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17 juillet 2011 7 17 /07 /juillet /2011 18:35

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15 juillet 2011 Vincent DESPORTES Officier, Général de division - MAGISTRO

 

Paru dans Le Figaro, 8 juillet 2011

 

Qu’on le veuille ou non, depuis la nuit des temps, les valeurs ne valent que par la puissance qui les porte. Au reflux de cette puissance correspondent le repli des valeurs et les avancées concurrentes d’autres systèmes de pensée.

Or, force est aujourd’hui de constater que la question de l’organisation du monde autour des nouvelles sources de puissance va très vite se trouver posée, d’autant que l’engagement long des Etats-Unis – et des coalitions par eux entraînées – dans les guerres irakiennes et afghanes a définitivement clos le "moment unipolaire" et accéléré le déclin des puissances occidentales.

 

Le poids relatif de l’Occident, donc sa légitimité à réguler le monde et à y imposer sa volonté, reposait sur le triptyque "puissance démographique-puissance économique- puissance militaire". Les avancées technologiques ont permis jusqu’alors de compenser notre déclin démographique relatif, mais leur diffusion accélérée annule cet avantage comparatif : ainsi, la mondialisation redonne tout son poids au critère démographique, ce qui nous affaiblit chaque jour davantage. La force, l’influence, reviennent au nombre et nous en manquons. La puissance économique bascule inexorablement, elle aussi, vers l’Asie, au rythme des crises économiques ou financières que nous n’avons pas su maîtriser.

 

Par souci d’équilibre budgétaire, ces crises influent directement à la baisse sur les capacités de nos forces armées et affectent le dernier volet de la puissance, le volet militaire, que nous avions su préserver jusqu’à la fin du XXème siècle. Les projections de dépenses ne laissent aucune illusion : elles confirment la loi d’airain qui veut que l’équilibre militaire du monde finisse toujours par rejoindre son équilibre économique. Les chiffres récemment publiés par le Jane’s (N°16-2011) sont explicites. La planète se partage désormais en deux parties très inégales : celle qui "désarme" - c’est l’Occident au sens large -, et celle, beaucoup plus vaste, qui "réarme" : le reste du monde, et en particulier les grands pays que l’on appelait naguère émergents. Dans quatre ans, les dépenses militaires des Etats-Unis ne représenteront "plus" que 42% des dépenses mondiales pour plus de 50% actuellement. Celles de l’Europe tomberont à 16%, c’est à dire quasiment le niveau qu’aura alors atteint la Chine (15% pour 5% aujourd’hui). En parallèle, la Russie sera passée de 2,75% à 4,75%, l’Asie du Sud (Inde+Pakistan) de 2 à 4% et l’Amérique du Sud de 2 à 5%. Sur cette période, les budgets militaires des BRIC (Brésil, Russie, Inde et Chine) auront augmenté de 150 % alors que les dépenses mondiales seront restées globalement stables.

 

Ce nouvel équilibre dans l’évolution des dépenses militaires s’aggrave encore de la divergence de plus en plus marquée – en Irak en Afghanistan, en Libye peut-être demain – entre la puissance militaire théorique des Etats occidentaux et leur capacité à produire de l’efficacité technique, puis politique. Leur image dans le monde s’en dévalue d’autant : ils perdent ainsi, inexorablement, leur capacité de dissuasion, de persuasion, d’imposition.

 

Quelle que soit l’habileté tactique de leurs forces armées, les Etats Occidentaux voient ainsi disparaître progressivement un de leurs avantages comparatifs essentiels : leur capacité à imposer leur volonté, donc leurs visions et leurs valeurs, par la force… ou, indirectement, par l’influence, elle-même appuyée par la force. Cette dérive laisse émerger des puissances alternatives qui les concurrencent aujourd’hui dans maints domaines et prétendent toujours davantage à réguler des espaces géographiques élargis.

 

Reste à savoir ce que l’on veut. Pour une nation, ou un groupe de nations, l’outil de défense est toujours le reflet des ambitions internationales. Choisirons-nous de subordonner les nôtres aux seules logiques budgétaires, ou bien, de manière plus responsable dans un univers probablement plus dangereux demain qu’il ne l’est aujourd’hui, refuserons-nous d’admettre le déclassement stratégique du monde occidental, et partant, l’effacement de nos valeurs ?

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