De Vigipirate à la cyberguerre, du budget au droit d’association des militaires, les armées sont de nouveau en chantier, moins de deux ans après la publication du Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale. Une révision de la loi de programmation militaire 2014-2019 aura lieu à l’été, notamment pour garantir les ressources promises aux armées et tenir compte des nouvelles missions qui leur sont attribuées en matière de protection du territoire national. Voici les dix principaux chantiers présentés par le ministre Jean-Yves Le Drian mercredi 11 mars.
- Plus de soldats sur le territoire
Décidé après les attentats de janvier, l’engagement de 10 000 militaires en appui des forces du ministère de l’intérieur est maintenu, a décidé le président de la République au cours d’un conseil de défense mercredi matin. Il sera maintenu « au minimum jusqu'au début de l'été, date à laquelle il sera réévalué », a ensuite précisé le ministre de la défense, Jean-Yves Le Drian, lors d'une conférence de presse.
Cet effectif comprendra 7 000 soldats pour la protection « dans la durée » des sites confessionnels juifs et 3 000 autres en renfort possible. Aujourd’hui, 682 sites sont protégés par des militaires dont 604 lieux communautaires. Le dispositif des gardes statiques va évoluer, confirme le ministre, avec des patrouilles mobiles plus nombreuses et un allégement de la protection de certains locaux quand ils sont vides.
Autre mesure : le développement des réserves. « Les travaux que nous menons visent à disposer d’un réservoir de 40 000 réservistes contre 28 000 aujourd’hui », annonce M. Le Drian. L’objectif étant de « pouvoir déployer 1 000 réservistes en permanence ». Il reste à les financer.
- Moins de coupes dans les effectifs
Les armées devaient supprimer 34 000 emplois entre 2014 et 2019, selon la loi de programmation militaire. En janvier, tirant les leçons des attentats, le chef de l’Etat avait déjà décidé de sauver 7 500 postes militaires et civils dans la défense. Mercredi, il a décidé d’aller « au-delà ». La défense espère en sauver jusqu’à 23 000. Dans ce cadre, parallèlement, l’armée de terre va être réorganisée. Son nouveau modèle sera dévoilé début avril.
- De nouveaux moyens pour la cyberguerre
Les priorités décidées en 2013 dans le cadre du Livre blanc de la défense et de la sécurité nationale sont « accentuées », annonce le ministre. Ainsi, les effectifs du volet cyber de la stratégie de défense « seront accrus ». La programmation 2014-2019 avait prévu un investissement de 1 milliard d’euros et l’embauche de 500 spécialistes, dans les états-majors et à la direction générale de l’armement. Cet effectif supplémentaire doit être doublé.
- De nouveaux moyens de renseignement
Une autre priorité du Livre blanc, le renseignement, est confortée. Le ministre confirme plusieurs projets : la réalisation avec l’Allemagne d’un troisième satellite d’observation (elle doit être actée lors d’un conseil franco-allemand le 31 mars) ; le lancement des études relatives au futur drone européen envisagé pour 2025 avec l’Italie et l’Allemagne ; la commande « à l’été » de trois nouveaux drones américains Reaper.
Lors de sa conférence de presse, il a, en outre, annoncé la création d’une « autorité administrative indépendante » afin d’encadrer les pratiques des services.
- Des sociétés de projet pour boucler le budget 2015
Pour obtenir les ressources allouées à la défense en 2015, soit 31,4 milliards d’euros, les crédits budgétaires doivent être complétés par 2,3 milliards de recettes exceptionnelles. Elles seront apportées par des « sociétés de projet », créées en juillet lors de la promulgation de la loi Macron sur la croissance et l’activité. Ces sociétés, montées par l’Etat, cèderont des armements aux industriels concernés en échange de cash, avant de relouer aussitôt ces équipements. Trois futures frégates multi-missions (FREMM) du constructeur naval DCNS et 4 avions A400M sont concernés.
- Des associations professionnelles pour les militaires
L’actualisation de la loi de programmation militaire comportera un volet social. Après la condamnation de la France par la Cour européenne des droits de l’homme en raison de l’interdiction absolue des syndicats dans les armées, le ministère va organiser « la possibilité pour les militaires de constituer des associations professionnelles ».
Le Conseil constitutionnel ayant par ailleurs récemment rappelé que les militaires en activité avaient le droit d’être élus dans les conseils municipaux, la loi sera adaptée en ce sens.
- Un service volontaire pour les jeunes
Les armées présenteront en mai un projet pour expérimenter un « service militaire adapté », inspiré de celui qui existe dans les départements d’outre-mer pour les jeunes sans qualification. Un millier de places seront offertes « dès l’automne 2015 ». Intégré au dispositif général du service civique, il comprendrait une formation professionnelle. Trois pistes sont étudiées : un partenariat avec les régions, un accord avec une branche professionnelle ou un montage avec une grande entreprise.
- Un nouveau logiciel de paie
La page du logiciel défecteux Louvois, qui a totalement désorganisé depuis quatre ans la paie des militaires, se tourne, promet le ministre de la défense. Trois prototypes ont été présentés par la Direction générale de l’armement (DGA) en décembre pour remplacer Louvois. « D’ici à cet été, nous choisirons le meilleur », précise le ministre de la défense. En décembre sera présenté un nouveau logiciel pilote baptisé Source solde. Les tests grandeur nature ne commenceront qu’en 2016.
- Le Pentagone français inauguré à l’automne
Le déménagement et le regroupement des services centraux de la défense dans « l’Hexagone Balard », version française du Pentagone, sera bouclé à la fin 2015. L’inauguration formelle du nouveau siège aura lieu en octobre, au moment de l’installation de la DGA. « L’état-major des armées aura réalisé sa bascule pour le mois de juillet, c’est à cette date que le nouveau centre des opérations sera en service », affirme le ministre.
- Un retrait confirmé de Centrafrique
Les opérations extérieures mobilisent environ 10 000 soldats.
« En Centrafrique, l’amorce d’un dialogue national confirme notre perspective d’un désengagement de l’opération “Sangaris×” dans le courant du deuxième semestre », déclare M. Le Drian. L’état-major avait planifié une baisse des effectifs, autour de 1 700 soldats aujourd’hui, pour les ramener à moins d’un millier à l’été, puis à terme autour de 500, le volume déployé par la France avant les événements de décembre 2013. Cette cible n’est pas confirmée, mais la décrue se fera progressivement au cours de l’année 2015.
La priorité reste la lutte contre la « menace terroriste d’inspiration djihadiste ». Le ministre a rappelé que 1 400 Français ont été à ce jour impliqués dans le djihad au Moyen-Orient, dont 90 sont morts et 200 sont rentrés en France.
Au Sahel, l’opération « Barkhane » se poursuit et les effectifs militaires français vont « légèrement » augmenter. La base avancée de Madama, dans le nord du Niger, « sera pleinement opérationnelle au 1er juillet », annonce le ministre.