière avec une grande directivité et qui peut être concentré sur une cible à grande distance. Ce type d’arme répond ainsi à une demande permanente des militaires : toujours plus loin, toujours plus vite, toujours plus fort. On peut rajouter : toujours plus précis (pour réduire les dégâts collatéraux) et toujours plus économique. Il s’agit essentiellement des différents types de lasers et des faisceaux de microondes. On considère aussi les faisceaux de particules (protons, neutrons, particules alpha, etc.) comme de l’énergie dirigée du fait de leur directivité et de leur capacité à  être concentrés à distance bien qu’il ne s’agisse pas d’un rayonnement électromagnétique. Par extension, on considère les  canons à rail électromagnétiques comme de l’énergie dirigée bien que l’obus ou le missile lancé soit généralement à effet cinétique sur la cible, car dans ce cas l’action du lanceur est basée sur de l’énergie électromagnétique. On utilise, pour le lancement du projectile, les forces de Laplace engendrées par une combinaison de champs EM pulsés, contrairement aux méthodes classiques basées sur des réactions chimiques.

 

Vous les sous-titrez : du mythe à la réalité ? Avec un point d’interrogation. Nous en serions donc encore aux hypothèses ou des applications sont-elles déjà opérationnelles ?


En vérité, j’aurais pu écrire « du mythe à la réalité » sans point d’interrogation car la situation a bien changé depuis l’époque d’Archimède et de ses miroirs ardents, qu’ils aient été un mythe ou bien réels. Depuis une cinquantaine d’années, des progrès considérables ont été obtenus dans le domaine des armes à énergie dirigée, que cela soit pour les sources ou leur intégration dans des systèmes d’armes. Depuis 4 à 5 ans, on peut voir une accélération importante dans le développement de systèmes à vocation opérationnelle bien qu’il soit très difficile de passer d’un système étudié en laboratoire à un dispositif opérationnel sur un champ de bataille (fiabilité, fonctionnement en milieu hostile, difficulté de gestion par un non spécialiste, etc.).

 

Parmi les progrès les plus significatif sur les sources, on peut citer la réalisation de laser chimiques de plusieurs mégawatts de puissance continue ou moyenne (lasers HF-DF et Iode-COIL), des lasers solides à haute capacité thermique pompés par diodes (SSHCL) et des lasers à fibres, émettant dans le proche infrarouge, d’une puissance moyenne ou continue pouvant atteindre, pour les plus puissants actuellement, 100 kilowatts. Ce sont des gammes de puissance qui rendent ces sources suffisantes pour des armes stratégiques (quelques mégawatts) et tactiques (100 kilowatts), bien qu’il reste d’importants progrès à faire sur les rendements, sur le « durcissement » et surtout sur le stockage de l’énergie nécessaire à alimenter les lasers solides.

 

Un autre type de lasers, les lasers femtosecondes, d’une durée très courte, quelques dizaines de femtosecondes (10-15 s) et  de très grande puissance crête, des dizaines de térawatts (1012 w), sont en développement très rapide et sont envisagés pour la défense, du fait des champs électriques extrêmement élevés qu’ils sont capables de créer à grande distance.

 

Un type différent de laser est développé par la DARPA (Defense Advanced Research Project Agency) aux USA, c’est le projet  HELLADS (High Energy  Liquid Laser Area Defense System) dont l’objectif est de réaliser un laser de 150 KW  ayant une masse réduite par rapport aux systèmes actuels pour la même puissance laser.

 

 

Un dernier type de laser qui intéresse beaucoup l’US Navy du fait d’une longueur d’onde d’émission variable, ce qui est bien utile à la surface de la mer où les absorbions sont très fortes à certaines de celles-ci, est le laser à électron libre. Là aussi, des progrès importants ont été accomplis récemment. Toujours pour les sources, on sait réaliser des générateurs de microondes de grande puissance avec des rendements très importants.

 

En ce qui concerne les systèmes d’armes à énergie dirigée, ici aussi des progrès considérables ont été réalisés, notamment dans l’amélioration de la propagation des faisceaux laser par la compensation de la turbulence au moyen de méthodes d’optique adaptative et dans les systèmes de contrôle de faisceau, ainsi que dans la direction de tir. Il y a, bien sur, depuis longtemps, le déploiement des systèmes laser de mesures et de contre mesures optroniques contre les dispositifs de visée et de contrôle de tir de véhicules blindés, d’hélicoptères, etc. Il y a aussi la démonstration faite avec le Boeing 747-400 F Cargo « Airborne laser » équipé d’un laser chimique COIL de 2 mégawatts environ émettant dans le proche infrarouge. Celui-ci a montré la capacité de détruire au moyen d’un laser, à une distance de plusieurs centaines de kilomètres, un missile balistique intercontinental dans sa phase de  décollage où les propulseurs sont encore actifs. Le 11 février 2010, l’ABL en vol a ainsi détruit un missile balistique à carburant liquide de type SCUD lui aussi en vol, à une altitude entre 12000 et 20000 m, en conditions opérationnelles.

 

 

Il y a enfin, l’ATL (Advanced Tactical Laser), nom donné au C130 H « Gun Ship », équipé d’un laser COIL de 100 kilowatts. Le 30 août 2009, l’ATL en vol, équipé d’un laser COIL à pleine puissance et du système de contrôle de faisceau et de direction de tir, a détruit un véhicule militaire au sol dans des conditions opérationnelles. Ce test constitue le premier engagement air-sol par un laser de grande puissance d’une cible représentative. Le 19 septembre 2009, le même ATL en vol a réussi à détruire un véhicule terrestre en mouvement.  Ce ne sont que des démonstrateurs, et le programme de l’Airborne laser vient d’être abandonné pour des raisons de complexité du laser et des raisons économiques, mais, conceptuellement, ces systèmes ont vocation à devenir opérationnels à terme, avec des  lasers plus performants. Le Gun Ship devrait être déployé dans les années qui viennent probablement équipé d’un laser à solide de 100 kilowatts. Des systèmes d’armes utilisant des lasers solides embarqués sur des véhicules terrestres et alimentés en énergie électrique par des batteries au lithium, elles-mêmes rechargées au moyen de génératrices thermiques, sont en cours de tests aux USA. Des lasers sont actuellement en phase de démonstration ou déployés pour la neutralisation des IED (engin explosif improvisé), la protection des aéronefs contre les MANPAD (système portatif de défense aérienne), la défense des navires contre les embarcations très rapides et les communications avec les sous-marins en plongée profonde.

 

Un domaine qui est, lui aussi, en forte progression est celui des armes non létales, ou à létalité réduite, domaine dans lequel les sources à énergie dirigée tiennent une grande place. On peut considérer 3 catégories :

 

1) Des systèmes laser de relativement faible puissance émettant dans le visible (vert) de type « Dazzler » et permettant d’éblouir un assaillant ou défendre un navire contre des pirates. BAE Systems et B.E. Meyer Electrooptics (système Glare Mout plus laser) viennent de développer des prototypes de ce type, ayant une portée de 500 à 2000 m, pour l’US Navy. Après des tests à des check-points en Afghanistan et en Irak, l’US Army vient de commander des milliers de ces systèmes pour déploiement (voir J. Hecht, « Diode-Pumped solid-state lasers : laser dazzlers are deployed », Laser focus World,  01/03/2012). Ces systèmes apparaissent efficaces comme arme de défense non létale, cependant il y a toujours le risque de l’aveuglement qui est interdit par le protocole IV de 1995 de la convention de Genève de 1980 sur l’interdiction ou la limitation de l’emploi de certaines armes classiques.

 

 

2) Des systèmes utilisant des faisceaux micro-ondes de grande puissance (High Power Microwaves) (HPM) sont développés depuis de nombreuses années. Ces études ont abouti, aux USA, au système d’arme non létale Active Denial System (ADS) de contrôle des foules qui a été déployé, notamment  en Irak, et à des armes tactiques réutilisables permettant de neutraliser des systèmes électroniques à relativement grande distance grâce à leur directivité et aux puissances disponibles.

 

3) Un système complètement différent est l’E-bomb (Bombe E) (E pour électromagnétique). L’effet de l’impulsion électromagnétique (IEM) (EMP en anglais), comme arme destructrice des systèmes électroniques, qui met, lui aussi, en jeu des rayonnements électromagnétiques dans la gamme de longueur d’onde des hyperfréquences, est connu depuis au moins 1962. Un nouveau concept est envisagé pour le futur de l’E-bomb. Il s’agit de la réalisation de générateurs d’impulsions électromagnétiques compacts à compression de flux magnétique. Ils utilisent l’énergie d’un explosif pour produire instantanément une impulsion électromagnétique large spectre de grande puissance. Ce générateur « exotique » pourrait être placé dans une bombe, dans un obus de gros calibre, sur un missile de croisière ou sur un missile air-surface. Il faut remarquer que, bien qu’équipé d’une antenne, ce système est moins directif que les HPM précédents et n’est pas réutilisable. Un des avantages d’un tel concept est de disposer d’une arme « conventionnelle » non létale, non interdite par les traités internationaux et qui serait en mesure de neutraliser tous les systèmes électroniques de communication, de détection et de conduite de tir qui n’auraient pas été « durcis », et cela dans un rayon de plusieurs centaines de mètres autour de l’impact. Cet armement conventionnel à IEM aurait beaucoup d’applications différentes lors d’un conflit « mineur », tant pour l’attaque que pour la défense. Il pourrait notamment paralyser une large part de l’activité économique et sociale d’un pays et cela sans s’en prendre – du moins directement – à la vie de ses habitants. On imagine combien est grande la vulnérabilité à l’IEM d’une société largement informatisée et des armées équipées de matériels sophistiqués remplis d’électronique, quand on voit les effets que peut produire la foudre sur un appareil électronique domestique insuffisamment protégé. Boeing et l’US Air Force, après un premier test, le 15 avril 2009, sur un prototype de 35 MW émettant des impulsions de 100 à 150 nanosecondes dans la gamme 2-6 GHz ont, en septembre 2011, expérimenté un missile « EMP » ou HPM pour High Power Microwaves appelé CHAMP pour Counter-Electronics High-Powered Microwave Advanced Missile Project. La puissance de la charge devrait être de centaines de MW crête En janvier 2012, Boeing a annoncé avoir obtenu un contrat de 38 millions de dollars  pour la poursuite du développement du programme CHAMP.

 

Enfin le développement actuel des canons à rails électromagnétiques est spectaculaire. Dans les années 1970, une équipe de mon laboratoire de l’époque, l’Institut de Mécanique des fluides de Marseille avait effectué des recherches fondamentales pour la DGA sur les canons à rail, mais ces recherches n’avaient pas été poursuivies par suite des difficultés techniques. La situation a considérablement évoluée depuis. L’US Navy a ainsi testé avec succès son EMRG (Electro-magnetic rail Gun) (canon électromagnétique à rail) en janvier 2008. L’objectif ultime poursuivi par la Marine est d’atteindre des cibles à 200 nautiques (170 km) contre 13 nautiques (24 km) au maximum pour un canon classique de 127 mm. Le temps de vol, serait de 6 minutes et la précision de 5m. Le nombre de Mach initial serait M = 7 et la seule énergie cinétique serait suffisante pour détruire l’objectif. Le système est particulièrement complexe tant pour le guidage que pour la miniaturisation. La supraconductivité pourrait être mise à profit pour le stockage de l’énergie (stockage magnétique) et la miniaturisation. Une autre limitation importante est l’érosion des rails lors des tirs. Les spécialistes de l’armement estiment qu’un canon électromagnétique pourrait, dans le futur, propulser un projectile jusqu’à 3500 m/s, soit Mach 10 au niveau de la mer et même, avec un complément magnétique, jusqu’à 8000 m/s et cela à une cadence de tir de 10 coups par minute. Le 10 décembre 2010, un projectile d’une vingtaine de kilogrammes a été propulsé à une distance de 160 km par un EMRG lors d’essais de l’US Navy, soit  4 fois plus loin qu’un canon traditionnel. Enfin, le premier prototype industriel de l’EMRG a été livré le 30 janvier 2012 par BAE Systems à la Navy qui a effectué ses premiers tests fin février 2012. Ce canon a une capacité de 32 mégajoules (cette énergie correspond à l’énergie cinétique d’une véhicule d’une tonne roulant à 160 km/h.)

