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20 février 2012 1 20 /02 /février /2012 08:50

Coat of Arms of Switzerland.svg

 

18.02.2012 Par Titus Plattner, Le Matin Dimanche. Collaboration: Joël Widmer..

 

Depuis mardi, le ministre de la Défense tente de sauver l’achat des 22 jets suédois. L’argumentaire d’Ueli Maurer présente pourtant de nombreuses faiblesses.

 

Entouré de ses généraux, Ueli Maurer est passé à la contre-attaque. Depuis la diffusion sur Internet par «Le Matin Dimanche» d’un rapport confidentiel des Forces aériennes émettant de sérieux doutes sur les aptitudes militaires du Gripen, le ministre de la Défense passe ses journées à accorder des interviews. Mais son argumentation ne résiste pas à l’épreuve des faits.

 

«RAPPORTS DÉPASSÉS» FAUX

 

Pour le conseiller fédéral Ueli Maurer, les documents que nous avons diffusés dimanche dernier sont «complètement dépassés». Entre le rapport critique de novembre 2009 et le choix du type d’avion par le Conseil fédéral le 30 novembre 2011, a-t-il fait valoir cette semaine, de nombreux nouveaux rapports ont été écrits et l’avion suédois a beaucoup évolué. Le conseiller fédéral se garde bien de dire que l’instance des Forces aériennes chargée d’évaluer l’efficacité militaire des nouveaux avions, à savoir l’Equipe expérimentale aérienne (EEA), n’a procédé à aucune autre évaluation depuis le fameux rapport de 2009. Pas même sur le papier. A l’époque, le chef des Forces aériennes avait pourtant recommandé de réaliser en Suisse de nouveaux essais en vol, afin de s’assurer que le prochain Gripen serait capable d’accomplir avec succès les missions de police aérienne. Pour l’heure, on sait juste que huit vols test auront lieu début mai à Linköping, en Suède, où des experts suisses tenteront de vérifier les progrès du prototype du Gripen E/F. Quant aux essais en Suisse, ils devraient lieu bien plus tard.

 

«BON POUR LA TROUPE» SOUS CONDITION

 

«Truppentauglich», «bon pour la troupe», en français. Ueli Maurer s’accroche à ce mot comme à un grigri pour sauver l’achat du Gripen par la Suisse. Ce qu’il oublie de dire, c’est avec quelle précipitation ce tampon a été accordé à l’avion suédois, le 23 décembre 2009, c’est-à-dire un mois seulement après la transmission du rapport assassin des Forces aériennes. Comme nous l’indiquions il y a une semaine, le Gripen E/F (désigné Gripen MS21 dans le rapport) y échouait à tous les types de mission évalués. C’est le brigadier Daniel Baumgartner, alors chef de la Planification de l’armée, qui a entériné la décision de qualifier les trois types d’avion. Sur quelles bases? «Je ne me souviens plus si j’ai signé ce «bon pour la troupe». Je venais d’entrer en fonction à ce poste et depuis, j’ai été promu chef de la Base logistique de l’armée.» Selon lui, le responsable in fine de la supervision du projet de remplacement des Tiger (TTE) au sein de l’état-major de l’armée n’était autre que le chef de l’armée André Blattmann. Andreas Bölsterli, le prédécesseur de Daniel Baumgartner au poste de chef de la Planification, renvoie également vers le chef de l’armée.

 

Mais il y a plus curieux encore. Ce sont les Forces aériennes elles-mêmes, qui soulignaient les «insuffisances au-delà du seuil de l’acceptable» du Gripen E/F dans leur rapport de novembre, qui ont déposé la demande de qualifier les trois types d’avion «bon pour la troupe» en décembre. «Notre rapport était purement chiffré. Nous avons ensuite fait une première synthèse avec les données d’Armasuisse et d’autres composantes sont venues s’y ajouter», justifie aujourd’hui le chef des Forces aériennes Markus Gygax, avant de jurer qu’il n’a subi aucune pression «de quelque sorte que ce soit.» On souffle qu’il aurait tenté de s’opposer à la qualification de l’avion suédois, ce qui explique cette concession d’importance, qu’Ueli Maurer ne détaille pas non plus: selon plusieurs sources, ce «bon pour la troupe» n’a été accordé au Gripen que sous condition. La condition expresse de subir une nouvelle évaluation. Seulement, trois mois après la décision du Conseil fédéral, cette condition n’est toujours pas remplie. L’EEA n’a toujours pas réévalué les performances militaires du Gripen E/F.

