29 Octobre 2015 Source: Marine nationale
À 51 ans, le capitaine de vaisseau Rebour, ancien pacha du commando Hubert et du bâtiment support de nageurs de combat Poséïdon, a quitté son poste d’adjoint pour la défense et la sécurité auprès du major général de la Marine, pour prendre le commandement de la Force maritime des fusiliers marins et commandos le 25 août dernier. Rencontre avec le commandant d’une force en pleine transformation.
COLS BLEUS : Commandant, vous venez de prendre le commandement de la Forfusco. Quel est votre état des lieux ?
CV FRANÇOIS REBOUR : J’ai le bonheur de trouver une force en pleine forme, dans ses deux composantes, ses unités de fusiliers – nos forces spécialisées de la protection-défense de la Marine – et ses unités commandos – nos forces spéciales de la Marine. Les besoins en termes d’action de protection et d’action commandos sont importants. L’activité est dense et les rythmes exigeants. Mais le retour de tous les employeurs opérationnels de la force, Marine ou interarmées, est unanime sur la qualité et l’excellence des marins. J’arrive par ailleurs à un moment clé d’une dynamique générale de consolidation des fondamentaux métiers des fusiliers et des commandos : réforme des fusiliers marins, création du commando Ponchardier, arrivée des nouveaux systèmes tels que l’embarcation commando à usage multiple embarcable (Ecume), le propulseur sous-marins de troisième génération (PSM 3G), l’embarcation de drome opérationnelle de protection nouvelle génération (EDOP NG). Là aussi, l’état-major de la Force, en partenariat avec les autres autorités organiques, les commandants d’arrondissements maritimes et nos employeurs opérationnels, est résolument à la tâche pour relever tous les défis.
C. B. : Quelles sont vos priorités, vos perspectives ?
CV F. R. : Ma priorité la plus immédiate est le renforcement des effectifs de nos unités de fusiliers. C’est fondamental pour réussir la réforme et diminuer la pression sur la ressource. Pour l’heure, l’effort de recrutement et de formation supplémentaire se passe bien. C’est déjà une centaine de fusiliers marins de très bon niveau qui vont, avant la fin de l’année, venir renforcer nos unités. Mais il ne faudra pas baisser la garde. Cet effort général de recrutement, de formation et de fidélisation est nécessaire sur plusieurs années.
Ma perspective générale est l’ambition d’une force qui est fidèle à ses valeurs et à son excellence opérationnelle alors que le monde change, la Marine change, les armées et la Défense changent. Cette ambition est celle d’une Forfusco 3.0 : une force maritime combattante, agile, prête à répondre aux exigences de la décennie à venir comme elle a su le faire par le passé. Au sortir de la guerre froide dans le cadre de la professionnalisation et de la mise en place du commandement des opérations spéciales (COS), du plan Optimar – c’était le temps de la Forfusco 1.0. Dans l’après 11 Septembre 2001, face à une menace terroriste d’un autre ordre, l’engagement en Afghanistan, la piraterie maritime, les narcotrafiquants transnationaux, l’essor de la mondialisation et avec le plan fusilier et commando 2001, c’était le temps de la Forfusco 2.0.
Les événements terroristes de janvier dernier ont annoncé le début de l’ère de la Forfusco 3.0. Il s’agit dès lors de répondre à un danger terroriste qui a encore muté, à la territorialisation des océans, à la montée des nouvelles formes de confrontations, à la malveillance tout milieu – terre, air, mer, cyber, et utilisant toute la gamme des technologies d’aujourd’hui. Les drones en sont un exemple. Cette force doit, en matière d’action commando et d’action de protection, apporter des réponses militaires renouvelées au large, de la mer vers la terre, sur le littoral et à terre, alors même que la Marine (Horizon 2025) et l’interarmées se transforment aussi : arrivée des FREMM, du Caïman Marine, du Barracuda, projet forces spéciales 2017…
C. B. : La protection des forces (PROFOR) est sous les projecteurs ces derniers mois, quel impact sur les unités de fusiliers marins ?
CV F. R. : Je viens de l’évoquer, les unités de fusiliers marins sont en rodage d’une réforme très profonde en termes d’organisation et d’activités. Désormais, elles bénéficient d’un cycle opérationnel mieux équilibré d’entraînements et d’engagements opérationnels sur et à l’extérieur du territoire national. Nos unités de fusiliers marins sont engagées dans un éventail plus large d’actions de protection et les conditions de préparation au stage commando ou à d’autres stages qualifiant y sont favorisées. Avec la réforme, le métier de fusilier marin a changé de nature et de perspective. Dans une même affectation en groupement de fusiliers marins (GFM), nos jeunes marins pourront tour à tour être engagés pour la protection d’une base navale, participer aux équipes de protection embarquée contre les pirates sur les thoniers en océan Indien et partir en opérations extérieures en appui protection des unités marine déployées en Afrique ou dans le golfe de Guinée…
C. B. : Un nouveau commando marine vient d’être créé, pourquoi ?
CV F. R. : Le commando Ponchardier est l’un des points saillants de l’effort de la Marine en réponse au renforcement des forces spéciales demandé dans le Livre blanc et la loi de programmation militaire réactualisée. Dans la ligne de la création du commando Kieffer en 2008 liée à des besoins de commandement et de renseignement, la Marine, avec Ponchardier, professionnalise totalement l’engagement opérationnel de systèmes d’appui maritime, terrestre, 3D ou d’armes spéciales – aujourd’hui indissociables de l’engagement des autres commandos. Le commando, clairement centré « système d’armes » met en place les conditions de préparation et d’intégration multi-organique, en partenariat avec la Force d’action navale, la Force océanique stratégique et la Force de l’aéronautique navale.
C. B. : Au final, fusiliers marins et commandos marine, deux mondes différents ?
CV F. R. : Évidemment non ! On oublie toujours que fusiliers marins et commandos marine sont les deux faces d’une même médaille et, qu’au-delà d’être un vivier interdépendant, ils partagent un héritage historique, un ADN commun, une « maritimité », une aptitude au combat. Ils sont issus de la même matrice : l’École des fusiliers marins, notre académie des combattants marine pour les forces spéciales et forces spécialisées protection défense. Ils sont tous le fruit de cet exceptionnel écosystème lorientais qui associe capacités de formation, avec l’école, et d’entraînement avec les commandos et le complexe de tir du Linès, l’accès à l’océan, la proximité de l’aéronavale… C’est leur interaction au sein d’une même force qui donne toute la cohérence à l’outil marine de l’action commando et de l’action de protection, une association rare qui nous est souvent enviée, une association précieuse dans un temps historique où intérieur et extérieur, offensif et défensif, maritime et terrestre sont plus que jamais liés. J’entends résolument la renforcer. L’unité est au cœur de la Forfusco 3.0 !