 

Comment voyez-vous leur utilisation dans le futur ? Dans quelle combinaison avec d’autres armes plus traditionnelles pourraient-elles être employées, pour quels effets ? Et quelle plus value ?


Question bien difficile, surtout que je n’ai pas de boule de cristal en magasin. Je vais tout de même essayer de faire une tentative de prospective. Malgré les progrès très récents sur les sources laser de grande puissance, notamment sur les lasers à solide, et leur intégration dans des systèmes, beaucoup de recherche et développement est encore nécessaire pour réaliser des systèmes d’armes laser vraiment opérationnels pour les conditions exigées par les militaires. Le mot-clef pour l’avenir est  «intégration» : intégration des différentes armes tactiques et stratégiques, à énergie dirigée et autres, dans un système global espace-air-mer-terre. Les nanotechnologies joueront un rôle de plus en plus important dans cette intégration et aussi dans la protection de matériels sensibles et fragiles, tels les satellites, par l’usage de nanomatériaux.

 

Ceci étant dit, je suis absolument convaincu, comme de nombreux spécialistes des lasers de grande puissance et des systèmes d’armes, que les armes à énergie dirigée vont profondément modifier le concept d’arme offensive ou défensive, que ce soit comme arme principale ou comme arme d’appoint. Cela se produira dans 1es 10 ans à venir ou dans un demi siècle, mais cela arrivera car les avantages de ces sources et notamment la rapidité d’intervention et de transfert d’énergie à très grande distance et la capacité de focaliser cette énergies ont incomparables (voir B. Fontaine, Les armes à énergie vont-elles entrer en service ?, interview par J. Henrotin, Défense & Sécurité Internationale (DSI), N° 79, mars 2012)

 

J’imagine trois niveaux d’utilisation pour le futur :

 

1) Les armes stratégiques, qu’elles soient spatiales ou aériennes. Un exemple est la défense anti-missile stratégique où le laser pourrait intervenir dans la phase « booster » du missile balistique tandis que les moyens « conventionnels » tels les missiles anti-missiles interviendraient dans les 2 phases balistiques du missile (vol balistique et rentrée). Le problème des moyens spatiaux impliquant un laser dans l’espace ou un relai dans l’espace pour un laser à terre est conceptuellement envisageable et envisagé mais il s’agit alors de l’arsenalisation de l’espace qui est, pour le futur, un problème plus politique que technologique.

 

2) Les armes tactiques qu’elles soient à base de lasers ou de faisceaux de microondes. Elles sont sur le point d’être déployées et elles vont être de plus en plus développées. En ce qui concerne les lasers elles permettront, dans l’attaque comme dans  la défense, de réduire le temps de réaction et aussi les dégâts collatéraux. De plus elles pourront permettre des économies très notables sur les munitions, un tir laser coutant beaucoup moins cher qu’un missile. Enfin les lasers seront probablement de plus en plus utilisés pour la défense contre les IED et les MANPAD et plus généralement pour les contre mesures optroniques.

 

3) Les armes non létales. C’est la tendance « lourde » pour le futur, principalement pour des raisons  « éthiques ». il s’agira de plus en plus du contrôle des foules ou d’assaillants par laser (dazzler) (effet d’éblouissement) ou faisceaux de microondes (ADS) (sensation de brulure sur la peau). Il s’agira aussi de la neutralisation de réseaux électroniques par effet EMP pour remplacer les bombardements « classiques » (effet de destruction d’infrastructures militaires ou administratives sensibles sans victimes et sans destruction de bâtiments).

 

Cliquez ici pour agrandir l’image 

 

Et les scientifiques, industriels et militaires français dans tout cela ? Spectateurs ou acteurs ?


En France, dès les années 1970, la Délégation Générale à l’Armement (DGA) (la direction DRME puis DRET) du Ministère de la Défense a financé, sous l’impulsion, notamment, de Bernard Lavarini, un des « pères » du 1er laser français à haute énergie (12), des programmes importants de recherche sur les sources à énergie dirigée de grande puissance. Il s’agit principalement des lasers de puissance (GDL CO2, HF-DF, Excimères, Iode – Coil). Des laboratoires dépendant directement du Ministère de la Défense tels l’ONERA, le CEA-DAM (Direction des Affaires Militaires) et l’Institut Franco-allemand de Saint Louis (ISL) (centre commun aux Ministères de la défense français et allemand) et des organismes publics dépendant du CNRS ou de l’Université (IMFM, LALP, LULI et LPTP ex PMI à l’Ecole Polytechnique, etc.) se sont fortement investis dans ces programmes. Des laboratoires de sociétés industrielles françaises se sont aussi mis, pour la DGA, dans le développement des armes à énergie dirigée, essentiellement des lasers à haute énergie. On peut citer, sans être exhaustif, la division laser des laboratoires de la CILAS, filiale de la CGE à Marcoussis devenue LASERDOT en1989, puis de nouveau CILAS en 1994, ainsi que les laboratoires de Thomson-CSF à Corbeil-Essonnes, devenu Thales en 2000, pour les activités militaires. Un programme de recherche appelé LATEX (Laser Associé à une Tourelle Expérimentale) a été entrepris en France dans les années en 1990 par le Ministère de la Défense. L’objectif était d’obtenir une capacité d’aveuglement des senseurs électro-optiques de chars et d’hélicoptères de combat. Le laser utilisé, un laser chimique DF à λ=3,8 μm, était d’une puissance de 50 kW. Il était couplé à un faisceau directeur.

 

Un projet franco-allemand appelé MEL-COIL pour Medium Energy Laser – COIL a été développé conjointement, par la compagnie EADS (European Aeronautic Defense and Space Company) et le DLR (Deutsches Zentrum für Luft and Raumfaurt) sous contrat du BWB (Federal Office of Defense Technology and Procurement allemand) (Agence Fédérale Allemande de Recherche de Défense). L’objectif était le développement d’un « canon laser » de moyenne énergie basé sur une source chimique à iode de type COIL (λ= 1,3 μm), comme celle du système laser ABL. La portée prévue était de plusieurs kilomètres. Ce laser expérimental localisé au centre technique de l’armée allemande à Meppen a délivré une puissance de près de 10 kW en 2004. Les tests sur cible ont débuté la même année.

 

Actuellement, la DGA et des sociétés industrielles françaises développent des programmes d’optronique de puissance, y compris des systèmes d’armes comprenant des lasers à haute énergie et des lasers femtoseconde (Thales et Safran (Sagem) qui se sont rapprochés très récemment, EADS, Quantel, CILAS, etc.). À titre d’exemple, on peut citer, un système laser aéroporté antimissile développé par la DGA dans lequel un laser de relativement faible puissance (quelques centaines de watts), d’une portée de quelques centaines de mètres, « brouille » la tête chercheuse infrarouge de missiles sol-air. Des systèmes similaires sont développés aux USA par Raytheon (CIRM pour Common Infrared Counter Measures) et Northrop (ASALTT pour All Semiconductor Airborne Laser Threat Terminal).

 

Je ne voudrais pas terminer cette évocation, bien sûr non exhaustive, des systèmes d’armes laser développés en France sans mentionner le développement par un consortium conduit pour le compte de l’Agence Européenne de Défense (AED) depuis 2009 et comprenant la CILAS (France), l’ISL (France et Allemagne), l’INETI (Portugal), la MUT (Pologne), la DLR (Allemagne), et MBDA (Allemagne), qui est porteur du Programme, d’un projet d’arme laser tactique de contre mesure (DIRCM). Ce consortium a mis au point un démonstrateur basé sur un laser solide de 10 kW qui a permis d’obtenir en septembre 2011 des effets sur des cibles dynamiques (roquettes, obus de mortier) poursuivies par le faisceau à plus de 2300 mètres de distance et cela dans des conditions environnementales réalistes. Il est à noter que la société allemande Rheinmetall, qui a récemment utilisé un laser à haute énergie pour détruire un drone, a développé de son coté un prototype laser de 10 kW intégré dans un système de défense aérienne comprenant une tourelle et une unité de contrôle de tir. Ce système a été testé avec succès sur des obus. Rheinmetall envisage qu’un système d’arme laser à haute énergie d’une puissance de 100 kW soit disponible dans les 3 à 5 prochaines années alors que Northrop et Raytheon ont déjà mis au point des lasers d’une telle puissance.

 

 

Je voudrais conclure en mentionnant la 9e édition de la Conférence sur les Armes à Énergie Dirigée (DES 2012) qui s’est tenue les 22 et 23 février 2012 à Munich et dont le sous-titre est « Preparing Directed Energy for the Battlefield». Cette Conférence Internationale abordait les progrès évoqués ci-dessus et les problèmes restant à résoudre dans le domaine (voir M. Peach, « Conference expects slow transition to laser weapons », Optics.org, 7 mars 2012).

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6 mars 2012 2 06 /03 /mars /2012 18:02

Tiger_Abrahams_400.jpg

 

06 March 2012 by defenceWeb

 

The commercial aircraft sector is likely to enjoy high production volumes this year due to increasing demand for leisure and business travel, particularly in the Asia Pacific region, while the global defence market is expected to experience flat or declining growth due to decreased military spending, principally in the United States and Europe, Deloitte says.

 

According to Deloitte’s "2012 Global aerospace and defence outlook: A tale of two industries", the growth in the commercial aircraft industry is expected to be driven by continued production and development of next-generation aircraft programs that aim to address increasing fuel costs.

 

"The commercial aircraft sector has taken an innovative approach to responding to increasing fuel costs," said Tom Captain, Global Aerospace and Defence sector leader at Deloitte. "The development of fuel-efficient aircrafts that utilize next-generation engine technology has resulted in a significant rise in aircraft orders. However, certain suppliers will be challenged to keep pace with the expected increase in production rates and new program introductions this year."

 

Meanwhile, continued global economic challenges coupled with revenue gaps and cost pressures may result in margin contraction for global defence players. As a result, the defence sector is likely to undergo more streamlining of its cost structure, divestiture of non-core assets, and additions of gap filling, as well as transformation acquisitions.

 

"Expect to see more aggressive competition for the fewer large defence programmes of record, as well as growth in defence sales to India, Brazil, the United Arab Emirates, the Kingdom of Saudi Arabia, Brazil, Japan, and South Korea – countries with emerging wealth and a need to strengthen their defence capabilities," continued Captain.

 

Overall, the financial performance of the top global aerospace and defence companies in 2012 is expected to be similar to 2011 performance, with the decline in defence revenues offset by cost-cutting and aggressive growth actions.

 

In 2012, the aerospace and defence industry is likely to continue to develop game-changing technology innovations in areas such as cyber-security, directed energy, high-powered microwave weapons, hypersonic missiles, long-range and high-altitude unmanned aerial systems, and extraordinary software that can trace financial transactions of known terrorists, Deloitte said.

 

Meanwhile, Global Industry Analysts (GIA) predict that the global aerospace and defence industry will reach a value of US$544.7 billion by 2015. GIA this month said that after a considerable slowdown in revenue growth during the 2007-2009 recession, the global aerospace and defence industry is back on the growth track, posting steady gains in revenue over the last two years. The industry in short to medium term period will be primarily driven by increasing defence spends across the globe against the backdrop of rising security concerns, improving air-traffic and resulting increase in demand for new commercial aircraft. Robust demand for new commercial airplanes from developing markets, especially Asia-Pacific, augurs well for the industry.

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28 février 2012 2 28 /02 /février /2012 21:37

Europe Flag

 

21 Février 2012 ASAF

 

Après l'article du général Jean Patrick GAVIARD et de Marc-Henri FIGUIER "reprenons l'initiative stratégique" paru le 18 février,  le général (2S) François TORRES apporte sa contribution et son regard sur le rêve improbable de la dissuasion européenne.

 

Les tabous ont la vie dure.

 

Dans un récent article paru dans Le Monde, le Général Gaviard ancien commandant de la défense aérienne et le Colonel (er) Marc-Henri Figuier, Directeur des affaires internationales chez Communication & Systems font avec conviction l'apologie de l'Europe de la Défense.

 

Ayant justement identifié que, pour nous, dont les moyens financiers sont en catalepsie, la « logique transnationale européenne » était le seul moyen de garder une prise sur les événements d'un monde traversé par des tensions multiples, et dont les pôles de puissance se recomposent, ils prônent l'abandon des hypocrisies françaises qui ne voient « l'Europe que comme le prolongement politique d'une plus grande France » et proposent des initiatives déterminées vers une plus grande intégration de la défense du Vieux Continent.

