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15 mars 2012 4 15 /03 /mars /2012 21:53

National Emblem of the People's Republic of China.svg

 

15/03/2012 Frédéric Pons - valeursactuelles.com

 

Soldats chinois à l'entraînementLa Chine investit massivement dans ses forces armées. Elle s’ouvre aussi à la communication pour rassurer le monde. Reportage à Pékin, Shanghai et Nankin.

 

« Désirez-vous leur donner l’ordre de commencer ? » me demande aimablement le colonel Liu Ba Oqan, commandant adjoint de la 179e brigade motorisée. Surpris, j’accepte, bien sûr. Au garde-à-vous, ainsi que l’exige l’usage militaire, je saisis le micro : « Compagnie de reconnaissance du 2e bataillon, à mon commandement ! Commencez l’exercice! » Les haut-parleurs dirigés vers les 150 soldats d’élite crachent mon ordre, traduit par le commandant Liu Tao. Tirs de précision, gymnastique militaire, maniement de baïonnette, assaut d’un village ennemi : la démonstration doit prouver la qualité opérationnelle de cette brigade motorisée, fierté de la ville de Nankin, à une heure de TGV au nord de Shanghai.

 

Je savoure le thé vert offert par le colonel et cette faveur rare pour un Occidental : pouvoir donner un ordre à l’avant-garde de cette “armée populaire de libération” (APL) de 2,3 millions d’hommes, la plus grande force militaire du monde, dont les capacités, mal connues mais supposées immenses, inquiètent tout le Sud-Est asiatique.

 

Ce geste courtois et ces belles marques d’hospitalité confirment la politique d’ouverture de la défense chinoise. « Nous voulons communiquer pour mieux nous adapter au monde moderne », disent les officiers, dans une belle unanimité, dont les éléments de langage sont verrouillés à chaque niveau par les commissaires politiques. En résumé : « Nous sommes une force pacifique au service du peuple et de la paix. »

 

Le mot clé est modernisation. « Nous avons la double mission de réaliser la mécanisation et l’informatisation de la Défense nationale, de pair avec celles du pays tout entier, explique le colonel Geng Yansheng, porte-parole de l’APL. Nos capacités actuelles ne sont pas à la hauteur des défis de sécurité, dans un environnement international porteur d’incertitudes et d’instabilité. La croissance rationnelle et raisonnable des budgets sera maintenue. »

 

Ce travail de modernisation se vérifie à Nankin, l’ancienne “capitale du Sud”, au sein de la brigade Linfen, du nom d’une bataille de 72 jours et 72 nuits en 1948. Cette “brigade de l’infanterie glorieuse”, unité amphibie de 4 800 hommes, est montrée avec fierté aux étrangers de passage. Richement dotée, elle bénéficie d’équipements neufs et de tenues de combat plus modernes que les sacs informes que portent encore la majorité des soldats chinois.

 

Ce n’est pas la réalité de toute l’armée. Les matériels et les véhicules qu’on nous montre sont trop neufs. Un attaché de défense le confirme : « Cette brigade d’élite est d’abord une vitrine de la nouvelle APL. » Le maniement des kalachnikovs, baïonnette au canon, digne du grand cirque de Pékin, et le spectaculaire exercice de corps à corps, agrémenté de plongeons et de roulades dans un grand bac à sable, confirment cette vocation démonstrative.

 

« Sha ! Sha ! Sha ! » Les commandos amis – la “force rouge” – se ruent en hurlant à l’assaut de l’ennemi – la “force bleue” – , retranché dans le village d’exercice. Les éclaireurs “rouges” grimpent comme des chats sur la façade d’un immeuble, à l’aide d’immenses bambous qui évoquent des films de kung-fu médiéval. Explosions, fumées, hur lements sauvages. « Sha! Sha! » Je demande la traduction. Traduction, après un court conciliabule : « Cela signifie : “Tuez ! Tuez ! » Dans cette “armée au service de la paix”, les fondamentaux de l’entraînement commando sont les mêmes qu’ailleurs…

 

