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10 janvier 2014 5 10 /01 /janvier /2014 12:30
Le groupe islamiste qui terrorise le Moyen-Orient

 

9 janvier 2014 Arnaud Focraud (avec M.B.) - leJDD.fr

 

DÉCRYPTAGE - Créé il y a moins d'un an, l'Etat islamique en Irak et au Levant (EIIL) est devenu un acteur central des conflits irakien et syrien. Zoom sur une organisation islamiste "hors de contrôle" qui détiendrait en otage les quatre journalistes français enlevés dans la région.

 

L'EIIL, une trajectoire différente en Syrie et en Irak

L'organisation djihadiste sunnite est depuis plusieurs semaines au premier plan de deux conflits très différents. Une présence qu'elle veut conforme à son ambition : celle, comme l'indique son nom, d'instaurer un Etat islamique en Irak et au Levant, région qui inclut le Proche-Orient et en particulier la Syrie et le Liban. L'EIIL a d'ailleurs revendiqué pour la première fois un attentat suicide à Beyrouth, commis le 2 janvier dans le fief du Hezbollah chiite. Mais la création de cet émirat transnational "peut surtout paraître utopique", explique au JDD.fr Dominique Thomas, spécialiste des mouvements djihadistes à l'EHESS. "Cet objectif reste flou, il s'agit davantage d'une organisation d'opposition armée qu'un groupe ayant un véritable projet politique".

L'EIIL ne connaît pas le même sort en Irak et en Syrie. Dans son berceau historique de la région d'Al-Anbar, à l'ouest de l'Irak, l'organisation a pris le contrôle le week-end dernier de la ville de Falloujah, à 60km de la capitale Bagdad, après plusieurs jours de combats et le retrait de l'armée. Elle possède également plusieurs quartiers de la localité de Ramadi, haut lieu de la contestation sunnite au régime du chiite Nouri al-Maliki.

Dans le pays voisin, en revanche, la mouvance a subi ces derniers jours des revers à Alep et Raqa, son fief. Non pas face au régime de Bachar el-Assad, qu'elle souhaite renverser, mais contre des rebelles, qui ont lancé en fin de semaine dernière une vaste offensive contre elle. Les tensions au sein de la rébellion syrienne sont anciennes. Mais, pense Dominique Thomas, "cette coalition très hétéroclite trouve un intérêt commun à lutter contre l'EIIL", qui a gagné en puissance en Syrie et demeure "hors de contrôle". "Certains groupes subissent peut-être des pressions de la part de pays étrangers qui ont intérêt à écraser l'EIIL pour contrôler davantage l'insurrection", explique-t-il.

 

D’où vient cette organisation?

L'Etat islamique en Irak et au Levant n'est apparu dans sa forme actuelle qu'en avril 2013. Il s'agit en fait de l'héritière de l'Etat islamique en Irak (ISI), qui combattait depuis plusieurs années les forces américaines présentes sur le sol irakien. Mais l'organisation dirigée depuis 2010 par Abou Bakr al-Bagdadi s'est exportée sur le front syrien. "Elle s'est attribuée en 2012 la paternité du Front Al-Nosra, le groupe islamiste qui combat le régime syrien, en lançant une OPA contre lui. Mais Al-Nosra s'est autonomisé et a marqué cette dissociation en prêtant allégeance à Al-Qaïda", décrypte Dominique Thomas.

Hégémonique et ultra violent, l'EIIL s'est rapidement mis à dos les autres groupes rebelles. Avec 5.000 à 7.000 combattants, selon les estimations, son efficacité face aux forces loyales pourrait toutefois encore jouer en sa faveur. Selon l'islamologue Romain Caillet, de l'Institut français du Proche-Orient, le groupe "dispose d'un moyen de pression : le retrait de 750 de ses combattants des lignes de front face au régime syrien dans la région d'Alep". En effet, "une guerre intestine avec l'EIIL ajoutée à une offensive des forces loyalistes au régime d'Assad sur Alep serait une catastrophe pour les rebelles", explique ce spécialiste du salafisme, contacté par l'AFP.

 

Quel lien avec Al-Qaïda?

Que ce soit en Syrie ou en Irak, la stratégie de l'EIIL entre en divergence avec les intérêts d'Al-Qaïda, même si les deux groupes partagent une même idéologie djihadiste sunnite. "On présente le mouvement comme affilié à Al-Qaïda, ce qui est faux", affirme Dominique Thomas. En Syrie, Al-Nosra reste l'organe officiel de la mouvance terroriste et il a adopté une attitude neutre dans le conflit qui oppose l'EIIL aux mouvements rebelles en proposant, en vain, un cessez-le-feu. En Irak, l'organisation avait prêté allégeance en 2004 à Oussama Ben Laden mais la création de l'Etat islamique, deux ans plus tard, a marqué une rupture entre la direction irakienne et Al-Qaïda.

Selon Dominique Thomas, c'est pourtant cette différence de stratégie qui constitue la principale limite de son extension. "L'EIIL risque, du fait de cette opposition, d'être marginalisé et de tomber en isolement." Ses récents succès en Irak ne masquent pas des risques sur le plus long terme. Michael Knights, expert au Washington Institute for Near East Policy, expliquait en début de semaine à l'AFP que "la forte croissante de l'EIIL pourrait aussi nuire à l'organisation, parce que les batailles ouvertes dans des zones urbaines sont un point fort du gouvernement". Pour Dominique Thomas, l'organisation sait "faire des coups" mais n'est pas réputée pour "contrôler des espaces territoriaux", qui plus lorsqu'elle peine à s'ancrer au sein de la population. "Ce type d'action se termine en général très mal pour ces organisations. Tenir des villes nécessite beaucoup de ressources logistiques et humaines, et les armées gardent de toute façon la suprématie aérienne."

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