 

Au fond, leur réflexion s'articule en deux volets.

 

Le premier traite du nucléaire militaire français, considéré comme le socle possible d'une future dissuasion européenne, creuset théorique d'une véritable Europe politique, à quoi se superposent la problématique du rééquilibrage des relations Europe - OTAN et l'intégration de la dissuasion française au sein de l'Alliance. Mais les difficultés du ralliement de nos partenaires européens à cette idée ne sont évoquées que de manière très allusive.

 

Le deuxième volet envisage la coopération militaire opérationnelle et technologique et avance de nouvelles idées sur la formation commune, la mise en commun des capacités ainsi qu'une meilleure coordination sur la fabrication et le commerce des armes.

 

Les espoirs de la coopération classique. Le tabou nucléaire

 

Cette partie, qu'on résumera sous le vocable de « coopérations intra-européennes classiques », propose quelques idées nouvelles comme les formations de base et de spécialité dans des écoles communes ainsi que la rationalisation européenne de la production et de l'exportation d'armes. Compte tenu des féroces rivalités intra-européennes, il y a loin de la coupe aux lèvres, mais c'est en effet la bonne direction, au demeurant, la seule véritablement possible, sauf à nous suicider dans des querelles intra-européennes, dont la cohorte des troisièmes larrons tirera avantage.

 

Les auteurs avancent aussi l'idée, encore très mal partagée en France, de la mutualisation des capacités dans le cadre du processus ECAP - European Capabilities Acquisition Plan - au sein d'un groupe européen resserré : « optimiser les capacités des forces européennes plutôt que jouer sur une juxtaposition de moyens sous critiques et parfois doublonnées ».

 

Il reste que ces réflexions renvoient aux possibles,  pour certains déjà explorés par le passé. Et, avec un peu d'imagination et de bonne volonté, on voit bien qu'on pourrait envisager d'avancer sur ces voies au prix de quelques accommodements tactiques ou psychologiques et de quelques abandons nationalistes  - qui sont d'ailleurs les moins simples - mais, peut-être, acceptables par tous. Les auteurs qui paraissent à l'aise sur ces questions tactiques, techniques et industrielles y consacrent la presque totalité de l'article.

 

En revanche, sur le sujet du nucléaire, ils nous expliquent que la participation de Paris aux plans de frappe de l'OTAN lèverait une suspicion à l'égard de la France, mais ne nous disent pas en quoi elle renforcerait la défense européenne. En revanche, le texte effleure à peine le tabou absolu des difficultés d'une défense nucléaire de l'Europe autonome, seul véritable marqueur militaire et stratégique  d'une Europe politique indépendante.

 

Cette impasse est suspecte. A quoi rime en effet de gloser sur une défense de l'Europe indépendante,  si on occulte la difficulté de la question centrale qui, précisément, fonderait son indépendance, au moins conceptuelle, en attendant que les budgets et la cuisine interne à l'Union construisent la crédibilité des coopérations intra-européennes de défense classique.

 

A la vérité, il semble bien que cette faille logique dans le raisonnement s'explique par  la somme des obstacles conceptuels, politiques, culturels, historiques qui font obstacle à la mise sur pied, à partir de la dissuasion française, d'une défense nucléaire véritablement européenne et indépendante. Autant d'embarras ou d'empêchements qui, il est vrai, n'incitent pas à aborder la question, tant elle paraît insoluble.

 

Il reste que continuer à parler d'une défense européenne sans même faire allusion à cette problématique, ou en ne l'évoquant qu'en passant - « il nous faudra convaincre nos alliés, en particulier allemands de la nécessité d'une dissuasion nucléaire européenne », - revient à distordre la réalité. Cette mise sous le boisseau qui s'apparente à un tabou ne contribue pas à faire avancer le débat. Au contraire elle perpétue les mythes et obère la réflexion sur le fond des choses.

 

Le rêve improbable d'une dissuasion européenne.

 

Faut-il intégrer la dissuasion nucléaire à la défense de l'Europe ?  Rarement la réponse à une question a paru à la fois si évidente et si controversée.

 

Sans le nucléaire la défense de l'Europe n'est en effet qu'un succédané[1] ; mais en même temps les obstacles pour avancer dans cette voie paraissent insurmontables. Ces derniers sont d'ailleurs plus le fait des Européens en général que de la France, qui, sur ce sujet, a tenté quelques ouvertures accueillies sans enthousiasme par ses partenaires.

 

Les origines de ces réticences sont multiples et complexes. Citons pêle-mêle les rivalités intra-européennes qui craignent une prééminence des deux puissances nucléaires,  le coût comparé et jugé excessif au regard de la dissuasion déjà proposée par les Etats-Unis,  la difficulté de définir des intérêts vitaux communs et d'élaborer une doctrine d'emploi européenne, la complexité des relations avec l'OTAN, tant sur le plan des moyens que du commandement, et enfin la sensibilité anti-nucléaire d'une partie de l'opinion publique européenne, dont celle de l'Allemagne[2].

 

Contrairement à la France celle-ci voit en effet la dissuasion nucléaire plus comme une fatalité, résultat néfaste de la défaite et symbole de dépendance vis-à-vis d'une puissance étrangère. Une partie des Allemands continue encore à considérer que l'arsenal atomique français exprime un nationalisme dépassé, tandis que les dernières controverses sur le nucléaire civil ne vont pas dans le sens de l'acceptation par Berlin d'une dissuasion européenne, qui plus est patronnée par la France.

 

Par le passé, Paris n'a pas ménagé ses efforts pour faire avancer l'idée d'une force nucléaire européenne indépendante. A ce jour, pourtant, ses démarches n'ont pas été payées de retour.

 

L'idée d'une « dissuasion concertée » d'abord avec la Grande-Bretagne avait été lancée par J. Mellick en 1992, avec l'aval de F. Mitterrand, puis reprise par J. Chirac et A Juppé en 1995. En 1994, le Livre Blanc évoquait assez nettement le lien entre l'autonomie stratégique de l'UE et la dissuasion nucléaire. Peu après, Londres et Paris reconnaissaient la convergence de leurs intérêts vitaux[3].

 

Vu de Paris, il s'agissait clairement d'un processus visant à sortir la dissuasion française de son isolement. Ces approches ont été poursuivies en 1996, quand la France affirma sa volonté de concertation sur les questions nucléaires au sein du Conseil Atlantique.

 

Après les efforts en direction de Londres et de l'OTAN, Paris s'est également rapproché de l'Allemagne[4]. Toujours en 1996, le concept commun franco-allemand en matière de sécurité et de défense stipulait en effet que « la France et l'Allemagne étaient prêts à engager un dialogue concernant la fonction de la dissuasion nucléaire dans le contexte de la politique de défense européenne».[5]

 

Enfin, reprenant l'esprit de ces démarches comme pour les résumer, la loi de programmation 1997 - 2002 indiquait : « Avec nos partenaires britanniques, une concertation et une coopération sont engagées. Avec l'Allemagne, un dialogue approfondi sera entrepris, dans le respect des spécificités de chacun. Avec les autres pays européens, la mise en œuvre, à terme, d'une défense commune telle que prévue par le traité sur l'union européenne appelle une concertation. Cette approche appelle également un dialogue avec les Etats-Unis au sein de l'alliance».

 

Depuis ces tentatives qui furent assez mal comprises, il ne semble pas qu'on ait beaucoup avancé. La formulation même du texte de la loi de programmation, cité ci-dessus, indique en filigrane les difficultés rencontrées, notamment avec l'Allemagne. Elle souligne l'étendue du travail de pédagogie qui reste à faire pour faire accepter l'idée d'une dissuasion nucléaire européenne, partie intégrante de la défense du Vieux Continent et gage ultime de son indépendance stratégique.

 

 

[1] Les capacités de l'Europe militaire répondent toutes à des missions de maintien ou d'imposition de la paix, sous couvert ou non de l'ONU. Elles ont une valeur opérationnelle non négligeable, mais ne concernent pas directement la défense de l'UE. Celle-ci restant toujours assurée par l'OTAN. Ce choix est délibéré et participe du « compromis fondateur », sans lequel rien n'aurait été possible (Nicole Gnesotto, Directrice de l'Institut d'Etudes et de Sécurité de l'UE, dans un article publié dans Le Monde 27/10/2004).

 

[2] Berlin qui affirme avoir définitivement renoncé à l'arme nucléaire se considère comme le moteur de la non-prolifération en Europe.

 

[3] John Major et J. Chirac avaient en effet déclaré qu'ils "n'imaginaient pas de situation dans laquelle les intérêts vitaux de l'un des deux pays (...) pourraient être menacés sans que les intérêts vitaux de l'autre le soient aussi » (Cité par Bruno Tertrais chercheur à la FRS dans « La dissuasion française après la guerre froide : continuité, ruptures, interrogations ». - 2000 - )

 

[4] Des démarches similaires ont été conduites en direction de l'Italie et de l'Espagne.

 

[5] B Tertrais.

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27 février 2012 1 27 /02 /février /2012 17:40

Ligne de defense P Chapleau

 

27.02.2012 par P. CHAPLEAU Lignes de Défense

 

Le SIPRI a publié ce matin son étude sur les ventes d'armes et de services militaires des cent plus grands fabricants mondiaux, Chine exclue. Selon l’Institut international de recherche pour la paix de Stockholm, ces ventes ont progressé de 1% en 2010 atteignant 411,1 milliards de dollars (310 milliards d'euros).

 

L'Institut relève que "les ventes d'armes et de services militaires ont maintenu leur tendance à la hausse en 2010, avec une croissance plus lente qu'en 2009, soit à peine 1%". En 2009, les ventes avaient progressé de 7% et elles atteignaient 406 milliards de dollars. "Les données de l'année 2010 montrent la capacité des grands industriels à continuer à vendre des biens et des services militaires, malgré les crises financières qui frappent les autres secteurs de l'économie", estime Susan Jackson, une analyste du SIPRI.

 

Toujours dominantes dans ce classement des "Top 100", les firmes américaines sont au nombre de 44 et représentent près de 60% du marché (246,6 milliards de dollars). Sept d'entre elles se classent dans les 10 premières, complétées par le britannique BAE Systems, deuxième avec 32,9 milliards, le groupe européen EADS, septième avec 16,4 milliards et l'italien Finmeccanica, huitième avec 14,4 milliards. Le premier vendeur mondial reste le groupe américain de défense Lockheed Martin, avec un chiffre d'affaires de 35,7 milliards de dollars. Le nombre de sociétés européennes dans ce classement a diminué, de 33 compagnies en 2009 à 30 en 2010, pour un total cumulé de 29% des ventes (119 milliards de dollars).

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16 février 2012 4 16 /02 /février /2012 08:57

afghanistan-pakistan-2008.jpg

Afghanistan-Pakistan, les fronts de l’insurrection

(Cecile Marin – Les blogs du Diplo)

 

14.02.12 Point de vue - École de Guerre

 

par David Pawlowski stagiaire à l'Ecole de guerre

 

Grâce à l'aide internationale, un Etat afghan plus puissant émerge et devient, dès lors, capable de développer ses propres stratégies de puissance. Influencé par ses élites militaires, il entend se doter d'une armée à même de contrecarrer l'influence pakistanaise sur ses marches orientales. La coalition internationale qui le soutient se doit d'étudier sans naïveté ses ambitions régionales.

 

SOMMES-NOUS EN TRAIN D'ARMER LES AFGHANS CONTRE LE PAKISTAN ?

 

Si vous demandez à un officier afghan quel est son ennemi, il vous répondra sans ambages… "Le Pakistan". Cette réponse surprenante pour nous occidentaux, m'a été souvent rapportée lors de mon récent déploiement en Afghanistan au sein de la mission de formation de l'OTAN, NTMA. Ne pouvait-on s'attendre à ce que le rebelle taliban figure en pole position ? Après six mois passés au milieu des élites militaires afghanes, cette réponse ne surprend plus. Elle traduit leur perception de leur environnement géopolitique et le rôle régional qu'elles veulent pour cet Afghanistan renforcé par l'action internationale.

