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1 novembre 2015 7 01 /11 /novembre /2015 12:55
La dernière bataille de France (éd. Gallimard).

La dernière bataille de France (éd. Gallimard).

 

26 oct. 2015 Vincent Lamigeon - Supersonique

 

Un brûlot, doublé d’un cri d’alarme. Vincent Desportes, général de division de l’armée de terre et indéfectible libre-penseur de la chose militaire, publie ce jeudi 29 octobre un livre au titre éloquent : La dernière bataille de France (éd. Gallimard). Tout part d’un constat : jamais l’armée française n’a été mobilisée sur autant de fronts, y compris sur le territoire national avec l’opération Sentinelle ; pourtant,  les moyens qui lui sont alloués sont en constante diminution depuis 25 ans : 3% du PIB en 1982, 1,7% en 2011, 1,44% en 2015. « Réveillons-nous, écrit Vincent Desportes. Ce n’est pas parce que l’Europe est en paix depuis 70 ans que cela durera ».

 

Face à la multiplication des menaces (en Afrique, au Moyen-Orient, mais aussi sur le territoire national), la France et l’Europe continuent de désarmer, déplore l’auteur. Qui qualifie même les lois de programmation militaire successives (LPM) de « lois de déprogrammation militaire » : « De 1982 à 2014, le PIB a crû annuellement de 1,8% en moyenne, contre 0,15% pour le budget de défense, écrit le général Desportes. Il s’agit donc bien d’un redéploiement de la dépense publique au détriment de l’effort de défense. »

 

Vincent Desportes frappe tout aussi fort sur le « mépris » des politiques vis-à-vis des armées, symbolisé par la suppression de 63 000 postes entre 2009 et 2019 malgré la légère inflexion de l’actualisation de la LPM, que l’auteur salue comme un premier pas. « Aucune autre administration n’a connu depuis vingt-cinq ans une telle diminution de crédits, aucune n’a subi autant de réformes au détriment de l’efficacité : tout cela sans manifester bruyamment, sans bloquer le pays, et en poursuivant au mieux les missions de défense. »

 

La France ne doit pas compter sur le soutien américain pour pallier ses lacunes militaires, estime Vincent Desportes, pour qui « le soldat Ryan ne viendra plus ». Les Etats-Unis, au « leadership de plus en plus vacillant », se détournent de l’Atlantique pour se réorienter vers le Pacifique.  L’OTAN ? Elle n’est « pas inutile », mais « elle donne aux Européens un faux sentiment de sécurité, une bonne excuse pour renoncer à leurs propres moyens de défense ». La défense européenne ? Elle est aujourd’hui « dans le coma », plombée par l’hétérogénéité  politique, économique, géostratégique des Etats. « La démarche des petits pas ne fonctionne pas », estime Vincent Desportes, pour qui « l’addition des faiblesses n’a jamais créé la force ».

 

La conclusion du général Desportes est terrible : « La France doit le savoir : elle n’est plus défendue ». La France doit donc réinvestir dans sa défense, et d’urgence, estime l’auteur, qui fait sien l’adage bismarckien, pour qui « la diplomatie sans les armes, c’est la musique sans les instruments ». Pas de soft power sans hard power. Pas de place au conseil de sécurité pour la France, qui « ne va pas de soi aujourd’hui », sans puissance militaire affirmée.

 

Que faire ? Remonter à un niveau de dépenses militaires de 3% en 2025, écrit Vincent Desportes. En finir avec l’illusion du « technologisme », qui aboutit à des armements ultrasophistiqués, ruineux et à l’efficacité contestable face aux menaces asymétriques actuelles. Et revenir sur la sanctuarisation de la dissuasion nucléaire (3,5 milliards d’euros par an environ), qui a des « angles morts » et «[réduit] dangereusement nos capacités conventionnelles ».

 

L’auteur, qui s’était déjà largement exprimé sur le sujet, critique ainsi la composante aéroportée de la dissuasion (par avion d’armes, depuis une base ou le porte-avions) et le principe de « permanence à la mer » (au moins un sous-marin lanceur d’engin en position de tirer ses missiles balistiques). D’où des questions qui fâchent : « Etre capable de raser Pékin est-il d’un intérêt stratégique pour nous ? […] Quelle menace dissuaderions-nous avec 300 têtes [nucléaires] que nous ne dissuaderions pas avec 150 ? »

 

Comme les précédentes prises de positions du général Desportes, le livre risque d’en agacer plus d’un  à l’hôtel de Brienne et à Balard, tant l’attaque est rude à l’endroit des politiques, mais aussi des chefs militaires jugés trop timorés. Mais l’ouvrage a l’immense mérite de dresser un état des lieux largement partagé dans les armées, sans que celles-ci puissent vraiment en faire état.

 

La dernière bataille de France, Vincent Desportes (éd. Gallimard), 21 euros, à paraître le 29 octobre

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