22/09/2013 Par Marie Maurisse – LeFigaro.fr
Une très large majorité de votants a rejeté la proposition de rendre la conscription facultative. Le pays reste très attaché à ses citoyens-soldats.
Qu'il s'agisse de l'interdiction des minarets ou du renvoi des étrangers criminels, les référendums suisses sont souvent très débattus. Ce n'est pas le cas de celui qui a eu lieu dimanche. L'initiative populaire porte sur l'abrogation du service militaire obligatoire, instauré en 1848. D'après les projections de résultats établies par l'institut de sondage de Berne GFS pour la télévision publique RTS, 73% des votants ont dit non à la proposition du Groupe pour une Suisse sans armée de rendre la conscription facultative.
L'affiche choc de l'extrême droite genevoise, qui montre un soldat suisse menacé par un pistolet sur la tempe, aura certainement convaincu les électeurs de ne pas «exécuter la milice». Sans surprise, car ils avaient déjà refusé par deux fois de le faire, en 1989 et en 2001.
Ce consensus fait partie de l'ADN helvète, comme l'explique Bernard Wicht, spécialiste du sujet. «Chez nous, dès le Moyen Âge, les fusils appartiennent à ceux qui détiennent le pouvoir, c'est-à-dire les citoyens eux-mêmes, souligne cet enseignant à l'université de Lausanne. Dans les assemblées, les hommes votaient en levant leurs baïonnettes…»
Le service militaire oblige les hommes à effectuer entre 18 et 21 semaines d'entraînement l'année de leurs 20 ans, puis à se rendre 3 semaines par an à des cours de répétition, jusqu'à leurs 34 ans. S'ils souhaitent opter pour un service civil, ils doivent y passer plus de temps qu'à l'armée et s'acquitter d'une taxe annuelle équivalente à 3 % de leurs revenus, jusqu'à 30 ans.
Malgré ces contraintes, «la Suisse a besoin d'une force de réserve en cas de crise grave», soutient Guy Parmelin, vice-président du groupe parlementaire de l'Union démocratique du centre (UDC), premier parti du pays et opposant à l'initiative. Et si le pays n'est pas attaqué? «L'armée est comme une assurance, répond-il. On espère ne jamais l'utiliser mais quand les ennuis arrivent, vous êtes content de l'avoir!»
Cette mentalité a longtemps imprégné les milieux économiques, notamment bancaires: faire l'armée était un gage d'efficacité et permettait d'accéder plus vite à des fonctions de cadre. Mais aujourd'hui, ce n'est plus le cas, note le quotidien Le Temps. Les entreprises étrangères, plus nombreuses en Suisse, n'aiment pas se priver de leurs collaborateurs plusieurs semaines par an - tout en continuant à les payer. L'armée peut être un handicap à l'embauche.
Pour Tobia Schnebli, membre du GSSA et militant de gauche, «le pays a besoin d'avoir des ennemis aux frontières pour exister, d'où l'importance de l'armée. Mais cette idée, portée par la droite nationaliste, ne correspond plus à la réalité».
Absentéisme
D'ailleurs, «un Suisse sur deux échappe à l'armée», a écrit L'Hebdo fin août. «Certains évoquent - avec la complaisance d'un médecin - des problèmes respiratoires, de pied, de cœur ou simulent des faiblesses psychologiques», décrit le magazine romand.
Les autorités veulent s'adapter à cette donne. Malgré un refus probable de l'initiative, elles prévoient une diminution des effectifs, qui passeraient de 180.000 soldats à 100.000 - si la réforme est mise en place dans le courant de l'année.