 

Engagée depuis 2001 dans l'équipement, la formation et le soutien de l'armée afghane, la coalition occidentale ne se leurre-t-elle pas sur ses réelles ambitions stratégiques ? Ne risque-t-elle pas de se retrouver piégée en modifiant le fragile équilibre régional dans cette zone d'influence partagée entre l'Inde et le Pakistan ? Comment le soutien de la France dans le domaine de la formation sera-t-il jugé par l'Histoire si demain éclate au grand jour le conflit larvé, et largement passé sous silence, que se livrent l'Afghanistan et le Pakistan ? Fidèles à la devise de la coalition en Afghanistan, l'ISAF, "Shona ba Shona", coude à coude avec les Afghans, certes mais vers où, vers quoi ? Grâce à l'aide de l'ISAF, un Afghanistan plus puissant émerge et devient, dès lors, capable de déployer ses propres stratégies de puissance. Influencé par ses élites militaires, il entend se doter d'une armée capable de contrecarrer l'influence pakistanaise sur ses marches orientales. La coalition internationale qui le soutient se doit d'étudier sans naïveté ses ambitions régionales. Levons donc le voile sur les tensions autour de la ligne Durand avant de livrer quelques éclairages sur les ambitions afghanes et de s'interroger sur le risque de compromission pour la coalition occidentale.

 

Affrontements autour d'une frontière non reconnue Au sud-est de l'Afghanistan se déroule une guerre larvée contre le Pakistan. Cet enjeu m'a continuellement été présenté comme 'Le' problème stratégique des Afghans. Tout d'abord, un bref rappel des enjeux actuels autour de la ligne Durand s'impose. Frontière entre l'Afghanistan et le Pakistan, non reconnue par ceux-ci à ce jour, elle divise artificiellement une zone à majorité pashtoune, à cheval sur les deux Etats, parfois dénommée Pashtounistan. L'Afghanistan et le Pakistan sont aujourd'hui en lutte contre les Talibans qui trouvent en ces zones un refuge, une forme de soutien logistique voire des capacités d'entraînement. L'attitude du Pakistan vis-à-vis des chefs talebs dans cette région a été au cours de l'histoire récente pour le moins ambiguë. En effet, pour se garantir une profondeur stratégique vis-à-vis de l'Inde, il lui était nécessaire de soutenir le régime des étudiants en religion, maîtres de Kaboul de 1996 à 2001.

 

Ainsi se garantissait-il une zone de repli hors de ses frontières en cas de déclenchement des hostilités avec son voisin. Aujourd'hui, en revanche, l'alliance du Pakistan avec les Etats-Unis mais aussi les risques de déstabilisation générale issus des zones tribales requièrent, parfois, de réelles opérations de guerre contre les chefs talebs locaux. Ces affrontements avec les rebelles menés par chacun des deux Etats sont propices aux dénonciations de violations territoriales, réelles ou supposées. Combattre de part et d'autre d'une frontière aux contours mal définis et non reconnus peut, en effet, comporter sa part d'aléas, erreurs topographiques, ou quelques manœuvres sournoises de l'ennemi, s'abritant à proximité d'un poste frontière.

 

Evidemment l'emploi de tirs d'artillerie peut également s'accompagner de son lot de dommages collatéraux et donc, parfois, de pertes civiles qui exacerbent le besoin d'une réaction au moins politique. Les atteintes régulières contre le territoire afghan par l'armée pakistanaise ont, par exemple, entraîné fin juin - début juillet 2011 la décision d'un déploiement d'unités blindées et mécanisées afghanes. A Kaboul, la mise en alerte de ces unités nous a quelque peu surpris tant les relations politiques entre les deux pays semblaient au beau fixe avec notamment la conclusion récente d'accords commerciaux.

 

La naissance d'une ambition afghane…anti-pakistanaise Soutenue par la coalition internationale, l'armée afghane, l'ANA, favorise l'émergence d'une Nation. Elle en devient le réel outil de puissance tout en étant capable d'en orienter les positions stratégiques. On ne peut évidemment écarter d'un revers de manche la complexité de la quasi  "géopolitique interne" du pays. Elle en limite évidemment actuellement la portée des stratégies étatiques. L'Afghanistan demeure, il est vrai, profondément marqué par ses rivalités ethniques et tribales ainsi que par le poids des seigneurs de guerre locaux. Toutefois, l'armée afghane que nous construisons aujourd'hui entretient un réel brassage ethnique. Elle contribue aussi à l'alphabétisation du pays et fait de la fierté de servir son pays, et non plus son clan, la valeur supérieure. Ces dynamiques permettront au pouvoir central à Kaboul de disposer sous peu, et sans doute, pour la première fois de son histoire, d'un symbole de sa puissance et de son unité nationale.

 

Quelle stratégie régionale développera-t-il alors ? "Si une guerre devait avoir lieu entre le Pakistan et les Etats-Unis nous soutiendrions le Pakistan", déclarait début octobre 2011 le président Hamid Karzaï. Malgré le vieil adage "Mon frère et moi contre mon cousin. Mon frère, mon cousin et moi contre l'Etranger…", et ce ton des plus catégoriques, je ne puis m'empêcher de douter. Plusieurs officiers qu'il m'a été donné de rencontrer nourrissent, en effet, des rancoeurs autrement plus tenaces. Entretenant une antipathie forte contre le Pakistan, l'ANA se prépare actuellement davantage à une guerre classique interétatique qu'à la lutte contre une insurrection. Les demandes d'équipement formulées par les autorités afghanes reflètent l'ambition de se doter d'une armée puissante : développer une composante blindée ou disposer d'avions de combat de type F16. Ces requêtes peuvent bien évidemment sembler légitimes quand on connaît la situation sécuritaire du pays mais elles m'ont été plus fréquemment justifiées par le besoin de répondre à une agression pakistanaise que par la chasse au taliban.

 

Certes, ces aigreurs vis-à-vis du Pakistan sont principalement, mais pas exclusivement, ressenties par des officiers issus de la minorité tadjike, les officiers pashtounes faisant quant à eux preuve de davantage de retenue. Les premiers disposent toutefois aujourd'hui de nombreux postes militaires à haute responsabilité. Au cours de discussions informelles, plusieurs de ces officiers se sont, ainsi, souvent ouverts de leur haine ou, à tout le moins, du sentiment de défiance qu'ils nourrissaient contre le Pakistan. Le soutien pakistanais aux talibans explique, selon eux, en grande partie la longévité du conflit actuel. Le taliban lui-même est bien souvent décrit comme le frère ou le cousin d'hier et donc de demain.

 

Le 4 octobre dernier, l'Inde et l'Afghanistan ont signé un accord de partenariat stratégique. Leur alliance vient clairement prendre en tenaille le Pakistan. Elle n'est pas qu'une coquille vide puisque l'Inde contribue depuis peu au budget de formation de l'ANA et se propose de former dans ses écoles d'officiers des cadets afghans. Le Pakistan y perd sa profondeur stratégique et y gagne la menace d'un deuxième front en cas d'affrontement avec l'Inde.

 

La coalition en porte-à-faux… La coalition internationale est intervenue en Afghanistan voici près de dix ans avec pour objectif de priver AL QAIDA de son soutien en faisant de l'Afghanistan un pays stable. Elle s'engage depuis au quotidien au côté des forces armées afghanes. Cet appui nous lie dès lors indéniablement à leurs décisions. L'ISAF, assure, en effet, actuellement, dans le cadre de la mission NTMA, l'équipement, la formation et le conseil ou "mentoring" de l'ANA. Ce soutien se traduit, tout d'abord, par la fourniture directe de matériel aux Afghans par le biais d'achats d'armements financés essentiellement par les Etats Unis ou cession de matériel à titre gratuit. La coalition internationale fournit donc, en grande partie, à l'Afghanistan son outil de puissance. Des formateurs interviennent ensuite en appui de l'instruction des unités. La France est, dans ce cadre, responsable de l'école de cavalerie et est chargée entre autre de l'entraînement des unités de réaction rapide afghanes, garde d'élite équipée de matériel moderne.

 

Notre pays est également impliqué dans la formation des officiers notamment celle des officiers supérieurs, en fournissant la majorité des conseillers de l'école d'Etat major et du Centre des Hautes Etudes Militaires afghan. Les officiers français s'attachent évidemment à écarter certains scénarios d'entraînement proposés par les instructeurs afghans qui font trop ouvertement état d'une agression Pakistanaise… Enfin, les bureaux du ministère de la Défense afghan sont "mentorés" par des officiers de la coalition. Ceux-ci conseillent au quotidien les Afghans dans leurs méthodes de travail et cherchent à développer leurs compétences. Ces coopérants militaires seront évidemment considérés comme partie prenante à toute décision des autorités afghanes.

 

Sans prétendre avoir sondé l'âme d'un peuple, ce court séjour en Afghanistan fût l'occasion de m'interroger sur les conséquences d'une intervention décidée en 2001 avec des objectifs clairs, la chute du régime taliban, la lutte contre le réseau Al Qaida et l'émergence d'un Afghanistan stable. Dix ans plus tard, la coalition poursuit toujours ce noble but "shona ba shona" mais ne doit pas se leurrer sur les ambitions afghanes à moyen et plus long terme. Alors que nous cherchons aujourd'hui à définir les contours de notre partenariat stratégique avec l'Afghanistan après 2014, date annoncée du retrait de nos troupes, notre engagement au côté du "pays des braves" ne peut s'affranchir d'une étude sans naïveté de ses ambitions régionales.

 


 

Pour lire d'autres analyses, rendez-vous sur le site de l'Ecole de guerre.

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14 février 2012 2 14 /02 /février /2012 13:55

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photo Ministère de la Défense

 

14.02.12 Point de vue - LEMONDE.FR

 

par Général Jean-Patrick Gaviard, ancien commandant de la défense aérienne et des opérations ariennes Marc-Henri Figuier, ancien Colonel, industriel

 

Au moment d'élire le septième président de la Ve République, il est temps de sortir du consensus qui depuis de nombreuses années verrouille tout débat sur la défense. Le sceptre nucléaire d'un président élu au suffrage universel fige toute réflexion stratégique française. Avouons-le, nous avons du mal à considérer l'Europe autrement que comme le prolongement politique "d'une plus grande France" dont la puissance est attestée par sa position au conseil de sécurité et sa dissuasion nucléaire.

 

Devant la contestation grandissante de l'ordre international issu de la deuxième guerre mondiale, il ne suffira plus, dans les prochaines années, d'être une puissance nucléaire pour rester un des 5 membres permanents du conseil de sécurité ! La réalité d'aujourd'hui et de demain, c'est que le monde est et demeurera instable. Les tensions sur la libre circulation des ressources et des biens, le terrorisme, la dissémination balistique et nucléaire, sont fortes.

 

Par ailleurs, le redéploiement américain vers l'Asie du Sud Est et l'émergence des "Etats continents" tels la Chine et l'Inde sont lourdes de conséquences pour l'avenir. La prise en compte de ces menaces inquiétantes et du nouvel environnement géostratégique ne relève plus désormais d'une simple logique nationale mais bien d'une logique transnationale et donc pour nous clairement européenne.

 

Malheureusement, pour relever ces défis l'Europe est mal partie. La gestion de la dette des Etats pénalisent voire interdit toute politique de défense ambitieuse. Nos capacités sont à la limite. Sans nos alliés américains, aucune opération d'envergure n'est possible. Parallèlement, faute d'un marché national suffisant, notre industrie d'armement est sous critique et atomisée face à la concurrence internationale, en particulier américaine.

 

Dans un tel contexte, il n'existe que peu d'alternative : soit se résigner et réduire drastiquement des budgets de défense au point d'en arriver à se demander s'il faut continuer à investir dans la défense alors qu'il y a tant d'autres besoins importants à satisfaire, soit reprendre l'initiative stratégique en désamorçant notamment la concurrence stérile entre l'OTAN et l'Europe de la défense.

 

Plus précisément, la reprise de l'initiative consiste à redéfinir la mission, le rôle et l'organisation de l'Alliance atlantique en la refondant sur des bases mieux équilibrées en terme de partage du fardeau "défense et sécurité collective" entre Européens et Américains. Cette nouvelle alliance doit permettre à l'Europe d'avancer vers une défense plus intégrée tant en terme opérationnel qu'industriel. Le prochain sommet de l'OTAN de Chicago pourrait permettre de sonder nos partenaires et alliés sur ce sujet essentiel.

 

Cette initiative, pourrait comprendre trois propositions : d'abord, une proposition politique concernant notre dissuasion nucléaire : une proposition, non pour se demander une fois de plus s'il faut conserver une ou deux composantes à notre force nucléaire mais pour utiliser cette capacité afin de faire progresser politiquement et militairement l'Europe. En attendant l'émergence d'un exécutif européen, profitant d'une réorientation récente de la politique de défense américaine vers l'Asie, ne faut il pas aller au bout de la démarche politique française qui a consisté à réintégrer l'OTAN, en 2009, c'est à dire rallier le comité des plans nucléaires de l'OTAN ?

