Quelques-uns des grands programmes spatiaux du Japon. De gauche à droite et de haut en bas : la constellation de satellites de positionnement QZSS, l'exploration spatiale ici avec Hayabusa 2, le développement du nouveau lanceur lourd H-3 et enfin le soutien à la Station Spatiale Internationale avec notamment le cargo de ravitaillement HTV. - Crédits : JAXA
11.10.2013 BE Japon 665
Le Bureau de Politique Spatiale du Cabinet (Office of National Space Policy) a publié en septembre 2013 une compilation des demandes de budget spatial provenant des différents ministères japonais. Ces données, bien que préliminaires et incomplètes, permettent cependant de faire une analyse qualitative des projets considérés comme prioritaires par le Japon. La demande totale de budget s'élève à 366,6 milliards de yens soit un peu moins de 3 milliards d'euros (voir Tableau). Ce chiffre est cependant provisoire car en général la demande totale de budget spatial effectuée au mois d'août est supérieure de 15% au budget finalement accordé en avril. A la lecture de ces chiffres, on peut estimer que le budget spatial devrait rester stable par rapport au dernier exercice. La hiérarchie des différents ministères est respectée : Science et Technologie, Défense, Renseignement restent les trois plus gros postes de dépense. Le budget du MEXT représente à lui seul, avec 189 milliards de yens (1,5 milliard d'euros), plus de la moitié du montant total. On constate toutefois que les contributions du Ministère de l'Industrie et de l'Administration Centrale du Cabinet augmentent de manière significative.
Dans le domaine des lanceurs, 2014 marquera le début du développement du nouveau lanceur lourd japonais H-3 avec 7 milliards de yens (54 millions d'euros) demandés pour l'année prochaine. Le coût total du développement d'H-3 est estimé à 190 milliards de yens (1,5 milliard d'euros) sur une durée de 7 à 8 ans. Avec ce nouveau lanceur, le coût d'un lancement doit passer de 10 milliards de yens (77 millions d'euros) (coût H-2A) à 6 milliards de yens (46 millions d'euros) et le coût de maintien système et infrastructures de 17 milliards de yens par an (130 millions d'euros) à 8,5 milliards de yens par an (65 millions d'euros), le tout permettant sur 30 ans une économie de 300 milliards de yens (2,3 milliards d'euros) selon la JAXA.
La JAXA continue en parallèle l'amélioration de son lanceur H-2A, avec le développement de la version améliorée du lanceur H-2A qui devrait faire son premier vol en 2015 avec le satellite Telstar 12V. Quelque 4,7 milliards de yens (36 millions d'euros) sont demandés pour ces développements. Les modifications concernent essentiellement le second étage, avec au final plus souplesse pour la mise sur orbite avec le H-2A. On note aussi que la JAXA demande 200 millions de yens (1,5 million d'euros) pour développer la capacité d'emport de charge utile auxiliaire (piggyback) sur H-2A. Enfin, avec la fin du développement du petit lanceur Epsilon, et le lancement du premier modèle le 14 septembre 2013, la ligne budgétaire Epsilon disparaît (seulement 900 millions de yens soit 7 millions d'euros). De son coté, le METI souhaite consacrer encore 125 millions de yens (environ un million d'euros) pour continuer ses études sur un système de lancement aéroporté.
Concernant les missions habitées, la participation du Japon au programme de la Station Spatiale Internationale représente le pôle budgétaire le plus important pour la JAXA, avec environ 20% de son budget. Le cargo HTV-4 a décollé le 4 aout 2013 et le prochain devrait décoller à l'été 2014. Il reste encore au total 3 HTVs à lancer par la JAXA jusqu'en 2016.
On constate par ailleurs une augmentation du volume des activités relatives à la défense et à la sécurité. Le Japon poursuit son programme de satellites de renseignement IGS avec un budget constant d'environ 70 milliards de yens (538 millions d'euros) chaque année. Le Japon dispose désormais de cinq satellites de reconnaissance en opération (six en incluant le nouveau satellite de démonstration lancé en 2013). Le prochain lancement, un satellite optique de la nouvelle génération, est prévu pour l'année 2014. Enfin, il est mentionné que le Ministère de la Défense demandera 150 millions de yens (1,1 million d'euros) pour le développement d'un capteur infrarouge par la JAXA. La JAXA a en effet depuis l'été 2012 la possibilité de collaborer sur des thématiques de défense grâce à une modification de son mandat, qui permet désormais des financements pour ce type de recherche. Ces capteurs infrarouges ultrasensibles pourraient être intégrés dans une mission d'alerte précoce aux lancements de missiles.
Tableau récapitulatif des demandes de budget spatial des ministères japonais.
