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11 décembre 2012 2 11 /12 /décembre /2012 08:35

Unha-3

 

10.12.2012 Par Edouard Pflimlin et Yann Rozec - Le Monde.fr

 

La Corée du Nord devrait procéder à la mi-décembre à son deuxième tir de missile balistique – une fusée Unha-3 – de l'année, a indiqué samedi 1er décembre l'agence de presse officielle KCNA. Le missile, qui doit théoriquement permettre de mettre sur orbite un satellite, sera lancé entre le 10 et le 22 décembre, a indiqué un porte-parole du comité nord-coréen pour la technologie spatiale.

 

La date de ce nouveau lancement coïncide avec la tenue de l'élection présidentielle en Corée du Sud, fixée au 19 décembre. Elle correspond aussi avec celle des élections législatives anticipées au Japon, le 16 décembre. Le 17 décembre marquera en outre le premier anniversaire de la mort du dirigeant nord-coréen Kim Jong-il, auquel son fils, Kim Jong-un, a succédé.

 

SYSTÈMES DE DÉFENSE ANTIMISSILES ACTIVÉS

 

Si les deux pays, ainsi que leurs alliés, ont réagi fermement sur le plan diplomatique, ils savent aussi que le régime de Pyongyang n'hésite pas à se mettre à dos la communauté internationale, et que les protestations ont peu d'effets sur un régime tyrannique et très fermé. Aussi ont-ils ordonné à leurs forces militaires de se préparer face à cette menace. Pour cela, ils ont activé leurs systèmes de défense antimissiles (ABM).

 

Le ministre de la défense japonais, Satoshi Morimoto, a ainsi ordonné vendredi 7 décembre aux Forces d'autodéfense (appellation de l'armée) de l'Archipel de se tenir prêtes à détruire la fusée si elle menaçait le territoire nippon. Le Japon a préparé des missiles sol-air Patriot PAC 3 sur l'île d'Okinawa (sud) et a déployé trois destroyers équipés du système de radar américain Aegis et de missiles d'interception SM-3.

 

La Corée du Sud a, elle, décidé d'accélérer le déploiement de radars de détection de missiles balistiques de type "Green Pine" achetés à Israël, qui peuvent détecter des missiles jusqu'à 500 km de distance. Séoul déploie aussi deux navires de guerre Aegis équipés du radar SPY-1, qui peuvent détecter des cibles jusqu'à 1 000 km. Enfin, la Corée du Sud prévoit de déployer des systèmes PAC 2 pour intercepter le missile au cas où il changerait de trajectoire et survolerait son territoire. Les Etats-Unis, grand allié du Japon et de Séoul, ont de leur côté envoyé deux destroyers Aegis, l'USS Benfold et l'USS Fitzgerald, équipés de capacités antimissiles balistiques

 

DÉPLOIEMENT NAVAL ET TERRESTRE AU JAPON

 

Les systèmes ABM existants sont développés de plusieurs années, le Japon étant beaucoup plus en avance que la Corée du Sud, même si celle-ci rattrape en partie son retard. Le programme de bouclier antimissile japonais s'est développé en étroite collaboration avec les Etats-Unis. Si cette coopération a commencé dans les années 1980 dans le cadre de l'initiative de défense stratégique (IDS ou "Guerre des étoiles"), c'est l'accroissement de la menace balistique nord-coréenne et, dans une moindre mesure, chinoise qui a conduit à partir de 2004 à un important programme (1 milliard de dollars investis en moyenne chaque année). Il a abouti à la configuration suivante au Japon : le système de défense antimissile mis en place comporte deux niveaux : naval et terrestre.

Le premier déploie quatre destroyers Aegis de la classe Kongo, auxquels s'ajoutent deux plus récents de la classe Atago, équipés de missiles SM-3 (Standard Missile-3), qui ont une capacité d'interception à haute altitude. La portée des missiles est de 1 000 km et ils visent à intercepter des missiles à courte et moyenne portée. En revanche, les SM-3 ne peuvent pas détruire les missiles intercontinentaux (portée supérieure à 5 500 km), que ne possède pas encore la Corée du Nord, mais que Pyongyang souhaite développer. A cela s'adjoint une défense terrestre avec seize systèmes de missiles PAC-3 (Patriot Advance Capability-3), qui opèrent l'interception de missiles ennemis en phase terminale, c'est-à-dire lors de leur entrée dans l'atmosphère.

 

L'ensemble est coordonné par un système de commandement et de contrôle et par un réseau de radars terrestres "et les moyens embarqués sur les destroyers Aegis. La capacité d'alerte est d'autant plus essentielle pour le système de défense antimissile japonais que les temps de vol entre les zones de tir nord-coréennes et le territoire japonais sont de l'ordre de dix minutes", souligne une étude de la Fondation pour la Recherche Stratégique (FRS). L'utilisation d'emplacements de tir situés à proximité de la frontière entre la Corée et la Chine permettrait à l'armée populaire de libération d'atteindre l'ensemble de l'archipel en moins de quinze minutes. Malgré ces temps de réaction très courts, la FRS estime que le système serait efficace avec un taux de succès élevé.