À 200 mètres, les cibles dégringolent les unes après les autres, éliminées par des tireurs d’élite. Les emplacements du pas de tir doivent être connus au centimètre près. Le show est parfait. Je me montre dubitatif. Vexé, le colonel me demande de désigner n’importe quelle cible à n’importe quel tireur. Le soldat de 1re classe Wan Hwe, 21ans, deux ans d’armée, fait mouche aussitôt. Il est gris d’émotion quand je le félicite. « Ils s’entraînent beaucoup, près de 132 jours de terrain, dont 20 % de nuit et un mois d’exercice amphibie », sourit fièrement son colonel de 38 ans, sanglé dans une tenue impeccable – treillis moucheté et casque ergonomique – , d’une ressemblance frappante avec les treillis américains. « Nous assurons aussi 400 heures de pédagogie politique par an », ajoute le colonel Zhang Zhi Zeng, le camarade commissaire politique.

 

Comme toute l’armée chinoise, ces militaires passent beaucoup de temps à travailler la terre. Chaque installation de l’APL possède ses propres cultures vivrières. C’est une tradition révolutionnaire autant qu’une nécessité. « Ce la sert à améliorer nos conditions de vie, sans peser sur le budget de l’État », explique le commissaire politique. L’APL est une grande entreprise aux productions variées. Même si elle a abandonné depuis 1998 les investissements dans le civil, elle pèse encore 10 % de l’économie chinoise, notamment dans la “reconstruction économique intérieure”.

 

« La mission essentielle de l’armée de l’air chinoise est de protéger le pays et de soutenir son développement économique, en participant à sa construction », confirme le colonel Yan Feng, de la 24e division aérienne de Tianjin. Ses aviateurs ne font pas que planter des choux, ramasser des pommes de terre ou porter secours aux populations sinistrées, comme lors du tremblement de terre du Sichuan. Ils s’entraînent aussi au combat : « 120 heures de vol par mois ». Lui-même pilote chevronné (3 700 heures de vol), le colonel refuse d’en dire plus : « La transparence militaire ne doit pas être absolue pour ne pas porter atteinte à la sécurité de l’État… » Attentif et impénétrable, le commissaire politique boit son thé à petites gorgées bruyantes.

 

Deux chasseurs J-10 en livrée bleu ciel sont présentés sur le tarmac immense et vide de cette base vouée à la défense aérienne de Pékin et du nord de la Chine, dans un rayon de 1000 kilomètres. Entré en service en mars 2003, le J-10 est le fleuron de l’aviation chinoise. On ne verra pas de pilote mais deux jeunes mécaniciens sont au garde-à-vous au pied de l’avion, tétanisés devant ces étrangers qui osent ausculter le J-10 sous toutes ses soudures. Il y a encore trois ans, photographier le J-10 était puni de prison. Le colonel Feng sourit. Il dit son admiration pour le Rafale français qu’il préfère à l’Eurofighter européen : « Mais il nous faut un avion fabriqué par la Chine. En cas de conflit, nous sommes ainsi sûrs de ne pas manquer de pièces détachées. »

 

C’est du côté de la marine que l’effort de modernisation est le plus grand, le plus évident, avec l’entrée en service du premier porte-avions chinois l’été dernier. La Chine était alors le seul membre permanent du Conseil de sécurité de l’Onu à ne pas avoir de flotte stratégique. Le rattrapage est en cours. Commencée à la fin des années 1980, cette montée en puissance rompt avec une tradition qui donnait la priorité aux forces terrestres. La marine chinoise a réussi son premier “tour du monde” en 2002, changeant la donne régionale. « La Chine passe d’une marine de cabotage à une marine de haute mer, pour le contrôle de zone et l’intervention », souligne un attaché de défense à Pékin.

 

La base navale Wusong assure le soutien de la flotte affectée en “mer de l’Est”. Le nombre de bâtiments de guerre en service dans cette zone est “secret défense” mais la frégate lance-missiles n° 539 Anqing en fait partie. Ce bâtiment lourd de 2 400 tonnes est à quai. Son équipage (150 marins), en tenue impeccable, nous attend, aux ordres du pacha, le capitaine de vaisseau Zhao Bi Fei, 35ans.

