10/01/2014 st-cyr.terre.defense.gouv.fr
Chaque semaine, les écoles de Saint-Cyr Coëtquidan vous proposent de découvrir les officiers de la Grande Guerre à travers un objet issu des collections du Musée du Souvenir. Le commandant Tristan Leroy, conservateur du musée et le commandant Michael Bourlet, chef du département histoire des Écoles vous proposent ainsi la présentation d’un objet ayant appartenu à un officier ayant participé à la Grande Guerre, des éléments biographiques et des explications sur le contexte historique. Cette semaine, retrouvez la paire de jumelles du commandant Sallerin.
L’objet :
Paire de jumelles réglementaire pour l'Infanterie et la Cavalerie, « Extra lumineuse » à facteur de grossissement 7, fabriquée par la maison « Huet » à Paris. Le Numéro de série est gravé près de l'objectif gauche : 22394 - Modèle IC.MG (pour « Infanterie et Cavalerie, Matériel de Guerre »).
Le corps des jumelles a été très sérieusement endommagé par le projectile qui blessa Paul Sallerin en janvier 1915, le rendant presque aveugle. On mesure à l’état de ces jumelles la violence de l’impact. Le métal est percé en plusieurs endroits. Le cuir de revêtement et une partie des optiques côté droit ont été arrachés. On devine la trace de deux plaquettes de laiton, également arrachées, qui étaient vissées sur la partie supérieure des jumelles et portaient les silhouettes gravées d’un fantassin et d’un cavalier, associées à des repères gradués permettant à l’observateur d’évaluer les distances.
L'étui est en cuir, de section ovale et muni d'une bandoulière fermée par une boucle métallique à ardillon au corps guilloché, identique à celle fermant le couvercle de l'étui. L'arrière est muni de deux passants de ceinturon.
L’officier :
Né le 5 janvier 1878 à Douai (Nord), Paul Sallerin s’engage à Versailles le 28 octobre 1897 avant d’intégrer l’école spéciale militaire de Saint-Cyr. Saint-cyrien de la promotion de Bourbaki (1897-1899), il est ensuite affecté au 110e régiment d’infanterie en octobre 1899. Promu lieutenant, il est admis à suivre les cours de l’école supérieure de guerre (session 1908-1910) dont il sort breveté d’état-major. En 1914, il est capitaine au 126e régiment d’infanterie de Brive-la-Gaillarde. Parti en campagne avec son régiment, il est promu chef de bataillon à titre temporaire le 28 septembre 1914. A plusieurs reprises, il s’illustre au feu à la tête de son bataillon. Il est grièvement blessé au combat le 1er janvier 1915. Il est touché par une balle alors qu’il observe le terrain avec ses jumelles pour rechercher des objectifs pour l’artillerie. Devenu aveugle à la suite de cette blessure, il est mutilé de guerre à 100 %. Néanmoins, il est maintenu en activité. Après la guerre, il enseigne l’histoire militaire à l’école spéciale militaire de Saint-Cyr. Promu lieutenant-colonel, il est retraité en 1937 et décède à Limoges le 9 juillet 1959.
Le contexte :
Le bilan humain de la Première Guerre mondiale est particulièrement lourd. Aux 9 millions de morts s’ajoutent presque autant d’invalides. L'emploi massif des tirs d'artillerie, des bombes, des grenades et des gaz de combat mais également les spécificités de la guerre des tranchées où la tête du combattant se trouve souvent la partie du corps la plus exposée, sont autant de facteurs qui expliquent le nombre important des blessés de la face et la gravité des blessures. On compte en Europe, au lendemain de la guerre, environ 6,5 millions d'Invalides, dont près de 300 000 mutilés à 100 % : aveugles, amputés d'une ou des deux jambes, des bras et blessés de la face. Le chef de bataillon Sallerin est de ceux-là, que l’on surnommera les « gueules cassées » à partir du 21 juin 1921, date de création de l’union des blessés de la face présidée par le colonel Yves Picot.
Objet associé :
Cliché représentant le lieutenant-Colonel Sallerin, alors professeur d’histoire militaire à l’École Spéciale Militaire de Saint-Cyr. Il porte l'uniforme bleu horizon modèle 1922 avec ceinturon et bélière. Les pattes de collet de l'ESM brodées en cannetille d’or sont visibles sur le col de sa tunique et le revers de sa capote portée ouverte.
Il porte la cravate de Commandeur de la Légion d'Honneur, la Croix de Guerre 14-18 avec 2 palmes, la Croix de Guerre belge avec une palme, la médaille d'officier des Palmes Académiques, la médaille commémorative 1914-1918, la médaille interalliée de la Victoire 14-18 et la Croix de Chevalier de l’ordre impérial russe de Saint-Stanislas.
Cette photographie datant des années 1930 est signée « Nadar », (du temps de Paul Nadar, qui avait repris l’atelier de son père, Félix Tournachon dit Nadar, pionnier de la photographie et auteur de clichés très célèbres représentant de nombreux artistes de la deuxième moitié du XIXème siècle).