RFI : Bonjour général Philippe Pontiès… Quels les moyens humains et matériels dont vous disposez d’ores et déjà pour l’Eufor-RCA ?
Général Philippe Pontiès : D’un point de vue général, les contributions en matière de forces sont déjà très substantielles puisqu’elles permettent d’atteindre une capacité opérationnelle initiale sans difficultés. Elles se résument à un peu plus de deux compagnies d’infanterie, soit à peu près 300 soldats, des forces spéciales – une section de forces spéciales – et une compagnie de gendarmerie fournie par la force de gendarmerie européenne. Et bien sûr tout ceci est renforcé par un certain nombre de micro-fonctions comme des actions civilo-militaires, des équipes de lutte anti-éléments explosifs improvisés...
Quels sont les pays contributeurs qui, justement, vous ont permis d’avoir toutes ces forces à disposition ?
Nous avons actuellement sept nations contributrices en matière de force sur le terrain. Sans évoquer évidemment ceux qui arment le poste de commandement (PC) de l’opération à Larissa [Grèce] et ceux qui armeront le PC de la force sur Bangui. Nous avons actuellement la France, la Géorgie, l’Estonie, la Lettonie, l’Espagne, la Pologne et le Portugal.
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Quels sont les plus gros contributeurs ?
Je ne sais pas si on peut parler de gros contributeurs, parce qu’il y a effectivement des pays qui offrent des effectifs importants. Je pense notamment aux Géorgiens qui offrent une compagnie d’infanterie de l’ordre de 150 soldats. Et vous avez des nations qui apportent des effectifs moindres, mais des capacités qui sont extrêmement rares et précieuses. Je pense notamment aux forces spéciales espagnoles.
Et vous disposez d’ores et déjà des moyens logistiques qui vous permettront de projeter ces troupes sur le terrain ?
C’est un petit peu le problème auquel nous sommes confrontés en ce moment : le lancement reste subordonné à la mise en place d’une structure logistique d’une centaine de soldats couvrant des fonctions à la fois de soutien médical, de transport, de manutention et d’aide au déploiement. Des consultations sont en cours avec les Etats membres et des Etats tiers, en vue de trouver des contributions pour permettre à cette structure logistique de se déployer.
Ça veut dire qu’à l’heure actuelle il vous manque encore une centaine d’hommes et certaines compétences pour pouvoir lancer l’Eufor ?
Absolument… Mais des consultations sont en cours, avec tous les Etats membres et je ne désespère pas de trouver la solution qui me permettra le moment venu de recommander le lancement au Conseil.
Est-ce que vous avez le sentiment que la crise en Ukraine a pu retarder la contribution de certains Etats membres, voire inciter certains Etats à reculer après un premier engagement ?
Je crois, en tout cas, que la situation internationale telle que nous la vivons aujourd’hui explique en partie le fait que le processus de génération de forces ne va pas aussi vite que prévu. Ce n’était pas un élément pris en compte au tout début de l’établissement de l’opération. Evidement il s’est imposé à nous et à l’ensemble des Etats membres et je pense qu’il joue un rôle non négligeable effectivement, dans le ralentissement du processus. Mais nous ne sommes pas dans une situation de blocage, contrairement à ce que j’ai pu entendre ou lire ici ou là.
Pas de situation de blocage ?
Non.
Tout de même une situation un peu préoccupante ?
Situation préoccupante… Je rappelle que les ministres de la Défense et des Affaires étrangères ont rédigé un communiqué commun vendredi dernier pour exprimer le fait que le compte n’y était pas et appeler effectivement les Etats membres à leurs responsabilités. Donc il y a encore un pas à faire pour que le lancement puisse être recommandé. Ce pas n’est pas grand, mais il est essentiel et nous l’attendons évidemment avec impatience.
L’objectif reste de prononcer la pleine capacité opérationnelle de la force à la fin du mois d’avril. C'était l'objectif initial et il est toujours d'actualité. Cet objectif étant bien sûr soumis à la fois à l’analyse que nous ferons nous-mêmes de la situation sur le terrain à partir des premiers déploiements, mais aussi soumis à la capacité de transport aérien et stratégique qui sera mise à notre disposition pour compléter les premiers déploiements.
Quels sont à vos yeux les enjeux de cette force ? Qu’est qui devrait pousser les pays membres de l’Union européenne à contribuer justement, pour le déploiement de cette Eufor ?
Compte tenu de la situation en République centrafricaine aujourd’hui, à la fois humanitaire et sécuritaire, je pense qu’il y a une certaine urgence à ce que nous nous déployions pour venir épauler, en quelque sorte, l’action de l’Union africaine à travers la Misca et l’action de la France à travers l’opération Sangaris. Il s’agit bien d’une opération dite de transition qui devrait durer donc six mois, à partir du moment où la pleine capacité opérationnelle aura été prononcée et qui devrait faire le lien entre la situation actuelle et une force multinationale, sans doute renforcée à l’horizon de la fin de l’année 2014.
Et j’ajoute de faciliter aussi la tâche des humanitaires, car les organisations non gouvernementales comme d’ailleurs les organisations gouvernementales, ont énormément de projets en tête pour venir en aide aux populations. Malheureusement la situation sécuritaire étant ce qu’elle est, elles ne sont pas en situation de mettre en œuvre ces projets et je crois que l’un des défis et l’un des apports essentiels d’Eufor-RCA sera aussi de créer les conditions pour les humanitaires de mettre en œuvre ces grands projets.