 

« Nous faisons entre 180 et 200 jours de mer par an. » Faut-il le croire ? L’officier aligne les chiffres et semble réciter le Livre blanc sur la défense chinoise de mars 2011. Sa frégate paraît trop neuve. « Elle a été repeinte l’an dernier ! » À regarder de près, on ne voit aucune trace d’usure mécanique, ni sur les tubes de roquette ni sur les saisines d’hélicoptère. La salle d’opérations ressemble à un décor d’exposition navale et les sièges sortent à peine de leur housse de livraison. « Ce bateau n’a pas navigué depuis longtemps », me confie plus tard un attaché naval, amusé.

 

Le porte-avions “Shi-Lang” va “projeter” la puissance chinoise

 

Avec sa technologie de la fin des années1980 et une activité opérationnelle probablement très réduite, la frégate Anqing illustre l’état actuel de la flotte chinoise : matériels rustiques, capacités limitées. Fierté de tous, le porte-avions Shi-Lang est le symbole du grand bond en avant de l’armée chinoise. Mis sur cale en 1985 en Ukraine, entré en service dans la marine russe en 1991, l’ancien Admiral-Kouznetsov fut racheté par la Chine en 2000. Ce bâtiment de 60000 tonnes à pleine charge (304 mètres de long), capable d’accueillir 22 avions, sert pour l’instant de plate-forme d’essais. Aucun étranger ne peut encore le voir. Le Shi-Lang annonce pourtant la nouvelle ambition océanique des Chinois, leur volonté de “projection de puissance”. Deux autres porte-avions devraient être commandés.

 

La Chine donne la priorité à la sécurité de son immense zone maritime (3 millions de kilomètres carrés), avec une attention toute particulière pour la mer de l’Est, 950000 kilomètres carrés, qui borde Shanghai, capitale de la région la plus peuplée (280 millions d’habitants) et la plus riche (un tiers de la richesse du pays). Dans cette zone traditionnelle de trafics et de contrebande, au débouché de l’immense fleuve Yang-tseu-kiang, les moyens semblent dérisoires. Les officiers chinois le reconnaissent, à demi-mot : « Nous devons veiller sur 6800 kilomètres de lignes côtières et sur 4600 îles. »

 

La zone la plus sensible est plus au sud, vers le petit archipel des Spratly (Nansha pour les Chinois), en mer de Chine méridionale. Ces “cailloux” riches en hydrocarbures sont contestés à la Chine par le Viêtnam, les Philippines, Taiwan. Le Global Times de Pékin, propriété du Quotidien du peuple, le journal du Parti communiste chinois, a prévenu tout le monde : « Si ces pays ne changent pas de comportement vis-à-vis de la Chine, ils vont devoir se préparer au son du canon. Cela pourrait être le seul moyen de résoudre nos disputes maritimes. »

 

Au-delà de leurs frontières, les Chinois veillent à la sécurité de leurs voies maritimes. Les marins racontent avec fierté leur lutte contre la piraterie au large d’Aden, engagée depuis 2008. Leur présence au débouché pétrolier du golfe Persique sécurise leurs approvisionnements énergétiques, malgré des capacités qui restent limitées. « Ils sont passés de la pataugeoire au grand bain sans enlever leurs bouées », sourit un expert.

 

À l’état-major, le colonel Geng Yansheng insiste sur cette présence nouvelle de militaires chinois dans les zones de crise. La première intervention extérieure remonte à avril 1990, au Moyen-Orient, avec cinq observateurs. Depuis, 18 000 soldats chinois ont servi dans une vingtaine d’opérations de paix, en Irak et au Koweït, au Liban et au Cambodge, en Afrique, dans les Balkans, en Afghanistan. « Nous ne cherchons aucun intérêt de puissance, rassure le colonel. Notre politique est axée sur le développement pacifique, et notre stratégie de défense et de contre-attaque en légitime défense refuse l’hégémonisme et l’expansion militaire. »

 

Cette “armée du besoin” doit d’abord protéger les 22 000 kilomètres de frontières terrestres et les 18 000 kilomètres de frontières maritimes du pays. La sécurité intérieure reste la priorité absolue. « Le rôle de l’armée est de maintenir l’ordre social et de protéger le peuple, rappelle le colonel Yansheng. Il existe des menaces très sérieuses… comme les forces sécessionnistes. » Où ? Au Tibet, au Xinjiang et aussi à Taiwan.

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