 

UN EFFORT DE MODERNISATION EN CORÉE DU SUD

 

La République de Corée a, elle, conduit progressivement un effort de modernisation de ses moyens de défense aérienne qui vise, entre autres, à disposer d'une capacité antibalistique autonome : la Korea's Air and Missile Defense (KAMD). Le projet de modernisation des moyens de défense anti-aérienne du pays a débuté au milieu des années 1990, afin de remplacer à l'horizon 2010 les systèmes vieillissants Nike.

 

La capacité antimissile disponible aujourd'hui comprend des moyens d'alerte, un système de commandement et de contrôle et des intercepteurs adaptés à une menace constituée de missiles de courte et de moyenne portées. Il s'agit essentiellement de 8 batteries de 48 lanceurs PAC-2 achetés à l'Allemagne. Par ailleurs, la Corée du Sud possède des destroyers Aegis, dérivés des destroyers Arleigh Burke américains. Ils abritent un système de défense aérienne Aegis, capable de suivre 1 000 objets et d'engager simultanément une vingtaine de cibles.

 

Compte tenu des temps de réaction à des tirs de missiles nord-coréens, de l'ordre de quelques minutes, la Corée du Sud devrait compter avec les moyens américains en matière de défense antimissiles. La FRS souligne que : "Si l'ensemble des moyens était utilisé, [le système sud-coréen] permettrait d'engager une demi-douzaine de salves de missiles SCUD-B et SCUD-C, ce qui permettrait d'accroître la protection des agglomérations et bases militaires de façon significative pendant 2-3 jours (en supposant deux salves par jour). En revanche, utilisées seules, les capacités sud-coréennes permettraient au mieux de protéger les zones concernées contre une première salve."

 

LE JAPON LIMITÉ AUX ARMES DÉFENSIVES

 

Si le Japon et la Corée du Sud ont tout deux adopté des ABM, leurs attitudes sont en réalité assez différentes. Le Japon, contraint par sa Constitution de se limiter aux armes défensives, développe fortement son système ABM et coopère avec les Etats-Unis pour le développement du SM3. Les deux pays développent conjointement le SM3 Block IIA avec le missilier Raytheon, dans le cadre d'un contrat de 925 millions de dollars. Le nouveau missile dispose de capacités d'interception améliorées et devrait être opérationnel en 2018.

 

Cependant, les systèmes de surveillance actuels ne permettent pas une détection totale, avec une zone non couverte au niveau de la basse altitude. Ainsi, ni le radar américain d'alerte avancé en bande X implanté sur la base de Shariki (dans le nord de l'île principale du Japon, Honshu) ni les destroyers Aegis de type Kongo n'ont pu détecter la précédente tentative de tir de fusée nord-coréenne, le 13 avril 2012, le missile n'ayant pas atteint une altitude suffisante pour être repéré.

 

Un deuxième radar à bande X va donc être déployé par les Américains dans l'Archipel. Mais afin d'être plus autonome, le ministère de la défense japonais a lancé le 5 novembre un programme pour le développement d'un drone de détection des missiles balistiques. Plutôt qu'un satellite d'observation, le choix du drone s'explique par sa capacité à détecter, dès le lancement, un missile balistique, ce qu'un satellite peut difficilement faire. Cette détection précoce facilite l'interception. Volant à une altitude de 13 500 m, avec une autonomie de 22 heures, il devra être capable de détecter, même à basse altitude, les lancements de missiles balistiques et permettrait peut être de repérer également les missiles de croisière.

 

CAPACITÉ DE DISSUASION RENFORCÉE EN CORÉE DU SUD

 

A l'inverse, la Corée du Sud adopte une approche double, basée d'une part sur une défense antimissile balistique crédible, aux moyens importants, mais restant hors du système américain, et d'autre par sur un accroissement de la portée de ses missiles balistiques, ce qui permet d'obtenir une capacité de dissuasion conventionnelle forte, et à même de faire réfléchir la Corée du Nord.

 

Le refus d'intégrer le système américain a été justifié par l'intérêt sud-coréen de se concentrer sur les missiles ayant une portée comprise entre 500 et 1 000 km, la faible distance séparant les deux Corées rendant irréalisables les interceptions exo-atmosphériques. Séoul évite ainsi de froisser son puissant voisin chinois, qui voit d'un mauvais œil le bouclier américain se développer tout autour d'elle. Depuis 2001, la Corée du Sud avait accepté de limiter la portée de ses missiles en deçà de 300 km. Cependant, face aux provocations multiples de la Corée du Nord, Séoul a renégocié avec Washington ce pacte et est parvenu, le 7 octobre 2012, à un accord accroissant la portée à 800 km – avec une charge de 500 kg–, ce qui lui permet de frapper l'ensemble du territoire nord-coréen. Par ailleurs, en avril, la Corée du Sud a confirmé avoir déployé un nouveau missile de croisière moins rapide et plus facile à intercepter qu'un missile balistique, le Hyunmoo-3, ayant un rayon d'action de 1 500 km.

 

La Corée du Sud semble ainsi durcir sa position face la Corée du Nord afin de la contraindre à la négociation et à l'arrêt de son programme nucléaire. Le résultat des élections au Japon et en Corée du Sud, marquées par la diffusion des idées nationalistes, pourrait conduire à un renforcement de ces systèmes d'armes, et plus généralement de la course aux armements, accroissant les risques d'instabilité dans une région déjà fragile...

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