26 Avril 2013 Jean-Dominique Merchet
Le document sera publié lundi.
Au risque de casser l'ambiance, déjà bien plombée, le Livre blanc de la défense et de la sécurité nationale (LBDSN) risque de décevoir tous ceux qui en attendent une nouvelle vision et un nouvel élan. Après plus de neuf mois de travaux, dans une ambiance qu'on a connu meilleure, le LBDSN doit être rendu public par l'Elysée ce lundi 29 avril, comme nous l'annoncions.
Aucune des grandes orientations de notre défense ne sera remise en cause et, au final, on se demande bien pourquoi tant d'énergie a été dépensée pour le rédiger. Car les grands arbitrages politiques - ceux qui auraient pu bouleverser notre politique de défense et de sécurité - ont été rendu bien avant sa publication. Etat des lieux.
1) La dissuasion nucléaire. Le 22 décembre 2011, le candidat François Hollande publie un texte dans le Nouvel Observateur dans lequel il annonce son intention de maintenir la dissuasion nucléaire, dans ses deux composantes. Ce texte, d'une très grande fidelité à la doctrine française, est une surprise et clos définitivement le débat... avant qu'il ne commence. Toujours candidat, François Hollande se rend en visite à l'Ile Longue et à peine élu, il plonge à bord d'un SNLE. Puis lors de son intervention télévisée du 28 mars, il réitère son attachement à la dissuasion et confirme sa "modernisation". Ite missa est. La messe est dite. C'est un non-sujet pour le LBDSN.
2) Les alliances et l'Otan. La France, revenue dans le commandement intégré de l'Otan en 2009, y restera. Discrete sur ce sujet, clivant à gauche, durant la campagne, l'équipe Hollande n'a jamais envisagé de revenir sur la décision de Nicolas Sarkozy. Habilement, le chef de l'Etat a demandé à Hubert Védrine, qui ne passe pas pour un atlantiste forcené, de rédiger un rapport sur le sujet et l'ancien ministre de conclure qu'il était urgent de ne rien changer... Même continuité en matière européenne, où l'enthousiasme initial se heurte à l'inertie continentale... Idem pour nos accords de défense et partenariats stratégiques qui, tous, se poursuivent. Autant de non-sujets pour le LBDSN.
3) Le type d'armée. Le tournant radical a été celui de la professionnalisation des forces en 1996. Ce modèle d'armée n'est pas remis en cause et aucun retour à une forme de conscription ou d'un nouveau lien entre l'armée et la nation n'est envisagé. Non-sujet pour le LBDSN.
4) Les opérations extérieures. L'annonce d'un retrait accéléré d'Afghanistan et l'accent mis sur les Nations Unies pouvaient laisser croire qu'une nouvelle doctrine allait prévaloir, moins interventionniste et plus prudente. A partir de janvier, le Mali a fait la démonstration de l'exact contraire ! Rarement les militaires français sont intervenus avec une telle latitude pour détruire les enemis du pays... Les Opex continuent. Non-sujet pour le LBDSN.
5) Le niveau des dépenses militaires. Après bien des scénarios catastrophes et de jolis bras de fer, le chef de l'Etat a tranché en mars. Il n'y aura pas de baisse brutale du budget de la défense et les crédits de 2013 seront reconduits en 2014, avant de retrouver une légère croissance jusqu'en 2019. Le choix stratégique est clair, mais là plus qu'ailleurs, le diable se niche dans les détails (nous y reviendrons vite...). Sujet pour le LBDSN, mais sujet déjà tranché. Quant aux détails, il faudra attendre... de connaitre l'évolution de la situation économique des prochains mois et années.
Sur ces 5 sujets, les grands choix sont d'ores et déjà connus. Le LBDSN va simplement les mettre en forme, en réservant peut-être une ou deux (petites) surprises ou innovations. On sait, comme ce blog l'a raconté, que le contrat opérationnel des armées sera revu à la baisse, que l'accent sera mis sur la cyberdéfense, que l'on réduira, sans trop l'afficher, nos ambitions dans l'antimissile, que l'on insistera sur l'outre-mer et l'Afrique. Le tout fera une bonne centaine de pages.