C'est l'histoire d'une comédie un peu déjantée comme Hollywood en a le secret qui vire au plus terrifiant des scénarios. Pour avoir osé se moquer du dernier régime totalitaire de la planète, en imaginant une fin sanguinolente avec la tête du président Kim Jong-un qui explose, le studio producteur, Sony Pictures, a été mis à genoux en un temps record par l'arme de la cyberguerre. Ce n'est pas la première fois qu'un régime tyrannique est dénigré au cinéma. Le Dictateur de Charlie Chaplin ne ridiculisait-il pas le chancelier Hitler dès 1940? En promettant aux circuits de distribution de L'Interview qui tue! de vivre un événement comparable au 11-Septembre s'ils projetaient le film, les hackers et leurs commanditaires se sont bien livrés à du terrorisme. Pas seulement sur Sony, mais aussi sur les spectateurs potentiels de cette comédie.
Très nuisible Corée du Nord
En cautionnant ce hacking géant contre Sony, les autorités de Corée du Nord ne font qu'illustrer leur hallucinante capacité de nuisance. Vladimir Poutine vient d'inviter Kim Jong-un à se rendre à Moscou pour le 70e anniversaire de la victoire sur l'Allemagne nazie. Il offre là au dictateur nord-coréen la première occasion en quatre ans de sortir de son isolement international.
Cet événement considérable pose deux questions majeures. D'abord, celle de la résistance à une entreprise de terreur. Sony a refusé de sortir le film par peur des représailles sur le grand public, ce qui est légitime. Mais en finissant par admettre que l'œuvre serait diffusée par d'autres moyens, le PDG de Sony a compris la nécessité de ne pas céder au chantage. Ensuite, celle de la riposte d'État. Barack Obama a promis des représailles à la Corée du Nord, cet État qui dispose d'une armée de hackers mais dont la population est la moins connectée du monde.
Dans une interview accordée à l'émission State of the Union sur CNN et diffusée dimanche, Barack Obama a dit envisager de remettre la Corée du Nord sur la liste américaine des Etats soutenant le terrorisme. Pyongyang avait été retiré de cette liste en 2008, dans laquelle figurent encore l'Iran, le Soudan, la Syrie et Cuba. "Nos critères pour dire qu'un Etat soutient le terrorisme sont très claires. Nous n'émettons pas ces jugements uniquement sur la base des événements du jour", a expliqué le président des Etats-Unis. La Corée du Nord a été retirée de la liste américaine des Etats soutenant le terrorisme en 2008.
"Nous sommes dans une nouvelle ère de la dissuasion", commente un diplomate face à la réalité de la cyberguerre quotidienne. Sauf qu'il s'agit désormais de ne plus seulement défendre ses intérêts stratégiques mais la liberté tout court.