L'appel du président yéménite a été entendu. L'Arabie saoudite a lancé une opération militaire au Yémen impliquant "plus de 10 pays" pour défendre le président Abd Rabbo Mansour Hadi, confronté à une rébellion de la milice chiite des Houthis et réfugié à Aden, la capitale du Sud. Il s'y était réfugié après la prise de la capitale Sanaa début février par les rebelles houthis, soupçonnés de liens avec l'Iran chiite et l'ex-président Ali Abdallah Saleh, poussé en 2012 au départ après 33 ans au pouvoir.
L'opération lancée par l'Arabie saoudite "vise à défendre le gouvernement légitime du Yémen et à empêcher le mouvement radical houthi (soutenu par l'Iran, Ndlr) de prendre le contrôle du pays", a expliqué l'ambassadeur saoudien aux Etats-Unis, Adel al-Jubeir, lors d'une conférence de presse. Les opérations se limitent pour le moment à des frappes aériennes sur différentes cibles au Yémen, mais d'autres forces militaires sont mobilisées et la coalition "fera tout ce qu'il faudra", a-t-il ajouté.
"Nous avons une coalition de plus de 10 pays qui participent ou vont participer à ces opérations", a affirmé l'ambassadeur saoudien, sans nommer de pays. L'Arabie saoudite, le Qatar, le Koweit, Bahrein et les Emirats arabes unis ont indiqué dans un communiqué avoir "décidé de répondre à l'appel du président Hadi de protéger le Yémen et son peuple face à l'agression de la milice (chiite) houthi". "La Jordanie, le Soudan, le Maroc, l'Egypte et le Pakistan ont exprimé leur souhait de participer à l'opération" au Yémen, a pour sa part rapporté l'agence officielle Spa, indiquant que cette opération avait été baptisée "Tempête de fermeté". La Jordanie et l'Egypte ont d'ores et déjà confirmé leur participation à l'intervention militaire.
Plusieurs morts à Sanaa
Selon des sources militaires au Yémen et des témoins, plusieurs sites sensibles tenus par la rébellion à Sanaa, dont une base aérienne et le palais présidentiel, ont été visés jeudi dans le cadre de cette opération et un incendie s'est déclaré dans le palais présidentiel. Les raids, entamés dans la nuit de mercredi à jeudi, ont pris par surprise la population de Sanaa, a rapporté un correspondant de l'AFP, indiquant que les habitations étaient secouées par la force des explosions. Au moins treize personnes ont été tuées dans un quartier résidentiel de Sanaa, touché par des raids aériens, a affirmé jeudi une source de la défense civile.
"Vous avez une milice qui contrôle ou pourrait contrôler des missiles balistiques, des armes lourdes et une force aérienne. Je ne me rappelle aucune autre situation dans l'histoire où une milice dispose d'une force aérienne. (...) C'est donc une situation très dangereuse", a fait valoir l'ambassadeur saoudien.
Dès mardi et après avoir maintes fois dénoncé un "coup d'Etat" des Houthis,le président Hadi avait confirmé avoir sollicité les monarchies sunnites du Golfe pour une "intervention militaire" et avoir exhorté l'ONU à adopter une "résolution contraignante" pour stopper l'avancée rebelle. Le chef de la diplomatie du Yémen, Ryad Yassine, estimait quant à lui mercredi que "la chute d'Aden aux mains des Houthis marquerait le début d'une profonde guerre civile". Pour l'heure, selon un officier de sécurité, les forces loyales au président yéménite ont repris l'aéroport international d'Aden dont des unités alliées aux rebelles chiites Houtis se sont emparées mercredi. L'Iran a dénoncé jeudi l'intervention saoudienne comme une "démarche dangereuse".
Un risque de désintégration du pays
La crise au Yémen, pays pauvre de la péninsule arabique, s'est envenimée depuis septembre 2014 quand les Houthis ont déferlé sur la capitale Sanaa pour y contester le pouvoir de Hadi et dénoncer un projet de Constitution sur un Etat fédéral qui priverait son fief dans le nord d'un accès à la mer. Pour les experts, le Yémen, écartelé entre le nord dominé par les Houthis et le sud par les pro-Hadi, est le théâtre d'une guerre par procuration entre l'Iran chiite et le royaume saoudien sunnite, qui risque d'aboutir à une désintégration du pays.
A cela s'ajoute la poursuite d'actions du réseau sunnite Al-Qaïda dans la péninsule arabique (Aqpa), bien implanté dans le sud-est.Pour ajouter au chaos, le groupe jihadiste Etat islamique, qui sévit dans plusieurs pays arabes, vient de revendiquer sa première attaque au Yémen, qui a fait vendredi plus de 140 morts dans des mosquées à Sanaa.