Le dispositif de location d'armements présenté par Jean-Yves Le Drian (nos éditions du 22 janvier), ne fait pas l'unanimité au sein de l'Assemblée nationale. De nombreux députés, de droite comme de gauche, veulent des précisions sur les futures Sociétés de projet (SDP), capitalisées avec le produit de cession de titres détenus par l'État, avant de donner leur feu vert. Jean-François Lamour, membre de la commission de la défense, a pris une initiative en ce sens.
«J'ai déposé un sous-amendement à un amendement de la loi Macron qui ouvre la voie à la création des SDP, explique le député UMP qui demande un rapport détaillé sur ce dispositif. Le ministre de l'Économie devra s'expliquer. Nous manquons d'informations sur le cadre juridique, sur le coût à terme du dispositif, sur l'assurance des matériels et les équipements concernés au-delà des Airbus A 400M et des frégates.» Recourir à des SDP est la seule solution, selon le ministère de la Défense, pour boucler le budget des armées en 2015. Sur les 31,4 milliards d'euros prévus, il manque 2,6 milliards de recettes exceptionnelles, dont 2,2 milliards issus de la vente des fréquences (700 mégahertz) dont l'appel d'offres ne sera lancé que fin 2015, au mieux. Aux yeux de l'Hôtel de Brienne, l'État peut combler ce «trou» en achetant les équipements aux industriels, en les revendant immédiatement aux SDP qui les loueraient aussitôt aux armées.
Les armées très sollicitées
«L'amendement à la loi Macron n'est pas clair, développe François Cornut-Gentille (UMP), rapporteur des crédits de la défense de la commission des finances. Si ces SDP sont des dispositifs temporaires qui permettent de passer le cap de 2015 voire de 2016, nous n'y sommes pas hostiles par principe. Mais si elles s'installent dans la durée, avec l'entrée de capitaux privés, on met le doigt dans un engrenage. Ces SDP constituent une forme de partenariat public-privé qui sauve le budget à court terme mais qui coûte très cher à long terme.» Via ces externalisations, «on acte le passage du budget de la défense à 29 milliards», ajoute-t-il.
Gilles Carrez, le président de la commission des finances, fait étudier des solutions permettant de se passer des SDP, en réaffectant le produit de cession des titres détenus par l'État, directement dans le budget de la Défense. Celui-ci a besoin de moyens supplémentaires pour répondre aux enjeux, à l'heure où les armées sont très sollicitées tant sur le territoire national (10.500 hommes déployés) qu'en opérations extérieures (Opex) avec 9000 militaires engagés. Le budget militaire traîne déjà un report de charge (des impayés) de 3,5 milliards, hérité du passé. La décision de supprimer 7500 postes de moins que prévu dans les armées d'ici à 2018 coûtera au bas mot 1 milliard. Et la facture des Opex s'alourdit à plus de 1 milliard par an alors que le budget n'en prévoit que 450 millions. «Les SDP ne règlent pas tout. Nous avons un énorme problème d'ensemble», résume François Cornut-Gentille.
Pourquoi alors déconnecter les SDP de la refonte de la loi de programmation militaire 2014-2019? Une nouvelle mouture doit être présentée au Parlement d'ici à juin. Ce qui augure d'un nouveau bras de fer entre Bercy et la Défense. «La situation est assez exceptionnelle pour sortir du jeu classique entre Bercy et la Défense, ajoute François Cornut-Gentille. Nous devons à nos militaires de leur donner les moyens de remplir leur mission et de ne pas dépendre de crédits aléatoires.»