 

«LE MOINS CHER» À VOIR

 

Selon Ueli Maurer, le Gripen est de loin l’avion le moins cher si on le compare à l’Eurofighter ou au Rafale. Que ce soit pour le coût d’acquisition ou pour les coûts opérationnels. Sur le papier, dans un monde parfait, il a sans doute raison. Mais le conseiller fédéral oublie de dire qu’avec ses 98 améliorations agendées (25 pour l’Eurofighter, 11 pour le Rafale), le Gripen E/F pourrait voir ses coûts de fabrication exploser. «Je me fais du souci; le risque technologique est trop grand; j’ai peur qu’on se retrouve dans l’impasse, avec des énormes dépassements de coûts, ce qui aboutirait à un scandale encore plus grand», dit un haut gradé sous couvert de l’anonymat. Comme d’autres, il espère pouvoir répéter ses craintes devant la sous-commission de la politique de sécurité, qui commencera son enquête sur le processus d’évaluation TTE ce mardi. Un document en possession du «Matin Dimanche» confirme que les risques liés au développement du Gripen E/F ont été qualifiés d’élevés. Dans ce nouveau passage du rapport des Forces aériennes de 2009, que nous publions ce dimanche sur Internet, le Gripen MS 21 est noté 2 (risque élevé), alors que l’Eurofighter PE1 obtient la note de 6 (risque moyen) et le Rafale Lot 4 est évalué à 8 (risque faible).

 

Le conseiller fédéral Ueli Maurer et ses cadres estiment que ce risque est tout à fait «maîtrisable». Un peu comme on bidouillerait des voitures. Des voitures pour 3,1 milliards de francs.

 


Infobox

 

 

«BIEN SÛR QU’ON AURA CES AVIONS!»

 

Le ministre de la Défense Ueli Maurer est certain que la Suisse achètera des Gripen. Interview par T. P. et J. W.

 

Le Gripen E/F que vous voulez acheter est-il moins bon en matière de police du ciel et de défense aérienne que le F/A-18 qui équipe les Forces aériennes suisses, comme l’indique le rapport que nous avons publié dimanche dernier?

 

C’est une question à laquelle on ne peut pas répondre comme ça. Nous achetons un avion pour les trente prochaines années. Et sur cette période, le Gripen est de loin meilleur que le F/A-18, car ce dernier n’aura plus de mise à jour. Le Gripen, oui.

 

Oui, mais en ce moment le Gripen semble moins bon. Vous avez annoncé une note de 5,81 pour le Gripen E/F, alors que le benchmark de 6,0 était le F/A-18…

 

Non, le benchmark était un avion pour lequel nous avons défini un cahier des charges.

 

Posons la question autrement: si le Gripen E/F devait avoir des performances moins bonnes que le F/A-18, est-ce que ce serait acceptable pour vous?

 

Je réexplique: le nouvel avion viendra en 2016 ou 2017 et volera pendant trente ans. Durant cette période, il nous faut évaluer le potentiel de progression d’un avion. Dans quatre ou cinq ans, le F/A-18 sera plus vieux et ne bénéficiera plus de mises à jour techniques.

 

A sa livraison en 2016 est-ce que le Gripen sera meilleur que le F/A-18? Pouvez-vous le garantir?

 

Je garantis qu’il le sera sur trente ans.

 

Les Forces aériennes avaient fixé une note minimale de 6,0. Pour vous, dès 4,5, c’est «juste satisfaisant». Pourquoi?

 

Je ne suis pas un technicien, mais je fais confiance aux experts de mon département. Les Forces aériennes confirment que le Gripen remplit le cahier des charges et est bon pour la troupe. Des gens qui ont testé cet avion pendant quatre ans ainsi que la direction de l’armée dans son ensemble arrivent à la conclusion que ce type d’avion suffit.

 

En novembre 2009, les Forces aériennes ont écrit ce rapport très critique. Qu’est-ce qu’il y a eu de nouveau jusqu’au choix du type d’avion en novembre 2011?

 

En 2009, il avait apparemment fallu évaluer beaucoup de choses du point de vue théorique. On a donc introduit un facteur de risque important. Depuis, de nombreux éléments se sont confirmés dans le cadre du programme de développement.

 

Avez-vous l’impression qu’en 2008 et 2009 les Forces aériennes ont fait exprès de noter sévèrement le Gripen pour le descendre?

 

Non. Tout a été mesuré, documenté. Ce processus s’est déroulé proprement, tous les avionneurs l’ont du reste confirmé… au moins jusqu’à l’annonce du choix du type d’avion.

 

Les faiblesses du Gripen, concernant le temps de décollage d’urgence ou l’endurance, ont-elles été corrigées?

 

Nous ne commentons pas ce rapport confidentiel. Encore une fois. Notre base de décision n’était pas ce rapport, mais les rapports d’ensemble successifs, entre 2008 et 2011.

 

Alors pourquoi le tampon «bon pour la troupe» a-t-il été donné un mois seulement après le courrier critique du chef des Forces aériennes, le 23 décembre 2009?

 

Le rapport des Forces aériennes n’était qu’un rapport parmi plusieurs. Vous lui donnez trop d’importance.

 

Les Forces aériennes ont exigé des tests, notamment en matière de police aérienne. Le contrat sera-t-il signé avant que ces tests aient pu être menés?

 

Le contrat sera signé lorsque l’argent nécessaire sera à disposition, quand le Parlement aura approuvé le programme d’armement.

 

Il n’y aura donc pas d’essai en vol avant?

 

Les premiers tests sont prévus en mai en Suède.

 

Et en Suisse?

 

Je ne connais pas la planification détaillée.

 

Politiquement, la situation est assez incertaine. Aura-t-on au final ces avions?

 

Bien sûr qu’on aura ces avions.

 

Quand?

 

Ça dépend du processus politique.

 

Vous êtes confiant?

 

Non, je suis certain.

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