Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
18 janvier 2013 5 18 /01 /janvier /2013 12:45

http://www.defense.gouv.fr/var/dicod/storage/images/base-de-medias/images/operations/mali/120115-operation-serval-point-de-situation-du-15-janvier-2012/point-de-situation-du-15-janvier-2012-3/2137810-3-fre-FR/point-de-situation-du-15-janvier-2012-3.jpg

photo EMA

 

17.01.2013 Par Frédéric Pons- VA

 

Afrique. Face aux réalités africaines, François Hollande a dû revenir sur certains de ses choix initiaux. Il y avait urgence. Un long combat commence.

 

Courageuse, nécessaire, risquée : l’opération que François Hollande a ordonnée au Mali, le vendredi 11 janvier, s’est faite « dans une situation de gravité », à l’appel des autorités maliennes. Il fallait frapper vite, fort et loin pour empêcher une nouvelle progression des rebelles, qui menaçaient de déstabiliser tout le pays et, au-delà, l’ensemble du Sahel.

 

Des Mirage français partis du Tchad, à 2 000 kilomètres à l’est, et des Rafale venus de France, à 5 000 kilomètres au nord, ont mené des raids puissants sur la ligne de front, puis dans la profondeur du territoire occupé par les rebelles. Ils ont dû se replier, se disperser et faire entrer dans la bataille des groupes armés déployés aux confins mauritano-maliens.

 

À travers cette opération Serval, la France confirme qu’elle a choisi de s’engager « dans un combat sans merci contre le terrorisme, où qu’il se trouve » et quels que soient les risques. C’est le cas au Mali, face aux groupes djihadistes (étrangers) et à leurs alliés touaregs (maliens). Leur progression vers le sud vient d’être stoppée mais leur pugnacité et leur armement, dont une partie provient de stocks pillés en Libye après la chute de Kadhafi, ont surpris. Le lieutenant Damien Boiteux, pilote d’un hélicoptère d’attaque Gazelle, en a payé le prix, premier mort français de l’opération Serval.

 

La France mène aussi le combat à l’extrémité orientale de l’Afrique, en Somalie, où la tentative de récupération de Denis Allex, agent de la DGSE pris en otage le 14 juillet 2009, a échoué, dans la nuit du 11 au 12 janvier. Conduit face à des combattants islamistes aguerris, ce raid audacieux aurait entraîné la mort d’Allex et de deux soldats de la DGSE.

 

Au Mali, la vie des huit otages français détenus par des groupes islamistes est menacée en permanence. Le chantage exercé par leurs geôliers pouvait dissuader l’Élysée de tenter quoi que ce soit dans la région, tout autant que les réticences répétées de l’Algérie de voir la France s’engager dans son arrière-cour. Ces deux incertitudes ont été levées par la décision du chef de l’État d’engager le feu.

 

Un homme l’aura plus particulièrement conseillé dans cette prise de risques : le général Benoît Puga, son chef d’état-major particulier, familier de ces crises africaines. Il l’accompagnait lors de sa visite d’État en Algérie, les 19 et 20 décembre dernier. Tous deux avaient prévenu les Algériens de la détermination de la France à intervenir en cas d’aggravation de la situation. Alger semble avoir compris le message, autorisant même le transit d’avions militaires français dans son espace aérien, ce qui n’est pas dans ses habitudes.

 

C’est à l’abri de leur hypothétique “assurance vie” ancrée sur la sécurité des otages français que les groupes islamistes et rebelles maliens du Nord ont cru pouvoir reprendre leur offensive, avec un objectif majeur : s’emparer de l’aéroport de Sévaré-Mopti, la seule plate-forme de ce type dans la région, à partir de laquelle ils pouvaient se ruer vers Bamako, la capitale, à partir de leurs bases du Nord-Est (dans la zone montagneuse de l’adrar des Ifoghas, à la frontière de l’Algérie, où sont très probablement retenus les otages français).

