Donné pour morte encore en 2011 avec 8 millions de pertes pour 6 millions de chiffre d'affaires (mais un carnet de commandes de 100 millions), la société quasi-centenaire Manurhin, fondée en 1919, fait feu de tout bois aujourd'hui. Comme en témoigne le dernier exercice qui montre une très belle croissance de ses résultats financiers, à commencer par le chiffre d'affaires (50,6 millions d'euros, contre 38,4 millions en 2013), en forte hausse de 32%. Le fabricant de machines de cartoucherie, dont le prix oscille entre 500.000 euros et 1 million, en a notamment livré 80 à l'Égypte. Le groupe anticipe une progression de 20 % du chiffre d'affaires en 2015 et un maintien des marges.
Le résultat d'exploitation du groupe a aussi très fortement progressé, pour s'élever à 7 millions d'euros (contre 4,2 millions). Soit un gain de 64% sur un an. C'est aussi le cas pour le résultat net, qui s'est établi à 6,1 millions d'euros (contre 3,8 millions en 2013), en croissance de 58% (soit une marge autour de 12%). Manurhin qui emploie 180 personnes, dont 166 à Mulhouse, a recruté une centaine de salariés depuis son nouveau départ.
La renaissance de Manurhin
Ces résultats "confirment la pertinence des choix stratégiques, la force du modèle économique et l'excellence du savoir-faire industriel 100% made in France de Manurhin", a expliqué lundi dans un communiqué la société, . En deux ans, Manurhin a triplé son chiffre d'affaire, passant de 17 millions en 2012 à plus de 50 millions l'an dernier. Et ce grâce à un plan de sauvetage initié par le ministre de la Défense d'alors, Hervé Morin, en 2010 et conclu fin 2011 avec l'arrivée d'un nouveau tour de table, d'une recapitalisation de 8 millions début 2012 et d'un nouveau patron, Rémy Thannberger.
Le groupe slovaque Delta Defence, qui détient 34% du capital de Manurhin a investi 3 millions d'euros. Giat-Industries (21,5% du capital), dont l'Etat a quelque peu tordu le bras pour accepter de sauver la société mulhousienne, et Bpifrance (21,5%), qui composent la puissance publique (43%), ont mis de leur côté 2 millions chacun. Enfin, le management, qui détient 17% de Manurhin, a mis au pot 1 million d'euros. Ce qui donne un actionnariat solide.
Un avenir prometteur?
Et le futur s'annonce prometteur. "Nous sommes au début d'un cycle, a estimé le président du conseil de surveillance Rémy Thannberger le souligne à "La Tribune". Le potentiel du marché mondial est estimé entre 500 millions et 1 milliard d'euros dans les trois à cinq prochaines années. On est dans la course au rééquipement". Car l'âge de 30 % du parc de machines de cartoucherie s'élève entre 30 et 40 ans et 20 % du parc ont entre 20 et 30 ans. En outre, la demande de munitions (petit, moyen, gros calibre, pour l'artillerie et les mortiers) pourrait atteindre en valeur au Moyen Orient et en Asie plus de 10 milliards de dollars d'ici à 2019, selon Transparency Market Research.
C'est du pain béni pour Manurhin, qui exporte 100% de sa production, en dépit d'un trou d'air dans les prises de commandes en 2014 (17,1 millions, contre 78,5 millions en 2013 et 35,6 millions en 2012). Toutefois, la société disposait fin 2014 d'un carnet de commandes de 114 millions d'euros, grâce notamment à une commande de plus de 60 millions d'euros fin 2013 pour construire une usine dans le sultanat d'Oman et à des commandes moindres en Belgique et en Suisse. Soit deux ans d'activité.
Vers une consolidation du secteur à terme
"Nous voulons continuer à prendre des parts de marché, livrer à l'heure à nos clients", explique le président du conseil de surveillance. Et de préciser que Manurhin "n'avait jamais eu d'incidents client". Manurhin, qui a installé plus de 13.000 machines de cartoucherie dans 60 pays et sur trois continents, fabrique des machines pour des lignes de production de petit calibre (de 5.56 mm à 12.7 mm) et de moyen calibre (jusqu'à 40 mm). Il a livré
Rémy Thannberger revendique 55% du marché ouvert face à deux concurrents européens, l'allemand Fritz Werner et le belge New Lachaussée, qui se partage le reste. Tout en expliquant qu'il n'y a pas de projet de consolidation de ce secteur actuellement, il semble "inéluctable" à Rémy Thannberger la réunion de ces trois acteurs sur un marché de niche.
Retour d'une production de munitions en France
Enfin, Rémy Thannberger reste prudent sur le retour d'une ligne de production en France. "La France ne produit plus de munitions de petits calibres pour la satisfaction des besoins de nos troupes, qui comme vous le savez, sont engagées sur deux théâtres d'opérations au sol, avait-il expliqué en février dernier au quotidien "L'Alsace". Nous dépendons donc de l'étranger. Cette situation suscite de plus en plus d'inquiétudes et de débats dans les milieux autorisés. Et ce qui n'était plus considéré comme stratégique hier pourrait bien le redevenir".
Cela pourrait se faire peut-être via le contrat de remplacement du Famas, le fusil d'assaut de l'armée française. En contrepartie d'une commande passée à l'étranger, Manurhin pourrait fabriquer les munitions de ce fusil en France.