 

Dans un monde et des menaces globalisées, comment croire que la notion d'intérêts vitaux sur laquelle repose notre doctrine ne réponde qu'à la seule logique nationale ? Comment imaginer pouvoir utiliser notre arme nucléaire sans en référer préalablement à nos alliés ?

 

Il ne s'agit en aucun cas de perdre notre autonomie de décision mais de partager une planification et un ciblage. Les Etats-Unis sont membres du comité des plans sans pour autant abandonner toute planification nationale.

 

Partager la planification nucléaire aiderait, par ailleurs, à lever un soupçon pesant sur la France. Celui de vouloir à la fois promouvoir une défense européenne autonome tout en se réservant son arme de dissuasion et son droit de veto au conseil de sécurité des nations unies à des fins purement nationales.

 

En revanche, il ne faut pas accepter un marché de dupe. La contre partie doit être à la hauteur de l'enjeu. Les alliés devront alors redéfinir en profondeur l'alliance atlantique sur une base équilibrée entre deux piliers : un pilier américain et un pilier européen dont la PSDC actuelle pourrait en constituer le socle.

 

Le chemin sera long et difficile mais l'histoire avance. Après avoir adhéré au projet de défense anti-missiles balistiques (DAMB) lors du denier sommet de l'Otan à Lisbonne, il nous faut maintenant convaincre nos amis européens, en particulier allemands, de la nécessité d'une dissuasion nucléaire européenne très largement complémentaire de la DAMB.

 

Parallèlement à cette première initiative, la France suggérerait aux Etats européens qui le souhaitent la création d'une organisation de coopération du type zone euro. Avec les pays du pilier européen volontaires, il s'agirait d'accélérer le processus industriel et opérationnel d'intégration entamée il y a dix ans via l'agence européenne de défense (AED) et le projet capacitaire européen (ECAP, European capabilities action plan).  Pour ce faire, deux propositions mériteraient d'être détaillées : Une proposition économique et industrielle, d'abord :

 

Elle consisterait à faciliter l'émergence d'un pilier européen industriel renforcé et compétitif. Proposons alors à tous nos partenaires disposant d'une industrie d'armement de taille significative et indépendante, la mise œuvre d'un marché unique de l'armement reposant sur la préférence européenne. Celui-ci serait piloté par un organe de décision intergouvernemental, fondé sur une planification de défense partagée et appuyé par un fonds d'investissement et de solidarité européen dédié à la défense et à la sécurité alimenté par les Etats et le marché selon des règles fixées et réactualisées tous les cinq ans.

 

La création d'un marché unique de l'armement au sein d'une zone de coopération renforcée peut créer les conditions financières et industrielles facilitant la constitution de grands champions européens transnationaux de taille mondiale.

 

Ni l'effort de recherche développement ni le capital technologique et commercial des Thales, Dassault, Finmeccanica, Rheinmetal et autre Indra ne peuvent être dilapidés dans une course effrénée à la concurrence dans un marché européen trop étroit et de ce fait peu compétitif à l'export.

 

Si on s'en tient à un groupe de nations européennes possédant une industrie d'armement nationale crédible comment rapidement constituer un puissant intégrateur terrestre, naval et aérospatial en utilisant l'expérience difficile mais néanmoins instructive d'Eads .

 

L'industrie européenne est de très grande qualité. Elle est au niveau technologique des américains malgré un gap d'investissement considérable. Elle est néanmoins atomisée entre de trop nombreux fabricants de blindés (parfois sous contrôle américain), d'avions et de navires et pénalisée par des marchés domestiques trop cloisonnés.

 

Enfin, troisième proposition concernant nos forces militaires : ssagissant des forces, tous les Etats au sein de l'UE sont d'accord pour constater que le rendement opérationnel des investissements européens entendus collectivement est trop faible. S'appuyant sur la planification de défense partagée citée plus haut, pourquoi ne pas proposer à nos amis européens de renforcer le processus ECAP pour selon un calendrier précis, optimiser les capacités des forces européennes plutôt qu'à jouer sur une juxtaposition de moyens sous critiques et parfois doublonnées ?

 

En attendant que ce dispositif s'installe concrètement et pour démontrer notre volonté d'avancer, il nous semble que nos forces gagneraient à approfondir le "savoir agir ensemble" afin de faciliter l'interopérabilité et la capacité de projection. La France pourrait ainsi proposer la mise à l'étude d'une mutualisation de la formation et de la préparation opérationnelle. On poursuivrait là un double but : partager des coûts et intégrer davantage cultures militaires et doctrines opérationnelles.

 

Pourquoi ne pas imaginer une seule école européenne de formation des officiers pour chaque armée de terre, de mer ou de l'air ? Pourquoi ne pas disposer d'un seul centre de formation des pilotes de chasse, d'une seule école de guerre ? Pourquoi ne pas construire des centres européens d'entraînement géographiquement répartis en Europe et hors d'Europe chez nos alliés et partenaires.

 

Face aux défis budgétaires qui se posent à nos démocraties européennes, la tentation est grande de privilégier une vision nationale à bout de souffle au dépend d'une vraie volonté d'agir ensemble. Ne nous y trompons pas, les opérations récentes l'ont montré, la puissance militaire ne suffit pas mais elle est l'un des outils déterminant le rapport de force politique et le pouvoir d'influence. Sans de nouvelles initiatives stratégiques et une volonté politique affirmée, l'histoire s'écrira sans nous.

 

Nous sommes au pied du mur, sachons saisir cette opportunité historique !

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5 février 2012 7 05 /02 /février /2012 17:30
Les enseignements stratégiques du conflit afghan

 

30 janvier 2012 Vincent DESPORTES*,  Officier, Général de division (2S) - magistro.fr

 

Intervention lors du colloque stratégique annuel de l’IRIS, le 11 mai 2011, sur le thème "Afghanistan, 10 ans de conflit".

 

Le conflit afghan nous offre l’occasion de revenir aux principes fondamentaux de la stratégie. Je voudrais montrer, à partir de quelques exemples, qu’il apporte une validation supplé¬mentaire de quelques concepts stratégiques persistants : ils réaffirment en chaque occasion leur pertinence, quel que soit le mépris que l’on puisse affecter à leur égard.

 

La première idée qui me semble ainsi ratifiée est celle de la "vie propre de la guerre", pour reprendre le concept de Clausewitz. Dès que vous avez créé une guerre, la guerre devient un sujet et non plus un objet. Elle possède une vie propre qui vous conduit là où vous n’aviez pas prévu d’aller.

L’exemple de l’Afghanistan est particulière¬ment frappant. La guerre commence le 7 octobre 2001 avec un objectif clair : faire tomber le pouvoir taliban à Kaboul et détruire le réseau d’al-Qaida en Afghanistan. L’objectif est atteint fin novembre et il y a, alors, moins de deux mille militaires occidentaux au sol. Dix ans après, les objectifs de guerre ont totalement changé et ce sont 140 000 soldats de la coalition qui sont déployés sur le théâtre. Le général Beaufre, qui a commandé l’opération de Suez en 1956 et qui est l’un de nos grands stratèges, synthétise clai¬rement ce phénomène en évoquant "le niveau instable des décisions politiques" : il conduit les stratèges militaires à adopter des modes de guerre successifs s’avérant souvent contre-productifs par rapport aux objectifs ultérieurs. Cette évolu¬tion afghane éclaire ainsi deux réalités éternelles de la guerre ; la première est que toute guerre est marquée par une dérive des buts et, le plus souvent, une escalade des moyens ; la seconde, que les "fins dans la guerre" influent toujours sur les "fins de la guerre", pour reprendre les expressions si signifiantes de Clausewitz.

 

La deuxième idée qu’il nous est donné de revisiter relève de l’essence même du raisonne¬ment stratégique. La guerre doit être conçue et conduite non pas en fonction de l’effet tactique immédiat, mais en fonction de l’état final recherché, c’est-à-dire du but stratégique. Autrement dit, la forme que l’on donne initialement à la guerre a de lourdes conséquences ulté¬rieures : ce qui est perdu d’entrée est très difficile à rattraper.

Prenons les deux premières phases de la guerre.

 

La première phase est celle du "modèle afghan" (2001) (ou de la "stratégie minimaliste" selon l’expression de Joe Biden). Elle associait les milices afghanes, la puissance aérienne et un faible contingent de forces spéciales américaines. Le modèle a fonctionné pour faire tomber le régime des talibans, mais beaucoup moins pour débusquer et détruire les membres d’al-Qaida qui vont se réfugier dans leurs zones sanctuaires. Cette stratégie a contribué, en revanche, à renforcer les "chefs de guerre" locaux, en parti¬culier ceux dont le comportement envers la population était honni et qui étaient hostiles au gouvernement central de Kaboul. Elle a aussi renforcé la puissance tadjike et donc aliéné d’autant la population pachtoune. Elle a donc finalement affaibli les deux piliers qui allaient se révéler ultérieurement essentiels, puisqu’ils sont le socle de la reconstruction : un État central et les conditions de la "bonne gouvernance".

 

La deuxième phase est celle du modèle américain (2002-2006). En raison de l’impossi¬bilité des milices afghanes à venir à bout des talibans – les Afghans du Nord ne souhaitant d’ailleurs pas s’engager au sud de Kaboul –, les Américains prennent la tête des opérations de ratissage. On se souvient des opérations Anaconda (2002), Mountain Viper (2003), etc., des opérations de "bouclage et fouille" (Cordon and Search) visant l’élimination des terroristes et la destruction de leurs caches. Selon les termes du général (US) Barno, il s’agissait d’une "enemy-centric raid stategy". Les résultats sont médiocres, mais les conséquences définitives. L’efficacité du "modèle américain" est limitée par un grand défaut de sensibilisation culturelle et politique, voire par les effets pervers de la supériorité technologique. Les bombardements aériens et leurs cortèges de dégâts collatéraux importants soulè¬vent des questions sensibles qui ont des coûts politiques considérables. Dès lors, en dépit d’un a priori favorable, les Américains vont susciter crainte et hostilité dans la population. Les troupes sont perçues comme des infidèles, des forces d’occupation. La population initialement neutre, voire favorable, est aliénée. À partir de 2006, la guerre enemy-centric se mue en guerre population-centric (suivant les nouvelles théories en cours sur la contre-insurrection), mais le premier mode de guerre aura commis des dommages irréparables.

 

Troisième idée : si le "centre de gravité" (1) de l’adversaire se situe au-delà des limites politiques que l’on s’est données, il est inutile de faire la guerre car il sera impossible de la gagner. Au sens clausewitzien, le centre de gravité des tali¬bans se trouve dans les zones tribales situées entre le Pakistan et l’Afghanistan, puisque c’est de ces espaces incontrôlables qu’ils tirent leur capacité de résistance. Or, il est impossible pour les Américains d’y mettre militairement bon ordre : cette cible se situe au-delà des limites politiques qu’ils se sont fixées, ne serait-ce que pour de simples raisons de logistique militaire, à cause de la vulnérabilité de leurs convois lorsqu’ils traversent le Pakistan.

 

La quatrième idée à laquelle il convient de faire appel n’est pas nouvelle, mais il est toujours nécessaire de la répéte r: sauf à le détruire (ce qui est impossible en Afghanistan), c’est avec son adversaire que l’on fait la paix. Selon le bon esprit de la guerre froide – qui n’a pas fini de nous faire du mal –, la conférence de Bonn, en décembre 2001, a été non pas la conférence de la réconciliation mais la conférence des vainqueurs. Elle a, de fait, rejeté les talibans – donc les Pachtouns – dans l’insurrection. Dix ans plus tard, nous n’en sommes pas sortis.