Crédits : Ambassade de France au Japon
Mais la première des priorités, encouragée par le nouveau plan spatial est bien le développement de missions à retombées directes pour les citoyens japonais. Cette politique, si elle est tenue, ne deviendra effective que dans quelques années, puisque les missions qu'elle supporte doivent encore être lancées. Le programme de navigation QZSS (complément régional du GPS) est le fer de lance du le Bureau de Politique Spatiale. Son implémentation continue avec un budget constant d'environ 10 milliards de yens par an (77 millions d'euros). Le Japon attend des retombées économiques importantes de son opération, dont le démarrage est prévu "avant la fin de la décennie". Le premier satellite a été lancé en 2011, mais le calendrier de lancement des 3 autres satellites reste encore peu clair. Dans le domaine de l'observation de la Terre, la JAXA lancera bientôt le satellite GPM (lancement prévu en février 2014), le satellite radar ALOS-2 (lancement prévu au printemps 2014, 3 milliards de yens demandés soit 23 millions d'euros) et GCOM-C1 (lancement prévu pour l'année fiscale 2016, 6,7 milliards de yens demandés soit 52 millions d'euros). Le MEXT et le ministère de l'environnement ont aussi demandé un financement pour développer respectivement la plateforme et les instruments du satellite GOSAT-2 (5,7 milliards de yens soit 43 millions d'euros au total). Pour le développement du satellite d'observation optique haute-résolution ALOS-3 (2017) la JAXA demande 1,9 milliard de yens (14 millions d'euros). De son côté, le METI demande un budget de 3,3 milliards de yens (25 millions d'euros) pour des développements technologiques pour la version radar d'ASNARO, petit satellite d'observation de la Terre. On note enfin que le Bureau du Cabinet demande la somme importante de 8 milliards de yens (61 millions d'euros) pour le développement d'une constellation de surveillance des océans et des catastrophes naturelles.
A l'inverse on observe une baisse de régime pour les sciences et l'exploration robotique. Dans le domaine de l'étude de l'Univers, aucune mention n'est faite sur les futures missions hormis Hayabusa-2 (lancement prévu en décembre 2014, demande de 12,5 milliards de yens soit 96 millions d'euros) et ASTRO-H (lancement prévu en novembre 2015, demande de 9,5 milliards de yens soit 73 millions d'euros). Les études relatives à une mission lunaire ou martienne sont pour l'instant mises de côté. Pour la mission mercurienne Bepi-Colombo (en partenariat avec l'ESA), la JAXA demande 541 millions de yens (4 millions d'euros). La JAXA souhaite aussi continuer à améliorer sa petite plateforme récurrente pour les satellites scientifiques, utilisée pour SPRINT-A, avec une demande de 6,6 milliards de yens (51 millions d'euros).
Dans son premier plan spatial, le Cabinet avait émis le souhait d'engager le Japon dans des technologiques innovantes. Certains projets se distinguent en effet par leur originalité. C'est par exemple le cas de la mission SLATS (demande de 1,1 milliard de yens soit 8,5 millions d'euros) qui doit démontrer la faisabilité et l'intérêt du vol en orbite ultra-basse (jusqu'à 180 km) pour l'observation de la Terre. Son lancement est prévu au plus tôt en 2016. C'est aussi le cas des projets de production d'électricité solaire spatiale, que le Japon entend promouvoir sans pour autant leur attribuer un budget très important. La JAXA demande en effet 500 millions de yens (3,8 millions d'euros) en 2014 et le METI 250 millions de yens (1,9 million d'euros). Une expérience de démonstration de transfert d'énergie à partir de la Station Spatiale Internationale sera candidate en interne à la JAXA pour obtenir une place sur la plateforme du module japonais Kibo. Enfin, la JAXA fait une demande de 800 millions de yens (6,1 millions d'euros) pour un nouveau projet de démonstration technologique de méthode d'élimination de débris avec un démonstrateur de câble électrodynamique utilisant le cargo HTV.
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Acronymes utilisés :
- ALOS : Advanced Land Observation Satellite
- ASNARO : Advanced Satellite with New system Architecture for Observation
- ESA : European Space Agency
- GCOM-C : Global Change Observation Mission - Carbon cycle
- GCOM-W : Global Change Observation Mission - Water
- GOSAT : Global Greenhouse Gas Observation by Satellite
- GPM : Global Precipitation Measurement
- HTV : H-II Transfer Vehicle
- IGS : Information Gathering System
- JAXA : Japan Aerospace Exploration Agency
- METI : Ministry of Economy, Trade and Industry
- MEXT : Ministry of Education, Culture, Sports, Science and Technology
- QZSS : Quasi-Zenith Satellite System
- SLATS : Super Low Altitude Test Satellite
- SPRINT-A : Spectroscopic Planet Observatory for Recognition of Interaction of Atmosphere