 

Les islamistes ont su exploiter une erreur regrettable, due aux choix initiaux de l’Élysée. Confronté à des décisions difficiles après la prise de contrôle du nord du Mali, en mars 2012, par les rebelles et des djihadistes venus d’Algérie, du Niger et de Libye, François Hollande avait d’abord choisi de ne pas intervenir, soucieux de rompre avec « les habitudes de la Françafrique », mélange de paternalisme politique et d’interventionnisme militaire que la gauche condamnait depuis des années. Pour ne pas risquer de procès en néocolonialisme — ce que font aujourd’hui Noël Mamère et Jean-Luc Mélenchon —, le président de la République s’était replié sur l’option la moins contraignante mais la plus lente : la constitution d’une force interafricaine de soutien au Mali, sous la tutelle de l’Onu et soutenue par l’expertise française en gestion de crise. Quelques pays de la Cédéao (Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest) avaient accepté de mettre sur pied une force de 3 300 hommes.

 

Hollande avait fixé des limites impératives à l’engagement de la France : aucun soldat français au sol, un soutien logistique discret, la priorité donnée à des taches de formation, dans le cadre d’une mission européenne… Ce faisant, il tournait le dos à la réalité, favorisant sans le vouloir les plans des rebelles, encouragés par cette posture française de retrait.

 

Cette “nouvelle politique africaine” de la France a très vite montré ses limites. Comme le redoutaient les bons connaisseurs de l’Afrique — notamment dans les armées —, la mobilisation des pays de la Cédéao s’est révélée très lente, au rythme des querelles de susceptibilités entre voisins, au gré des négociations parfois sordides sur la “récompense” attendue pour s’engager, avec les lourdeurs liées au manque chronique de capacités d’organisation et de planification dont font preuve trop de pays africains.

 

En décembre dernier, personne n’espérait de déploiement effectif avant le mois de septembre prochain, au lendemain de la saison des pluies. Les plus pessimistes évoquaient plutôt l’hiver 2013-2014. À cela s’ajoutaient les inévitables délais politiques et militaires dus à l’implication de l’Union européenne. Beaucoup se faisaient prier pour envoyer leurs instructeurs dans ce Sahel hostile. À l’instar des États-Unis, très critiques sur le plan français, ils estimaient que ce dossier était d’abord celui de la France, responsable de son ancien pré carré colonial.

 

Bien informés, les rebelles et les djihadistes ont voulu profiter des choix minimalistes de la France, des lenteurs de l’opération africaine, du faible allant européen, des critiques américaines et des réticences algériennes. Bien armés, ils ont tenté de forcer le passage vers le sud, afin de prendre des gages sur le terrain avant la saison des pluies qui, dans cette région où le fleuve Niger se disperse en de nombreux bras, va interdire tout déploiement terrestre ambitieux pendant de longues semaines. Ils savaient qu’en prenant le contrôle de la plate-forme aérienne de Sévaré-Mopti ils pouvaient compliquer sérieusement le déploiement de la force interafricaine et la remise en ordre de bataille de l’armée malienne.

 

Bien renseignés, les rebelles avaient constaté aussi le vide militaire laissé devant eux, une aberration tactique… Avant même de vouloir déployer des renforts maliens, il fallait en effet contenir toute nouvelle poussée rebelle en établissant une ligne de défense suffisamment forte. Cela n’avait pas été fait.

 

Sans pouvoir envoyer d’unités sur le terrain, sur ordre de l’Élysée, l’état-major français avait quand même anticipé les risques, ce qui explique la rapidité du déploiement des renforts acheminés à Bamako et à Mopti. En attendant l’arrivée des contingents africains, il faudra probablement déployer des soldats français au sol, pour préserver les acquis des frappes aériennes et faire face à d’éventuels raids rebelles. Près de 2 500 soldats français devraient finalement être mobilisés au Mali.

 

Les rebelles se trouvent à leur tour pénalisés par la nature du terrain. Le réseau hydrographique de cette région concentre le trafic routier. Pour franchir vers le sud les innombrables bras du fleuve Niger, il faut utiliser des bacs. Chaque point de passage est devenu un “stand de tir”. Une vingtaine de pick-up Toyota auraient été détruits en trois jours. En général, une quinzaine de rebelles s’entassent à bord. Du côté des islamistes, les bilans sont donc lourds. Ils promettent une “vengeance terrible”. Le combat s’annonce long et sans merci.

Partager cet article
Repost0

commentaires

Présentation

  • : RP Defense
  • : Web review defence industry - Revue du web industrie de défense - company information - news in France, Europe and elsewhere ...
  • Contact

Recherche

Articles Récents

Categories