 

La cinquième idée qu’il s’agit de convoquer est aussi évidente que méconnue : ce qui est important, c’est le stratégique, et non le tactique. Le général Beaufre nous le rappelle : "En 1940, tout notre système de guerre était faux parce que fondé sur des tactiques… L’Indochine est perdue à coups de tactiques excellentes, vaincues par la stratégie adverse à laquelle nous n’avons su opposer aucune stratégie digne de ce nom… Suez, victoire tactique, débouche sur un épou¬vantable échec politique… [très souvent] l’ignorance de la stratégie nous a été fatale" (2)

En Afghanistan, nous sommes aujourd’hui plongés au cœur d’une véritable "quadrature du cercle tactique", entre protection et adhésion de la population, d’une part, protection de nos propres troupes, d’autre part, et destruction de l’adversaire taliban par ailleurs. Nous sommes engagés dans un travail de Sisyphe de micro-management du champ de bataille, comme si nous étions enfermés dans une "stratégie de tactiques", et son appareil d’indicateurs de performance (3). C’est une impasse. Nous ne trouverons pas de martingale tactique en Afghanistan : la solution est d’ordre stratégique.

Citant des officiers US, le New York Times regrettait récemment, je cite, "la déconnexion entre les efforts intenses des petites unités et les évolutions stratégiques". Une accumulation de bonnes tactiques ne constituera jamais une bonne stratégie : un problème politique au premier chef ne peut être résolu que par une solution politique.

 

Descendant d’un cran, je voudrais insister sur une évidence opérationnelle simple. Le nombre compte. "Mass Matters", comme disent nos amis anglo-saxons. Or, les coupes budgétaires successives conjuguées à l’exponentielle du coût des armements ont conduit nos armées à des réductions de format incompatibles avec l’efficacité militaire dans les nouvelles guerres au sein des populations. En contre-insurrection, gagner c’est contrôler le milieu. Les ratios sont connus. En dessous de vingt personnels de sécurité pour mille locaux, il est tout à fait improbable de l’emporter. En Irlande du Nord, pour une popu-lation d’un million d’habitants, les Britanniques ont maintenu une force de sécurité globale de 50 000 hommes et sont restés pendant vingt ans (ratio de 1 pour 20 et non 1 pour 50). En Irak, la population est de trente millions de personnes environ. Il a fallu mettre sur pied (avec les Irakiens) une force de 600 000 hommes pour que la manœuvre de contre-insurrection commence à produire ses effets. En Algérie, à la fin des années 1950, les effectifs français étaient de 500 000 pour une population de huit millions d’Algériens "d’origine musulmane" (1/20). Au Vietnam, les Américains sont parvenus, également grâce à la conscription, à établir ce ratio mais n’ont cependant pas réussi à l’emporter. En Afghanistan, nous en sommes loin. Alors que le théâtre est infiniment plus complexe, physiquement et humainement, que nous agissons en coalition, le ratio est de 1/120 000 (en comptant les forces de sécurité afghanes, à la qualité cependant contestable) pour trente millions, soit la moitié de ce qui est nécessaire. Nous le constatons tous les jours, nos ratios actuels "forces de sécurité/population" nous permettent de conquérir, mais pas de tenir. Encore une fois, gagner la guerre, c’est contrôler le milieu. Or, nous ne savons plus contrôler le milieu.

 

Pour conclure, je voudrais encore mettre en avant deux préoccupations.

La première est qu’une nation – ou un groupe de nations – pèse dans une guerre à hauteur de sa participation. En ce sens, le conflit afghan est bien une "guerre américaine". On se rappelle ce télégramme diplomatique révélé dans Le Monde par Wikileaks dans lequel l’ambassadeur des États-Unis à Paris demandait, à l’instigation de l’Élysée, que Washington trouve des façons de faire croire que la France pesait sur le choix des options stratégiques. On se rappellera aussi que – de McKiernan à Petraeus en passant par McCrystall – les chefs militaires de la coalition sont nommés et relevés par Washington sans que l’on en réfère aux autres membres. N’en doutons pas : les calendriers et les stratégies sont bien plus dictés par les préoccupations de poli¬tique intérieure américaine que définis par le dialogue avec des coalisés obligés de s’aligner. Ceux qui ont lu Les Guerres d’Obama (4), de Bob Woodward, ne me contrediront sur aucun de ces points !

 

Ma seconde préoccupation tient au fait que l’Afghanistan est une nouvelle preuve de l’échec de l’Europe. Je constate qu’il y a, ou qu’il y a eu, quinze pays de l’Union ayant engagé des forces militaires en Afghanistan : Allemagne, Belgique, Danemark, Espagne, France, Hongrie, Italie, Lettonie, Lituanie, Pays-Bas, Pologne, Roumanie, Suède, République tchèque, Portugal. Les effectifs européens sont loin d’être négligeables puisqu’ils représentent environ trente mille combattants, soit un tiers de la force engagée. Or, il n’y a presque pas d’Europe, en tout cas aucune Europe de la défense, en Afghanistan. On pourra toujours expliquer que, historiquement, l’Europe a eu du mal à s’imposer en tant que telle dans cette guerre. Certes, mais le constat est là : l’Europe mène la guerre la plus longue qu’elle ait jamais conduite ; elle le fait avec des effectifs très importants, et elle n’existe pas. Cela donne une résonance forte aux propos de l’ancien ministre de la Défense, Hervé Morin, qui affirmait fin octobre : "L’Europe est devenue un protectorat des Etats-Unis" (5) Il est temps que l’Europe se reprenne en main.

 

* Vincent DESPORTES Officier, Général de division (2S) est un ancien commandant de l’École de Guerre

 

(1) D’où il retire sa force et sa capacité à durer, selon Clausewitz.

(2) Introduction à la stratégie, Pluriel, 1998, pp. 24, 25.

(3) Georges-Henri Bricet des Vallons, Faut-il brûler la contre-insurrection?, Choiseul, 2010, p. 19.

(4) Denoël, 2011.

(5) Le Monde, 31 octobre-1er novembre 2011.

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24 janvier 2012 2 24 /01 /janvier /2012 20:57

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24.01.12 par Commandant Vital Duchesne, officier de l'armée de l'air française, stagiaire de la 19e promotion de l'Ecole de guerre

Point de vue | École de Guerre

La situation économique de la France fin 2011 rappelle celle du Royaume-Uni en 1980. Subissant une grave récession, le gouvernement britannique programmait une réduction drastique de ses dépenses militaires, pour l'été 1982, quand les îles Malouines furent envahies.

Menacées par la suppression définitive de capacités, les armées britanniques ont gagné, en toute autonomie, l'imprévu conflit des Malouines. Cette victoire a prouvé la nécessité de ne pas diminuer exagérément son outil de défense.

Cette opération nécessite d'être étudiée capacitairement, avant de tenter un parallèle avec la situation actuelle de la France.

En pleine Guerre froide, le gouvernement britannique, victime d'une surprise stratégique, a dû, projeter une force expéditionnaire à 13000 km de sa métropole. Les choix britanniques, suite aux réductions budgétaires de 1980 limitaient l'effort militaire à sa participation à l'OTAN en Europe et à la dissuasion nucléaire par ses SNLE, supprimant toute capacité expéditionnaire.

L'exécution de ce plan n'ayant pas alors débuté, le gouvernement britannique disposait encore de ces moyens.

Ainsi, au lendemain de l'invasion des îles, le gouvernement de sa Majesté put envoyer une force expéditionnaire, qui, sans entrainement préalable, mena six semaines de durs combats, afin d'acquérir la supériorité aéromaritime, et de reprendre les îles.

Dans le cadre de cette grande opération interarmées, la décision fut emportée à terre, après l'acquisition de la supériorité aéromaritime par la flotte.

Afin de permettre une opération terrestre, la Royal Navy dût acquérir la supériorité aérienne et maritime. Le blocus des îles et le combat contre la flotte ennemie furent assurés par la force sous-marine, pendant que le groupe aéronaval acquérait la supériorité aérienne, que les frégates assuraient l'escorte et que le train d'escadre fournissait le soutien logistique. Notons que la Marine nationale dispose actuellement de moyens comparables à ceux déployés alors par la Royal Navy.

Une fois cette supériorité acquise, la force amphibie a pu débarquer des unités aguerries, à même de combattre en milieu polaire un ennemi supérieur en nombre. Ainsi, les Royal Marines ont joué un rôle déterminant, fournissant 5000 des 10000 combattants.

En comparaison, l'armée de Terre française entretient actuellement 8500 combattants à compétence amphibie. Sa posture d'alerte lui permet, en tout, la projection de 5000 hommes sous faible préavis.

Notons également l'importance des effectifs globaux : l'armée britannique mena cette opération, en maintenant 30000 soldats au sein du dispositif de l'OTAN et en en mobilisant 110001 en Ulster.
Le parallèle entre la situation britannique de 1982 et celle de la France en 2012 peut être établi : puissance mondiale disposant d'un riche patrimoine économique ultra-marin, confrontée à de graves difficultés économiques, partie prenante dans de multiples crises internationales faisant régner une menace terroriste sur son territoire2 et en proie à des troubles réguliers à l'ordre public.

Grâce à la réalisation complète de plusieurs lois de programmation militaire, l'armée française reste crédible. Dimensionnée au plus juste suite au Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale de 2008, elle peut encore mener des opérations complexes et de haute intensité. Réduire encore son budget obérerait durablement cette capacité. En effet, les armées françaises ont montré depuis le printemps 2011 leur capacité à mener de front deux opérations de haute intensité : l'une aéroterrestre en Afghanistan, l'autre aéronavale en Libye, tout en maintenant un contingent sous mandat ONU au Liban, une posture permanente de sûreté sur le territoire national, une présence de souveraineté outre-mer et un pré-positionnement sur le territoire africain 3. En particulier, l'opération Harmattan en Libye, déclenchée sous très faible préavis a mis à l'épreuve la réactivité de nos forces. Ces opérations ont montré l'excellent niveau de leur préparation opérationnelle et les remarquables performances des matériels en dotation Les forces ont été, à ces occasions, utilisées au maximum de leurs ressources, révélant leurs limites et carences, mais minimisant notre dépendance vis-à-vis de nos alliés.

Vu les incertitudes quant à la participation d'autres nations aux coalitions, il est capital de maintenir notre capacité à agir dans un cadre national, en restant interopérable avec nos alliés.

Financièrement contraignante, cette exigence garantit l'indépendance d'appréciation de situation et de décision de nos responsables politiques.

Cependant, la contrainte budgétaire ne peut être ignorée. Ainsi, conscient de la situation économique de la nation, le ministère de la Défense a largement participé à l'effort commun de maîtrise des dépenses publiques. En effet, à l'occasion de la réforme en cours, entamée en 2008, il s'est structurellement réorganisé, bouleversant les habitudes corporatistes, supprimant les doublons et rationnalisant son fonctionnement, afin de gagner en efficience. Demander un nouvel effort budgétaire, une fois cette réforme menée à son terme (prévu en 2014) reviendrait à entamer ses forces vives, obérant de façon irrémédiable ses capacités.

Dans un monde toujours plus imprévisible, et face à la considérable augmentation des dépenses militaires mondiales, décider de nouvelles réductions de format de nos forces armées ferait courir à la France le risque de perdre durablement la place qu'elle occupe sur la scène mondiale. Un tel renoncement reviendrait à un repli de notre nation sur elle-même et à l'abandon de ses ambitions diplomatiques internationales.


 

 

Pour lire d'autres analyses, rendez-vous sur le site de l'Ecole de guerre.

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19 janvier 2012 4 19 /01 /janvier /2012 20:08

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19.01.12 par Général (2S) Jean Paul Perruche, directeur de recherche "sécurité européenne et transatlantique" IRSEM-PARIS

Point de vue – LeMonde.fr

Dans sa nouvelle directive sur la stratégie de défense, l'exécutif américain précise ses ambitions, ses objectifs et ses modes d'action pour la défense et la sécurité des intérêts Etats-Unis dans les années à venir. L'ambition globale résumée dans le titre du document marque une continuité avec le passé : il s'agit de maintenir la position d'influence dominante des Etats-Unis (global Leadership), mais en acceptant une réduction de budget. La référence maintes fois rappelée aux intérêts du pays, montre sans ambiguïté les fondements de sa stratégie.

Mais dès la première phrase de son introduction, le président Obama précise que la période actuelle est pour les Etats-Unis "un moment de transition", ce qui signifie qu'il s'agit de passer d'un état à un autre et qu'une rupture est nécessaire dans sa stratégie de défense. Le pays doit adapter son système de défense au nouveau contexte sécuritaire en tenant compte des contraintes économiques et financières qui s'imposent à lui. Le temps des opérations militaires lourdes, longues et couteuses pour changer des régimes politiques locaux est révolu ; la priorité stratégique américaine pour le futur est liée à la montée en puissance de la Chine et au contrôle de sa liberté d'action notamment dans la zone Asie-Pacifique.

Vient ensuite la sécurité dans les régions prioritaires que sont le Moyen-Orient et l'Europe. L'Europe reste donc une zone d'intérêt majeure pour les Etats-Unis, mais elle n'est plus le centre de gravité de leurs intérêts de sécurité. Elle n'est d'ailleurs pas citée en tant que telle dans l'exposé liminaire du président Obama. La garantie accordée aux Alliés de l'OTAN au titre de l'article 5 est confirmée, mais l'engagement américain à l'égard de l'Europe comporte désormais deux volets : la contribution à la sécurité régionale en Europe notamment où des conflits persistent  et le renforcement de l'intégration euro-atlantique.

Ce double objectif traduit d'une part la volonté des Etats-Unis de garder leur position avantageuse sur le continent européen et dans leur relation avec la Russie dont ils veulent faire autant que possible un partenaire, et de l'autre, le souhait d'avoir des alliés plus fiables et plus puissants, capables de prendre à leur compte les crises dans leur voisinage n'affectant pas directement les intérêts américains et de les soutenir ailleurs dans le monde. Le nouveau partage des rôles réalisé pour la conduite des opérations en Libye est présenté par le président comme une référence de ce que les Etats-Unis attendent de leurs alliés.

Tandis qu'aucune mention n'est faite de l'Union Européenne (jamais citée), l'intérêt des Etats-Unis pour une OTAN renforcée et revitalisée est mis en exergue, ce qui devrait se faire par le partage et la mutualisation de capacités nationales devenues insuffisantes. Ce renforcement des capacités des Européens est présenté comme nécessaire pour compenser le rééquilibrage de l'investissement américain en Europe et notamment la réduction de leurs troupes stationnées. Le partenariat avec les Européens n'est d'ailleurs pas exclusif et les Etats-Unis cherchent aussi des partenaires ailleurs.

Malgré la réaffirmation de leur garantie concernant la défense de l'Europe (Article 5 du traité de Washington), il est clair que celle-ci ne doit plus être comprise par leurs alliés européens comme une assurance tous risques. L'engagement américain dépendra de l'importance de l'enjeu stratégique des conflits pour les Etats-Unis. Le cas de la crise libyenne de 2011, mais aussi celui de la crise géorgienne de 2008 peuvent en donner des illustrations. Pour défendre leurs intérêts spécifiques, les Européens devront assumer eux-mêmes leur responsabilité. En outre, l'assistance américaine en Europe sera sans doute négociée en échange d'une assistance européenne ailleurs.

La nouvelle posture stratégique américaine met donc les Européens devant l'alternative suivante : soit renforcer leurs capacités d'action par intégration dans l'OTAN afin de partager le fardeau sécuritaire avec les Etats-Unis et implicitement sous leur direction, soit devenir des partenaires impuissants et donc sans intérêt pour eux.

Elle pose cependant un double problème aux Européens :

- la mutualisation et l'intégration de moyens militaires entre plusieurs nations impliquent très vite un partage de leur souveraineté ; l'expérience du traité franco-britannique de 2010 en constitue un cas d'étude à suivre ; un simple renforcement de la coordination de moyens nationaux de plus en plus réduits aura dans le temps des effets très limités. Or le partage de souveraineté dans l'OTAN parait peu réaliste s'agissant d'une organisation dont les compétences se limitent à la sécurité.

- la non-référence à l'UE, empêche ses Etats-membres d'inclure dans une politique de défense commune les intérêts communs qu'ils créent dans cette organisation qui elle est politique et en partie déjà communautaire (et donc supranationale). Or chacun sait que la motivation et la volonté des Européens de renforcer leurs efforts militaires ne pourront provenir que d'une meilleure prise de conscience des enjeux de leur défense qui ne sont pas seulement nationaux mais aussi européens.

L'UE et ses 27 Etats comptant 500 millions d'habitants, produisant plus de 20% du PIB mondial et dont les budgets de défense cumulés dépassent ceux de la Chine et de la Russie additionnés représente un enjeu de défense de niveau mondial, tandis que pris individuellement ses Etats membres (même les plus puissants) ne peuvent se situer à ce niveau. Il serait urgent et du plus grand intérêt que l'UE et ses Etats-membres se livrent eux aussi à une analyse de leurs besoins stratégiques de défense afin de reprendre et d'assumer leurs responsabilités dans ce domaine et de devenir le véritable partenaire stratégique dont les Etats-Unis ont besoin.

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19 janvier 2012 4 19 /01 /janvier /2012 18:20

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19.01.12 par Jean-Jacques Roche, professeur de relations internationales à l'Université Paris II-Assas, Directeur de l'Institut Supérieur de l'Armement et de la Défense (ISAD)

Point de vue – LeMonde.fr

L'idée d'un nécessaire recentrage sur l'Asie et le Pacifique, synonyme d'un désengagement de l'Europe, est récurrente dans la pensée stratégique américaine. John Lehman, secrétaire d'État à la marine dans l'administration Reagan, projetait déjà dans les années 80 "une marine aux six cents navires", comme solution à ce déplacement du centre de gravité des intérêts américains dans le monde. En avril 2001, un incident aérien mettant en cause un avion de reconnaissance américain EP 3 au-dessus de l'île de Hainan fut habilement exploité par le gouvernement chinois pour imposer à Georges W. Bush, qui venait d'entrer en fonction, le fait que la Chine devait désormais être considérée comme le "peer competitor" des États-Unis.

La Defense Strategy Review de janvier 2012 n'a donc pas fondamentalement innové en plaçant l'Asie en tête des priorités américaines et en rappelant aux Européens la nécessité de partager le fardeau, un thème tout aussi rituel entretenant depuis les années 60 les fameux "malentendus transatlantiques". L'impact de ce document sur les politiques européennes de défense sera donc réduit et peut même être considéré une opportunité pour le développement capacitaire de l'Union européenne. Si les conséquences de cette nouvelle orientation sur les États européens sont réduites, elles ne sont pas nulles pour autant.

Pour les pays d'Europe centrale et orientale, le retrait de 4 000 hommes sur les 80 000 que les États-Unis maintiennent sur le vieux continent sera moins important que l'impression de désintérêt de Washington à l'égard de leurs craintes vis-à-vis de la Russie. Pour les autres nations européennes, la nouvelle doctrine américaine tire simplement les conséquences du Concept stratégique de l'Alliance atlantique adopté à Lisbonne le 10 novembre 2010. Réduction des effectifs, rationalisation des implantations, réduction du nombre des agences étaient déjà programmées par ce document qui impliquait mutualisation et partage des moyens capacitaires.

Ce partage n'est d'ailleurs pas inédit, puisqu'il remonte aux accords de Berlin de juin 1996, mais ses implications sont nouvelles pour les Européens dans le cadre de la "défense intelligente" (smart defense) développée en septembre dernier par le secrétaire général de l'OTAN. Face à la chute prévisible des budgets sous l'effet de la crise financière et à l'augmentation des coûts des matériels, le mot d'ordre est désormais de "dépenser mieux" à défaut de "dépenser plus". Le projet est ambitieux puisqu'il s'agit d'éviter les duplications, de concevoir des matériels complémentaires et d'envisager à terme des synergies entre composantes de systèmes d'armes. Pour les États européens disposant d'une industrie de défense, l'effort est d'autant plus grand que les abandons demandés de souveraineté – peut-être un bien grand mot – ne sont pas assortis d'un transfert de responsabilités au sein de l'Alliance.

Inversement, l'Union européenne devrait bénéficier pour trois raisons de ces orientations. Tout d'abord, en démontrant aux nouveaux adhérents, qui étaient tous devenus membres de l'OTAN avant même de participer à l'Union européenne, que cette dernière est encore leur police d'assurance la plus durable, à défaut d'être la plus étendue.

En second lieu, l'Union européenne a déjà parfaitement articulé son positionnement extérieur avec celui de l'OTAN. De Lisbonne-2010 (le Traité) à Lisbonne-2011 (le nouveau concept stratégique), la répartition des tâches est claire. À l'Europe incombe les missions de Petersberg (maintien de la paix, imposition de la paix et missions humanitaires) et à l'OTAN le maintien des équilibres stratégiques. Ce partage des missions s'accompagne de la mise en place d'instruments très poussés de coopération qui incluent à la fois une planification opérationnelle commune entre l'OTAN et l'UE (COPD - Comprehensive Operational Planning Directive) et un management logistique partagé à travers notamment le concept de logistique intégrée et les OLCM (Operations Logistics Chain Management).

Ces multiples liens, outre qu'ils renforcent la visibilité internationale de l'Union européenne, lui permettent en même temps de devenir une interface incontournable entre les États membres et l'OTAN. Dans la logique éprouvée de la construction européenne, l'Agence Européenne de la Défense a amorcé le mécanisme de l'engrenage (spillover effect) qui, de projets ponctuels en réalisations concrètes, permet de passer de la coopération à l'intégration dans des domaines où les États sont, a priori, peu susceptibles d'accepter des abandons de souveraineté. Les onze domaines d'intervention de l'AED - qui comprennent aussi bien le ravitaillement en vol, la reconnaissance du champ de bataille, l'entraînement, ou encore la surveillance maritime – sont certainement moins ambitieux que les treize chapitres de la coopération franco-britannique initiée par le traité de Lancaster House de novembre 2010.

Pourtant, il est raisonnable de considérer que les bénéfices prévisibles de cette mutualisation des capacités et le soutien des Américains – qui participent d'ailleurs aux réunions de l'Agence tout en doublant les mécanismes au sein de l'ACT (Commandement Allié Transformation de l'OTAN) – permettra, dans un proche avenir, à l'ADE de devenir un acteur majeur de la défense européenne. En 1990, Mark Eyskens considérait l'Europe comme "un géant économique, un nain politique et une larve militaire". Les dix-sept opérations militaires, civilo-militaires et civiles menées depuis lors par l'Union européenne ont sans doute modifié la donne, mais, en dépit de son succès, la récente intervention de l'OTAN en Libye (Protecteur Unifié) a rappelé les carences de l'Europe de la défense. Seules six nations ont ainsi participé à cette opération au cours de laquelle n'ont pu être déployés que 50 avions de combat (trente français et vingt anglais) autour d'un seul porte-avions. Au demeurant, malgré la création d'un Commandement Aérien Européen en septembre 2010, cette opération est restée dépendante des munitions de précision et des drones de surveillance américains.

Dans ces conditions, le désengagement continu – mais relatif – des États-Unis du vieux continent doit avant tout être considéré comme une opportunité pour la défense européenne en accélérant la mutualisation des capacités. L'Europe qui est déjà devenue en matière de sécurité un acteur majeur de la lutte antiterroriste devrait donc, à la faveur des nouvelles orientations stratégiques américaines trouver le remède aux carences génétiques qui interdisent à "la larve militaire" d'entreprendre sa métamorphose. En attendant, les États européens ont tout à gagner à voir la rivalité des puissances se déplacer très loin de leurs frontières.

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11 janvier 2012 3 11 /01 /janvier /2012 08:55

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Jan 10, 2012 By Bill Sweetman - defense technology international

Will 2012 bring as many unexpected events as 2011? Changing orders in the Islamic world add more unpredictability, because nobody is sure where the new leadership will fall on the scales of idealism and pragmatism or on the role of Islamic law in society. Certainly, nobody a year ago anticipated an all-air NATO campaign against Libya.

The single biggest flashpoint as 2012 opens is the unresolved conflict between the U.S., Israel and Iran, over Tehran’s determination to join the nuclear club, coupled with the apocalyptic threats of its leaders. The crash of a U.S. stealth drone in December—claimed unconvincingly as a shootdown—shows how important intelligence, surveillance and reconnaissance has become, but underlines the difficulties of managing relations with a closed society. And the more we learn about the Stuxnet virus, the more we realize that cyberwarfare is real and upon us.

Naval forces, meanwhile, find themselves in roles that seemed to be outgrown and roles that are new, or at least new to anyone born in the last 200 years. Chasing smugglers is one thing—but smugglers in submarines? In 2011, too, the war on piracy continued, and the Royal Navy engaged land targets in Libya with gunfire.

On land, the main developments of 2012 will be the drawdown in Iraq and attempts to stabilize the wreck of Afghanistan, while keeping the fractious and factional state of Pakistan in some kind of working order. Peace on earth? Not quite yet.

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6 janvier 2012 5 06 /01 /janvier /2012 17:40

Europe Flag

 

06.01.12 par Chef de bataillon Pierre-Arnaud Borrelly / Point de vue - École de Guerre - lemonde.fr

 

La révision du Livre blanc sur la Sécurité et la Défense nationale est l'occasion d'un bilan sur l'action de la France pour l'Europe de la défense. Les évènements des trois dernières années semblent avoir bouleversé les ambitions françaises consignées dans le LBDSN de 2008. La future édition, par un ancrage encore plus déterminé dans la l'Europe de la défense permettra de ne pas faire mentir la politique européenne de la France.

 

Alors qu'est annoncée la révision du Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale (LBDSN), un bilan s'impose sur l'action de la France pour l'Europe de la défense. En dépit d'un certain nombre de réussites, les évènements des trois dernières années semblent avoir fortement modifié les ambitions françaises couchées dans le LBDSN. Pourtant, le Livre blanc de 2008 dresse une véritable feuille de route à laquelle il eut convenu de se tenir pour doter l'Union européenne de capacités militaires crédibles. La crise économique et financière aurait pu servir de catalyseur afin de faire mieux ensemble.

 

La fin des présidences tournantes à la tête de l'Union européenne a marqué un ralentissement des initiatives des Etats membres dans le cadre de la Politique de Sécurité et de Défense Commune. Ces derniers soumis à de fortes contraintes financières peuvent arguer que le nouveau Service Européen d'Action Extérieure n'est pas à la hauteur des espoirs portés par le Traité de Lisbonne. Ainsi, la présidence française de 2008, forte de son dynamisme, a depuis laissé la place à un vide qui semble difficile à combler. La case a été cochée, le témoin passé.

 

L'Europe de la défense est à la peine, "en panne" s'interrogent les médias à la suite du ministre de la Défense. Il est possible d'instruire le dossier à décharge et de considérer ce qui avance petit à petit, semaine après semaine, grâce à l'opiniâtreté de quelques personnes. Mais, les projets les plus emblématiques du Livre blanc peinent à voir le jour. Ainsi en est-il de la planification qui est pourtant citée page 90 de manière impérative : "La France estime nécessaire que l'Union dispose d'une capacité européenne permanente et autonome de planification stratégique". Les conclusions du Conseil des affaires étrangères de l'UE du 18 juillet dernier parvenaient enfin à le graver dans le marbre européen. Seulement, la Grande-Bretagne imposa son véto. Pour la première fois, les conclusions n'étaient pas signées par les ministres des Etats membres. Il s'agit donc là d'un échec pour la France, où les plus critiques, évoquant l'accord de défense franco-britannique, y verront une inflexion de la politique française conduisant à un alignement sur les positions britanniques et le reniement d'une politique écrite deux ans auparavant. Il est toujours possible de déclarer qu'il est trop tôt pour les Britanniques de suivre cette voie, que le traité finira par les entrainer dans l'Europe de la défense. N'est-ce pas jouer sur les mots ? Bien sûr que la défense de l'Europe les intéresse, ils y ont toujours pris part dans l'histoire et sans faiblesse. Mais l'Europe de la défense, celle qui se construit à 27, souffre de leur désamour.

 

Alors que la France plonge dans la période pré-électorale et dans la révision du Livre blanc, il conviendrait de ne pas se voiler deux difficultés : celle des Etats membres à faire preuve de détermination dans la mise en œuvre de la stratégie européenne de sécurité de 2003 et celle qui consiste à rendre crédible le contrat opérationnel défini par les accords d'Helsinki en 1999. Les faiblesses capacitaires des uns et l'unique culture d'auto-défense des autres ne laissent pas d'autre choix à la France que d'endosser le rôle de leader de l'Europe de la défense. C'est là d'ailleurs l'un des motifs de sa réintégration pleine et entière à l'OTAN. Le futur Livre blanc de la défense et de la sécurité nationale, devra peut-être écarter le recours à l'accord de Berlin + qui permet à l'UE de bénéficier des moyens de commandement et de planification de l'OTAN. Cela pour deux raisons : La première, l'Europe ne peut se permettre de dépendre du vote de la Turquie qui est par ailleurs en crise ouverte avec Chypre, membre de l'UE, pour mener ses opérations. La seconde parce que l'on est en droit de se demander s'il est normal de laisser systématiquement le commandement de l'opération, en raison des termes de l'accord, à un Britannique, dont les évènements démontrent le peu d'allant pour une Europe de la défense autonome.

 

De fait, l'OTAN, qui nous lie à nos alliés américains, demeure le pilier de notre défense commune. Mais l'Europe doit se construire une autonomie stratégique qui exige de décliner enfin la stratégie européenne de sécurité écrite en 2003 en un document pratique à l'instar de notre propre Livre blanc, idée forte inscrite au LBDSN de 2008. Les Etats membres ont découvert avec la crise financière l'exigence qui s'impose à eux d'un nouveau transfert de souveraineté. Faire le choix d'un livre blanc européen exigeant et contraignant revient à préparer l'avenir de l'Europe avant qu'une crise sécuritaire impose à son tour sa loi et des options capacitaires par défaut. Le LBDSN proposait aussi de s'appuyer sur le principe de la coopération structurée permanente décrite dans le Traité de Lisbonne pour renforcer les capacités militaires de l'Europe. Cette idée laissée sous le boisseau a été ressortie par la Pologne lors de la préparation de sa présidence au printemps 2011, et refusée expressément par la France, qui était sollicitée pour redonner l'impulsion à ce concept. Le Triangle de Weimar, dont font partie ces deux nations avec l'Allemagne, a cependant pris depuis décembre dernier l'initiative du "pooling and sharing", qui vise à mettre en pôle et à partager des capacités militaires, et qui pourrait agir, faute de mieux, comme un cataplasme temporaire des ambitions oubliées.

 

Le futur Livre Blanc pourrait réaffirmer une politique forte et concrète pour l'Europe de la défense appuyée sur le Triangle de Weimar afin de ne pas faire mentir le LBDSN de 2008. Le contraire pourrait être compris comme un net amoindrissement des ambitions européennes de la France. Il est en effet nécessaire d'écrire la deuxième étape du plan "histoire d'une communauté européenne de défense", si l'on considère la réussite de la première étape qui a consisté, pour la France, à sa réintégration dans l'OTAN et à la tentative d'ancrage militaire des Britanniques au continent.

 

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21 décembre 2011 3 21 /12 /décembre /2011 12:55

Europe Flag

 

20.12.11 Point de vue - LEMONDE.FR - par Edouard Pflimlin, journaliste au Monde.fr

 

Le Royaume-Uni s'est mis, lors du sommet de Bruxelles du 9 décembre, en retrait de l'Union européenne (UE), qui compte avancer sans lui vers une plus grande intégration économique. Quelles sont les conséquences pour l'Europe de la défense ? Est-ce la fin de celle-ci comme l'estiment certains observateurs ? Certainement pas. Depuis le sommet franco-britannique de Saint-Malo le 4 décembre 1998 l'Europe de la défense a progressé. Ce sommet appelait l'UE "à avoir une capacité autonome d'action, appuyée sur des forces militaires crédibles, avec les moyens de les utiliser et en étant prête à le faire afin de répondre aux crises internationales".

 

Depuis, une analyse détaillée des besoins en capacités a fait apparaître des déficiences dans 64 domaines comme les bombes intelligentes, le système de commandement intégré, ou encore le transport stratégique. Sur ce point, les capacités de déploiement des troupes européennes sont préoccupantes. Avec 1,61 million de militaires en 2010, l'UE ne peut en déployer que 40 à 50 000 pour des opérations de moyenne à haute intensité du type de celle menée en Afghanistan.

 

Face à cette situation, la création de l'Agence européenne de défense (AED), lancée fin 2003, avait pour but de mobiliser les Etats au service de ces objectifs capacitaires. Elle n'a pas encore donné les résultats attendus mais la situation a évolué récemment.

 

La Présidence française de l'UE avait donc fait en 2008 une priorité du renforcement des capacités cherchant à promouvoir notamment la projection des forces avec le développement d'une flotte européenne de transport aérien. Paris avait aussi pensé que la réintégration de la France dans le commandement militaire intégré de l'OTAN en 2009 permettrait de promouvoir plus facilement l'Europe de la défense.

 

Il n'en a rien été et Paris a joué la carte franco-britannique, laissant – temporairement – de côté l'Europe de la défense. Le sommet bilatéral de Lancaster House du 2 novembre 2010 a conduit à un accord de coopération militaire étendu. Elle s'est manifestée dans le conflit libyen. Mais cette guerre a montré les faiblesses des deux pays et de l'UE, notamment en matière de munitions de précision, de surveillance et de ravitaillement en vol. De plus, si l'opération est un succès opérationnel, elle est un échec politique pour l'Europe. Seuls 6 pays européens sur 27 ont participé aux frappes aériennes.

 

Toutefois la volonté sous la présidence polonaise de l'UE au second semestre 2011 de faire avancer l'Europe de la défense a donné des résultats récents significatifs. La réunion de l'AED, le 30 novembre, a retenu 11 projets de coopération comme la formation des pilotes, le renseignement, les satellites… Certains répondent à des besoins récents comme les bombes à guidage laser qui ont fait défaut côté pendant le conflit libyen.

 

Dans ce contexte, la coopération franco-britannique bénéficiera-t-elle à l'Europe de la défense ? Les deux sont complémentaires. Comme le souligne le professeur en relations internationales de l'université Yale, Jolyon Hoyworth, les forces nucléaires britannique et française participent à la sécurité collective de l'UE. Et Jean-Pierre Maulny, directeur adjoint de l'IRIS, estime que "toutes les coopérations engagées entre la France et le Royaume-Uni sont de long terme", notamment sur les futures drones de combat. Cette coopération apparaîtcomme un impératif : " il est plus difficile d'obtenir des progrès à Londres qu'à Paris. Mais on ne voit pas en raison de la crise et des restrictions budgétaires, d'autres alternatives à ce projet ", indiquait Camille Grand, directeur de la FRS.

 

Il faudra aussi mettre fin au déclin des dépenses de défense à l'œuvre en Europe. A force de tailler dans les dépenses d'équipement, l'UE perdra des capacités militaires. Dépenser mieux les quelques 186 milliards d'euros qu'a consacré en 2010 l'UE à sa défense est nécessaire. Moins de 15 % de cette somme est employée à des acquisitions d'armements modernes. La France et le Royaume-Uni représentent à eux deux 50 % des dépenses de défense de l'Union. Un tel déséquilibre a des conséquences sur les capacités militaires – trop faibles – de certains Etats.

 

Des projets en "pooling and sharing" ("mise en commun et partage") s'imposent de plus en plus. On en voit d'ailleurs déjà les points positifs dans le cas de l'EATC (commandement de transport aérien européen), lancé en 2010, qui rassemble 4 Etats ; il a permis aux Pays-Bas de faire 20 % d'économies annuelles sur ses dépenses de transport militaire.

 

Ceci pose aussi la question de l'industrie européenne d'armement qui doit se consolider pour être en mesure de répondre efficacement aux besoins de capacités militaires en pouvant financer les efforts de R&D dans un contexte budgétaire difficile.

 

Mais il est nécessaire d'avoir des projets d'envergure estime Sven Biscop, directeur de recherche à l'Institut Egmont (Bruxelles) : de ce point de vue, le Conseil des ministres des affaires étrangères de l'UE du 1er décembre 2011 est très positif créant "une dynamique capacitaire" avec des projets en matière de ravitaillement en vol et aussi de futurs satellites de communication. Par ailleurs, ce Conseil insiste aussi sur l'importance d'"améliorer significativement la performance de l'UE en matière de planification et de conduite des opérations civiles et militaires". Le débat sur un quartier général européen, auquel se refuse Londres, est donc relancé.

 

Dans ce développement capacitaire de l'UE, la France doit jouer un rôle de leader et donner une vision à l'Europe, sur ce que sont ses valeurs, notamment en matière de défense, souligne le général Jean-Paul Perruche, ancien directeur général de l'état-major militaire de l'UE.

 

A court terme et dans un contexte budgétaire contraint, elle peut favoriser des projets plus modestes. Comme l'a dit Robert Schuman dans sa déclaration du 9 mai 1950 : "L'Europe ne se fera pas d'un coup, ni dans une construction d'ensemble : elle se fera par des réalisations concrètes créant d'abord des solidarités de fait".

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